Après avoir été éjecté de la filière Player’s à l’automne 1997, Bertrand Godin a tenté sa chance en effectuant un retour en Europe pour disputer une saison en Formule 3000.
Après le karting, Bertrand Godin a remporté le Volant Maxauto en France et a disputé trois saisons en Championnat de France de Formule Ford à titre de pilote d’usine Mygale. Recruté par Player’s à son retour au pays, il a décroché deux victoires en Formule Atlantique en 1997 et son avenir s’annonçait prometteur. Mais contre toute attente, le ciel lui est soudainement tombé sur la tête. « Le jour de mon anniversaire de naissance, j’ai appris que Player’s ne me ferait plus courir. Je n’avais plus rien. Une clause de mon contrat stipulait que Player’s pouvait m’aider financièrement pour poursuivre ma carrière, mais pas en Atlantique » nous a raconté celui qui est aujourd’hui analyste des courses de Formule E à TVA Sports et instructeur de conduite avancée à l’École nationale de police du Québec.
« Nous étions déjà la mi-novembre. Mon agent, Jean-Marc St-Pierre, s’est intéressé à la Formule 3000 en Europe, car c’était moins cher que l’Atlantique. Nous avons contacté l’écurie Coloni et Player’s a payé mon essai de la voiture sur le petit circuit de Maggione. Ç’a super bien été. J’étais vraiment à l’aise dans cette voiture. Coloni demandait quand même 700 000$ pour une saison. Et quelques semaines plus tard, ce fut la crise du verglas. Ce fut impossible de trouver un commanditaire quand toute l’économie du Québec était à l’arrêt ».
Les semaines passent et la date des inscriptions approche. « Une autre équipe, Durango, m’a contacté et me demande 500 000$ canadien pour la saison. On a tenté de négocier à la baisse avec Coloni, mais il a cru que c’était du chantage. On a finalement signé le contrat avec Durango à quatre heures du matin juste avant la conférence de presse » précise Godin.
« Je passais du statut de pilote professionnel rémunéré à celui de pilote qui devait trouver un demi-million de dollars pour courir. On a trouvé de l’argent chez Groupaction et Player’s, mais on était loin du compte. Chez Durango, j’ai retrouvé mon ancien coéquipier de l’écurie Maxauto de Formule Ford, Soheil Ayari, qui en était, lui, à sa deuxième saison en F3000 » ajoute-t-il.
La saison commence et il faut préciser qu’il n’y a pas d’essais libres à ce moment-là en F3000. Les concurrents entrent en piste directement en qualification, et Godin ne connaît pas les circuits.
« À la première course à Oschersleben, je me qualifie 12e. Il y a de la pluie en course et je termine huitième. Pour une première tentative, j’étais encouragé. À Imola, je trouve que l’auto a beaucoup de roulis. Puis, je cale au départ, je m’accroche avec un rival et j’abandonne. J’ai une grosse remise en question sur le pilotage d’une F3000. J’explique à mon ingénieur ce que la voiture fait, mais ses modifications n’apportent aucun changement. Ça été comme ça durant toute l’année. Pire que ça, on a régressé » explique-t-il.
Un châssis complètement dépassé
« À Monaco, nous sommes près de 40 voitures en piste lors des qualifications. À la Rascasse, il me faut arrêter, appuyer sur l’embrayage et attendre que celui devant démarre pour son tour rapide. Je trouve un trou dans le trafic et je me qualifie 24e et dernier. J’abandonne en course à la suite d’un bris de transmission. En plus de piloter, je dois m’occuper de tout : planifier mes déplacements, réserver les billets d’avion, les hôtels et les voitures de location tout en continuant à chercher du financement ».
Godin a beau se donner au maximum, les résultats ne sont pas au rendez-vous. « À Enna-Pergusa, je suis 27e durant la qualification. Je demande qu’on installe des ressorts plus rigides de 400 livres. Je fais un tour canon, plus rapide de quatre dixièmes de seconde. Je suis super content ! Mais c’est une douche froide quand on me dit que j’ai chuté au 31e rang ! Je me suis constamment remis en question. Pas facile mentalement de passer de pilote qui gagne à celui qui se qualifie en fond de grille » avoue-t-il.
« À Barcelone, la voiture a sous-viré et je suis sorti trop large dans le dernier virage. J’ai filé droit dans le mur. La voiture était endommagée, mais le châssis n’avait pas été touché, ce qui aurait été une bonne chose. Car dans la voiture de Coloni, je ressentais tout. Dans celle-là [de Durango], rien du tout. En fin de saison, j’ai su que l’équipe avait effectué un test de torsion pour découvrir que mon châssis était totalement délaminé. C’est pour cela qu’il était insensible aux changements de réglages ».
Godin ajoute que la manque de budget était inquiétant. « Pour que je puisse disputer une course, Ivone Pinton [patron de Durango] a dû laisser nos ailerons de rechange en garantie pour obtenir les porte-moyeux neufs sans avoir à les payer sur place. J’ai terminé la saison avec des dettes de 100 000$ et ça m’a pris du temps à les rembourser ».
Cependant, Bertrand Godin avoue avoir énormément appris en 1998. « Ce fut décevant au niveau des résultats, mais quelle expérience incroyable ! J’ai négocié le tunnel à Monaco à plus de 200 km/h, passé Eau Rouge à Spa, roulé à Imola, Silverstone et Pau, et affronté des gars comme Juan-Pablo Montoya, Nick Heidfeld, Bruno Junqueira, Gaston Mazzacane et même Christian Horner ! » raconte Godin.
Rétro 1998 : Les innombrables défis affrontés par Bertrand Godin en Formule 3000
Jeudi 27 février 2025 par René Fagnan
Crédit photo: Jean-Claude Loustau