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Une accréditation, des souvenirs : Jean Alesi devient une vedette au GP de Phoenix en 1990

Une accréditation, des souvenirs : Jean Alesi devient une vedette au GP de Phoenix en 1990

Jeudi 12 septembre 2024 par René Fagnan
Crédit photo: René Fagnan

Crédit photo: René Fagnan

Voici le quatrième volet qui raconte des anecdotes de voyages à des événements de course automobile à travers le monde depuis mes débuts comme journaliste.

Je vous ai raconté les souvenirs de Stéphane Proulx en F3000 à Nogaro en 1990, la couverture de la course de la série CART à Surfers Paradise en Australie en 1993 et le Grand Prix de France en 1985.

La saison 1990 de Formule 1 commence le 11 mars avec le Grand Prix des États-Unis présenté, pour la deuxième fois, sur le tracé urbain de Phoenix en Arizona. Rédacteur en chef du magazine Formula, je décide d’aller couvrir l’événement et je rejoindrai là-bas notre photographe, le Français Dominique Leroy, les Suisses Luc et Steve Domenjoz et le photographe québécois Patrick Vinet.

Je réserve mon billet d’avion pour la période du 8 au 12 mars, Montréal-Phoenix avec la compagnie Northwest au montant de 521,94$ canadiens, ainsi qu’une voiture de location et la chambre d’hôtel.

C’est la première fois que je me rends en Arizona. Il fait super beau, le ciel et bleu et peu de temps après être arrivé sur place, j’ai étrangement soif. En fait, l’air est tellement sec (c’est tout le contraire d’un été au Québec avec le facteur humidex) que l’organisme se déshydrate précipitamment sans qu’on s’en aperçoive.

Je me rends au bureau où la FIA distribue les accréditations de l’événement et les passes permanentes. Devant moi se trouve un photographe asiatique. Arrivé au comptoir, il donne son nom au délégué de la FIA (je trairai son nom…) qui lui rétorque tout bonnement et sans aucun état d’âme que sa demande a été refusée et que c’est comme ça. Je constate l’immense incompréhension du pauvre photographe. Ce cher responsable de la FIA demeure inflexible, non c’est non, et il se contente de dire “Next”. J’ai mon accréditation ; un vulgaire bout de carton avec des coins que l’officiel peut retirer pour restreindre mes accès.

Le circuit insipide de 3,798 km est fait essentiellement de virages à angle droit, le tout bordé de magnifiques murets en béton prêts à détruire toute monoplace qui passerait trop près d’eux. Les rues qui l’étalent d’est en ouest au centre-ville et qui forment une partie du circuit portent de nom d’anciens Présidents américains (entre 1789 et 1841) : Martin Van Buren, James Monroe, John Adams, George Washington, Thomas Jefferson, James Madison et Andrew Jackson.

Des préqualifications ont lieu tôt vendredi matin. Neuf pilotes y participent et seuls les quatre plus rapides pourront disputer le reste de l’épreuve. Le fameux moteur Subaru à plat de la Coloni démarre, fonctionne durant quelques secondes puis s’arrête net ! Son pilote, Bertrand Gachot, parvient quand même à effectuer un seul tour de piste en 5’15” (oui, cinq minutes !). La Life à moteur W12 de Gary Brabham tourne en 2’07” et ne dépasse pas la vitesse maximale de 185 km/h !

La performance exceptionnelle de Jean Alesi sur une Tyrrell

La séance de qualification de l’après-midi est dominée par Gerhard Berger et sa McLaren-Honda. Les voitures chaussées de pneus Pirelli sont très à l’aise par cette chaleur, ce qui explique les excellentes performances de Pierluigi Martini (Minardi), Andrea de Cesaris (Dallara) et Jean Alesi (Tyrrell) qualifiés juste derrière Berger.

Samedi, il pleut ! Incroyable ! Il pleut très rarement en Arizona et un déluge s’abat samedi ! Le circuit est noyé et seuls quelques courageux tentent de rouler sur cette patinoire. La seconde séance de qualification est inutile, et la grille de départ est établie selon les chronos de vendredi. Notre groupe va souper au restaurant samedi soir et j’avoue qu’entendre ce cher Dominique parler anglais avec un accent à coucher dehors vaut le voyage !

Je décide de regarder le début de la course depuis le virage 11, puis je me déplacerai au virage 12. Même s’il s’agit d’un circuit insignifiant, la vue des 27 voitures groupées qui approchent vers vous entre les deux murets en béton est vraiment impressionnante.

Le départ est donné à l’autre bout du circuit et à mon grand étonnement, c’est une petite voiture bleue qui mène la meute au premier tour : la petite Tyrrell 018 à l’antique moteur V8 Ford Cosworth DFV de Jean Alesi !

Alesi mène avec aplomb, mais entre le 14e et le 27e tour, son avance fond comme neige au soleil, car Ayrton Senna, partit cinquième, se rattrape. Et la minuscule foule de 10 000 spectateurs assiste à l’une des passes d’armes les plus spectaculaires de l’Histoire de la F1.

Au 33e tour, la McLaren profite de l’aspiration de la Tyrrell plonge à l’intérieur du virage pour doubler Alesi. Mais le Français reprend la commande au virage suivant ! Au tour suivant, Senna répète sa manœuvre et cette fois le Brésilien reste sur sa gauche et empêche Alesi de revenir devant lui. Mais au virage suivant, Alesi, déterminé à impressionner Ken Tyrrell, plonge à l’intérieur de la McLaren ! Les pneus se frôlent, mais le Brésilien reste devant. Obstiné, Alesi ne baisse pas les bras et tente à nouveau de doubler Senna au virage suivant. Du bord de la piste, leur lutte est hyper spectaculaire. Toutefois, Alesi comprend qu'il est plus imporrtant pour lui, et pour Ken Tyrrell, de terminer la course et de marquer des points.

Au terme des 72 tours de course, Senna remporte le premier Grand Prix de la saison 1990. Alesi monte sur son premier podium en carrière tandis que Thierry Boutsen, sur une Williams, se classe troisième. Nous venons d’assister à l’éclosion d’un pilote incroyablement spectaculaire, d’une grande générosité et extrêmement sympathique, Jean Alesi, qui remportera sa première et unique victoire en F1 à Montréal en 1995.

Dimanche soir, c’est le dernier souper avec le groupe de déchaînés agrémenté de fous-rires mémorables. Lundi, c’est le temps de revenir à la maison avec un vol Phoenix-Cleveland-Montréal et la satisfaction d’avoir assisté à un moment unique.

Crédit photo: Dominique Leroy