Lando Morris de l’écurie McLaren a remporté la victoire au Grand Prix de Formule 1 de Singapour l’an dernier. Cette course urbaine, disputée en nocturne sous les réflecteurs, est inscrite au calendrier de la F1 depuis 2008. En revanche, la naissance du Grand Prix de Singapour remonte loin en arrière, en 1961 !

Ancienne colonie britannique, Singapour est une cité-état qui couvre une superficie de 724,2 km2 et comprend 63 îles. À la fin des années ’50, l’économie de Singapour prospère à pas de géants et l’île est de mieux en mieux desservie par les compagnies aériennes.

En 1961, le ministère de la culture lance une vaste campagne publicitaire afin d’inciter les touristes à venir visiter l’île et organise une première course automobile, le “Singapore - Orient Year Grand Prix” les 16 et 17 septembre 1961.

Le circuit semi-urbain de 4,865 km, nommé circuit Thomson Road, n’a vraiment rien à voir avec l’actuel tracé moderne de Marina Bay. Avec ses virages rapides empruntant des routes en mauvais état et dotées de dévers allant parfois dans tous les sens, il était dangereux et offrait peu de sécurité aux pilotes et aux spectateurs (ce qui était “normal” à cette époque…). C’est un pilote local, Lee Han Seng, qui remporte la victoire à cette occasion.

À cause la proximité de leurs pays, les Australiens et les Néo-Zélandais débarquent en grand au cours les années suivantes. Graeme Lawrence gagne la course à trois reprises entre 1969 et 1971 tandis que Max Stewart s’impose en 1972 devant un compatriote, Vern Schuppan. 

Schuppan n’est pas un inconnu. Après s’être imposé en karting dans son Australie natale, il s’exile au Royaume-Uni et se donne deux ans pour se faire remarquer. Et ça marche.

Schuppan et Helmut Marko

Il court en Formule Ford puis remporte le titre du championnat national de Formule B/Atlantic. Il débute en F1 au Grand Prix de Belgique à Nivelles en 1972 aux commandes d’une BRM P153B. Qualifié 26e, il doit cependant laisser sa monture pour la course à un certain Helmut Marko qui a sérieusement endommagée la sienne.

Lors du Grand Prix de Singapour de 1972, Schuppan est au volant d’une March 722 à moteur quatre cylindres Ford Twin-Cam flambant neuve. Durant les essais, une pièce de suspension casse et la belle March quitte la piste. Elle est amochée, mais l’équipe la répare sur place. Schuppan prend le départ en dernière position, effectue une belle remontée et se classe deuxième derrière Max Stewart.

La March est ensuite expédiée au Royaume-Uni pour être rebâtie correctement et modifiée par l’aérodynamicien canadien Brian Falconer employé par March.

Falconer conçoit cinq styles différents de carrosserie, adaptés au type de circuit sur lequel elle doit rouler. La voiture est également équipée d'une suspension spécifique pour des circuits lents et d’une autre pour les pistes rapides et larges.

La March modifiée, commanditée par Theodore Racing et Singapore Airlines, est donc inscrite au Grand Prix de Singapour de 1973 prévu sur 50 tours le 22 avril. C’est le Néo-Zélandais Graeme Lawrence, sur une Surtees TS15, qui signe la pole position en 1’57”1 devant la March de Schuppan en 1’57”3 et la Birrana 273 de l’Australien Leo Geoghegan.

En course, Schuppan, Lawrence et Geoghegan luttent pour la victoire. Puis, Schuppan mène devant la Birrana de Malcolm Ramsey. Ils roulent de concert sur cette piste qui commence à se dégrader. Des pierres et des débris d’asphalte se répandent. Un pneu arrière de la March de Schuppan projette soudainement des pierres à la Birrana de Ramsey.  Une d’elles perfore le réservoir d’essence et le liquide se met à couler dans l’habitacle. Sentant des brûlures dans ce bain d’essence, Ramsey abandonne.

Schuppan croise l’arrivée en vainqueur avec une avance impressionnante de 38”5 sur Graeme Lawrence et un tour sur le Hongkongais John MacDonald sur une Brabham.

Au cours des années suivantes, Schuppan a couru en F1 avec les écuries Ensign, Embassy-Hill et Surtees ainsi qu’en série IndyCar et aux 500 Milles d’Indianapolis (photo ci-dessus). Il est surtout connu pour avoir gagné les 24 Heures du Mans en 1983 à bord d’une Porsche 956 officielle en compagnie de Hurley Haywood et Al Holbert.