La décennie 1980 a révolutionné le monde de l’Endurance et plus spécialement des courses de Sport-prototypes avec la création de la réglementation Groupe C de la FIA. Des voitures superbes et des courses mythiques, à commencer bien sûr par les 24 Heures du Mans en Europe, ou encore les 24 Heures de Daytona, les 12 Heures de Sebring voire même les trop brefs 1000 Km de Mosport en Amérique du Nord.
Porsche fut le premier manufacturier à se lancer dans la conception d’une voiture de Groupe C, et le succès fut immédiat. Mais la décennie a commencé avec une première. En 1980, l'équipe officielle Porsche était absente de la lutte pour la victoire toutes-catégories au Mans. Une bonne vieille 936 passa malgré tout proche du succès, alors que le duo Jacky Ickx-Reinhold Joest termina deuxième derrière le pilote-constructeur Jean Rondeau. Associé à Jean-Pierre Jaussaud, Rondeau triompha avec son propre prototype muni d’un moteur Cosworth. Un exploit toujours inégalé à ce jour.
Chez Porsche, cette édition 1980 fut consacrée à l’engagement officiel de trois 924 Carrera GTR. Des voitures d'une puissance d'environ 375 chevaux qui n’étaient évidemment pas en lice pour la victoire générale. Le but était de les soumettre à un test d'endurance extrême, et bien sûr aussi d'utiliser la course comme une vitrine publicitaire pour une nouvelle technologie : les voitures de sport à moteur avant refroidi par eau. Fiables et performantes, ces 924 étonnèrent et l’une d’entre elles réussit même à se hisser à la sixième place au classement général.
Un an plus tard et alors que le programme de développement de la première voiture de Groupe C était lancé en vue de 1982, Porsche célébrerait sa sixième victoire aux 24 Heures du Mans grâce à Derek Bell et Jacky Ickx sur une décidément pas tuable Porsche 936 Spyder remise au goût du jour ! L’histoire de cette voiture est exceptionnelle et le châssis qui gagna cette édition 1981 carrément cocasse : ayant pris la décision de participer au Mans très tardivement, le département course avait tout simplement ressorti du musée Porsche à Stuttgart le prototype victorieux des éditions 1976 et 1977. Équipée désormais d'un moteur biturbo de 2,65 litres avec une puissance d'environ 620 chevaux, cette voiture disposait de la motorisation que Porsche avait créé pour une monoplace en vue de participer aux… 500 milles d’Indianapolis !
Début 1982, le règlement Groupe C était en place et les observateurs présents au Mans assistèrent à une véritable révolution ! Des machines d’un modernisme jamais vu encore en sport automobile, puissantes et fiables, à tel point que, pour leur toute première course jamais disputée, les trois Porsche 956 aux couleurs Rothmans terminèrent en première, deuxième et troisième positions.
Après 30 ans d'utilisation de châssis tubulaires, la Porsche 956 a été le premier prototype bâti sur un châssis monocoque en aluminium. Cependant, l'innovation la plus importante a été réalisée par l'ingénieur Norbert Singer dans le domaine de l'aérodynamique : les diffuseurs sous la voiture généraient un vide qui collait la 956 au sol. Sans avoir besoin d’utiliser des jupes latérales comme en F1 quelques années plus tôt, les Groupe C utilisaient pleinement la force de l’effet de sol. Ainsi, les records sont rapidement tombés avec des voitures dont la vitesse de passage en courbe était très élevée. Pesant seulement 820 kilos, la Porsche 956 Groupe C était propulsée par le moteur biturbo qui avait déjà fait ses preuves en 1981.
La 956 et son évolution, la 962C, allaient demeurer invaincus au Mans jusqu'en 1987. Après la victoire de Ickx et Bell en 1982, Porsche vendit des 956 aux équipes clientes, qui devinrent en moins d’un an les principales menaces aux triomphes de l’équipe officielle.
En 1983, Jacky Ickx ayant été envoyé en tête-à-queue par une voiture cliente aux mains de Jan Lammers (l’ancien pilote de F1 et d’Endurance, aujourd’hui à la tête du projet ramenant la F1 aux Pays-Bas), c’est la 3ème 956 officielle qui l’emporta, pilotée par le trio Hurley Haywood-Vern Schuppan-Al Holbert. Pas moins de neuf 956 terminèrent dans le Top 10 de cette édition.
Protestant contre le règlement trop restrictif de limitation de la consommation de carburant, l’usine Porsche laissa ses équipes privées la représenter en 1984. L’écurie de Reinhold Joest, avec en son sein le très brillant ingénieur Ralf Juttner (qui deviendra l’une des pièces maîtresses des triomphes Audi dans les années 2000), l’emporta avec Henri Pescarolo et Klaus Ludwig. Et pour bien montrer que ce succès n’était pas dû à l’absence de l’équipe officielle, Joest récidiva l’année suivante, battant l’usine avec encore Ludwig comme pilote, associé cette fois aux richissimes Paolo Barilla et Louis Krages.
1985, c’est aussi le record de Hans-Joachim Stuck aux qualifications, qui réalise la pole position avec un tour à la vitesse moyenne de 251,815 km/h aux commandes de sa 962C dont le moteur trois litres turbo entièrement refroidi par eau développait environ 700 chevaux. Cette moyenne n'a plus jamais été atteinte sur le circuit dans cette configuration. Enfin, 1985 est la dernière participation de Jacky Ickx. Le Belge remporta au total 6 victoires au Mans, dont quatre avec Porsche.
En 1986 (photo du départ ci-dessus) et 87, ce que certains ingénieurs de Porsche considèrent encore aujourd’hui comme le prototype de course le plus réussi de la marque a remporté deux autres succès, avec le même équipage (Bell-Stuck-Holbert) avant de concéder la victoire à Jaguar en 1988. À noter aussi en 1987 la participation du Québécois Richard Spénard, sur une 962C du Brun Motorsport, en compagnie de Scott Goodyear et Bill Adam. Mal préparée, l'auto connut un bris mécanique au tiers de l'épreuve.
Aux qualifs de l'édition 1988, Stuck, encore lui, avait été capté à 391 km/h sur la ligne droite des Hunaudières, la vitesse la plus élevée jamais officiellement mesurée pour une Porsche au Mans. En course, une panne d’essence à la fin de la première heure allait retarder la meilleure 962C et c’est avec moins d’un tour d’avance que la Jaguar XJR8 de Jan Lammers, Johnny Dumfries et Andy Wallace s’imposa.
En 1989, Porsche axa ses objectifs vers un programme en IndyCar et Sauber-Mercedes domina les 24 Heures du Mans, récoltant le doublé. Malgré tout, une 962 privée parvint à se classer 3ème mais le règne de cette machine avait pris fin. Encore que, l’histoire n’était peut-être pas tout à fait finie entre la 962 et Le Mans…