Si le Torontois Paul Tracy a récolté des victoires remarquables au cours de sa carrière, il aussi commis des bourdes monumentales, dont celle que nous vous racontons aujourd’hui.
En 1993, Tracy est un des deux pilotes de la puissante écurie Penske Racing en série CART/IndyCar et son coéquipier est Emerson Fittipaldi. Son ingénieur de piste est Nigel Beresford et son mentor, ou coach de pilotage, est l’illustre Rick Mears. Tracy et Fittipaldi sont aux commandes de redoutables Penske PC-22 à moteur V8 turbo Chevrolet C.
Mais comment Tracy s’est-il retrouvé au sein de cette écurie légendaire ? Paul est le fils de Tony Tracy ; un entrepreneur en peinture de bâtiments au caractère bouillant et aux colères explosives.
Après avoir été couronné champion canadien de Formule Ford à 16 ans en 1985, Paul court en Formule 2000, puis remporte une victoire en série Can-Am à seulement 17 ans. En 1990, il écrase la compétition en série ARS (Indy Lights), récoltant huit victoires en 14 épreuves en route vers le titre.
Son père Tony verse 100 000$ américains pour lui louer une voiture de l’écurie de Dale Coyne afin qu’il dispute le Grand Prix de Long Beach en 1991 en série CART. Après la course, Paul Tracy reçoit la visite d’un émissaire de Roger Penske et puis… plus rien. Quelques semaines plus tard, Roger Penske fait venir Tony et Paul à Détroit et un contrat est signé.
En 1991, Tracy ne dispute que 12 courses, mais grimpe quatre fois sur le podium. L’année suivante, la saison commence à Surfers Paradise en Australie. Tracy se qualifie troisième, mais abandonne au 30e passage à la suite d’ennuis électriques.
La course suivante, le Valvoline 200, a lieu sur le petit ovale d’un mille de Phoenix planté au milieu de désert. Tracy est le pilote qui a effectué le plus grand nombre de tours sur cet ovale durant les essais hivernaux. Il peut probablement y rouler les yeux fermés.
Tracy domine la course, puis commet un bourde
C’est un autre Canadien, Scott Goodyear (Lola T9300-Ford XB), qui décroche sa première pole position en carrière. Il devance Mario Andretti (Lola T9300-Ford XB), Fittipaldi sur une Penske, Roberto Guerrero (Lola T9300-Chevy C), Tracy et Raul Boesel (Lola T9300-Ford XB). Notons que Nigel Mansell, le coéquipier de Mario Andretti, n’est pas au départ puisqu’il s’est blessé au dos lors d’un gros accident survenu durant les essais.
Si Goodyear roule d’abord bon premier, il est vite doublé par Andretti. Mais l’action se déroule derrière eux. Tracy occupe d’abord le cinquième rang, mais double d’abord Guerrero avant de rejoindre Fittipaldi.
Fittipaldi double Goodyear, puis quelques secondes plus tard, Tracy double son compatriote par l’extérieur. Tracy passe devant Fittipaldi et grimpe au second rang. On cligne des yeux et voici Tracy qui double Andretti encore une fois par l’extérieur. Et tout cela s’est déroulé en seulement 10 tours de piste !
Tracy vole littéralement sur cet ovale aux quatre virages dont l’angle d’inclinaison est de 10, 8, 9 et 11 degrés. Avec un tour complété en à peine 20 secondes, les pilotes doivent toujours être aux aguets, surtout quand ils doivent doubler des retardataires.
Au 161e tour, Tracy, qui possède deux tours d’avance sur son plus proche poursuivant, doit justement doubler Jimmy Vasser qui accuse plusieurs tours de retard à bord de sa Lola vieille d’un an.
Tracy place sa Penske dans le sillage de la Lola, puis, à l’approche du virage 1, il déboite à sa gauche pour la doubler par l’intérieur. Vasser referme doucement et progressivement l’ouverture. La Penske n’est pas à côté de la Lola quand Tracy perd le contrôle du train arrière, probablement déstabilisé aérodynamiquement. La Penske dérape et va percuter le mur. La course de Tracy se termine là.
Dans les puits, Roger Penske et Rick Mears n’en croient pas leurs yeux. Comment Tracy a-t-il pu commettre une telle erreur de jugement, car il n’avait qu’à doubler sagement Vasser sur la ligne droite, en toute sécurité ? Lors d’interviews d’après-course, Tracy blâme Vasser pour ne pas lui avoir laissé tout le passage, tandis que Vasser explique qu’il faisait sa course et que Tracy n’avait qu’à ne pas précipiter les choses.
C’est finalement Mario Andretti qui a remporté la victoire, sa 52e dernière dans les séries USAC/CART.