La marque Shadow, qui a produit de magnifiques voitures de Formule 1 et de Can-Am, a été créée et dirigée par un mystérieux personnage extrêmement discret et réservé, Don Nichols.
Cet Américain est né en 1924 et nous a quitté le 21 août 2017 à l’âge de 92 ans. Tout jeune, il a été parachutiste au sein d’une unité de l’armée américaine qui fut larguée au-dessus de la Normandie lors du débarquement. Après la guerre, il est entré au Pentagone afin d’être intégré aux services secrets de renseignements.
Il devint passionné de course automobile et participa à quelques épreuves. Quand la guerre de Corée a éclaté, il a été transféré au Japon et a appris la langue japonaise. Après avoir quitté l’armée, Nichols est devenu le lien entre le sport automobile japonais et l’américain. Il a même réussi à convaincre l’architecte du circuit de Daytona, Charles Moneypenny, à venir au Japon pour concevoir ce qui sera le circuit Fuji International Speedway.
Quand il revient aux États-Unis, en Californie, il fonde Advanced Vehicle Systems avec un ingénieur de talent, mais une sorte de savant fou, Trevor Harris. En 1970, ce dernier se met au travail afin de concevoir une première voiture de course qui va porter le nom de Shadow. Le logo noir de Shadow représente un espion vu de dos. Cette première création n’est pas un succès, mais Nichols parvient à trouver un commanditaire majeur.
Il s’agit de UOP, Universal Oil Products, une entreprise pétrolière fondée en 1914. Après le choc pétrolier mondial du début des années 70, des études ont confirmé les effets dévastateurs de la présence de plomb dans l’essence des voitures. UOP a alors beaucoup investi dans de nouvelles technologies qui ont permis de produire de l'essence sans plomb. Ce nouveau carburant est soudainement devenu très populaire et même parfois obligatoire.
En 1972, Nichols confie sa Shadow Mk.3 au pilote britannique Jackie Olivier. Et deux ans plus tard, Oliver pilote la Shadow DN4 à moteur V8 Chevrolet de 8,1 litres et récolte titre de la série Can-Am devant son coéquipier, George Follmer.
Des sublimes voitures toutes noires
C’est en 1973 que Shadow, fort de quelques millions de dollars investis par UOP, se lance en F1. Dès le premier Grand Prix de la saison, tenu en Afrique du Sud, Follmer récole le point de la sixième place. La Shadow DN1 à moteur V8 Ford Cosworth, avait été conçue par Tony Southgate et Dave Wass. Cette DN1 n’est pas hyper rapide, casse souvent, mais permet de décrocher deux podiums.
La saison 1974 débute avec les Shadow DN1 et DN3 pilotées par Peter Revson et le Français Jean-Pierre Jarier (photo ci-dessus). Cependant, une tragédie survient quand Revson se tue au volant de la DN3 lors d’essais libres en Afrique du Sud à la suite d’un bris de suspension. Le pauvre Revson est remplacé par Tom Pryce et Jarier apporte un peu de réconfort à Nichols en grimpant sur le podium à Monaco.
L’année suivante, la Shadow DN5 donne des ailes à Jarier qui signe deux pole positions consécutives en début de saison, mais qui doit abandonner les deux fois. La seule victoire d’une Shadow en F1 survient lors du Grand Prix d’Autriche humide de 1977 quand l’Australien Alan Jones profite des conditions de piste changeantes pour mener une charge spectaculaire et remporter la victoire à bord de sa DN8-Ford. C’est à ce moment que UOP décide de stopper son implication.
L’écurie va survivre difficilement aux trois années suivantes. Un riche homme d’affaires italien, Franco Ambrosio, fait son entrée dans l’écurie, de même qu’un cigarettier, Villager.
Le malheur frappe une autre fois quand Tom Pryce se tue au Grand Prix d’Afrique du Sud à Kyalami quand sa Shadow percute de plein fouet un commissaire qui a traversé la piste juste devant lui. L’extincteur que tient le commissaire percute de plein fouet le casque du pilote qui est tué sur le coup, ainsi que le pauvre bénévole.
En 1978, Hans Joachim Stück et Clay Regazzoni ne font pas de miracles à bord des DN9. Cette même année, Shadow quitte la série Can-Am. Un an plus tard, c’est la descente aux enfers en F1 avec deux pilotes peu expérimentés : Jan Lammers et Elio de Angelis. Et début 1980, c’est la fin de Shadow dont les actifs sont vendus à Teddy Yip.
Don Nichols quitte alors complètement le monde de la F1 et du sport automobile. On l’a revu à quelques occasions sur les circuits lors de courses de voitures d'époque, surtout quand des amateurs roulent à bord d’anciennes Shadow. Malgré son manque de résultats, surtout en F1, la marque a connu une très grande popularité.