Le coureur automobile québécois Gilles Villeneuve ne s’est pas qu’illustré sur quatre roues ou à motoneige, mais aussi sur l’eau, ayant battu plusieurs de ses compères de Formule 1.

Nous sommes en 1981. Gilles Villeneuve et Didier Pironi sont les pilotes de la Scuderia Ferrari de F1. Leur voiture, la Ferrari 126 CK à moteur V6 turbo, les propulse de virage en virage comme un dragster et ne possède ni agilité, ni efficacité aérodynamique. Pourtant, à son volant Villeneuve réalise deux miracles : gagner dans les rues de Monaco et sur le petit tracé sinueux de Jarama en Espagne. À ce moment, Villeneuve est le pilote de F1 le plus populaire en Italie, un véritable dieu.

Le Québécois est alors un grand amateur de bateaux haute performance. Il vit à Monaco et possède un bateau off-shore muni de deux moteurs V8 Ford qui développent la puissance de 1400 chevaux. De son côté, Pironi est séduit par les superbes bateaux construits par Tullio Abbate et en est l’importateur pour la France.

Lors d’un souper réunissant Abbate, Villeneuve et Pironi à St-Tropez, l’idée leur vient d’organiser une course nautique sur un tracé délimité par des bouées pour des pilotes de F1 aux commandes de ces bateaux et de décerner la Coupe Rothmans.

La course a donc lieu sur le lac de Come juste avant le Grand Prix d’Italie. Les pilotes sont logés à la Villa d’Este, un des plus prestigieux hôtels d’Italie construit en 1500 par le Cardinal Tolomeo Gallio et où ont séjourné les stars de cinéma, les têtes couronnées et les riches de ce monde.

Six pilotes ont accepté l’invitation de Villeneuve et Pironi : Riccardo Patrese, Bruno Giacomelli, Beppe Gabbiani, Jean-Pierre Jarier, Marc Surer et Eddie Cheever. Les bateaux sont des Abbate Sea Star 20 de type off-shore, propulsés par des moteurs Mercruiser 485 de 3,7 litres de 185 chevaux.

Mais où est donc Gilles Villeneuve ?

À quelques minutes de réunion des pilotes, Abbate a des sueurs froides, car il manque des participants et 20 000 spectateurs sont déjà réunis pour assister au spectacle. C’est alors que Villeneuve pose son hélicoptère sur le gazon fraîchement tondu de la villa et qu’en émerge Villeneuve, Pironi et Giacomelli. Avant le premier départ, Surer avoue en toute honnêteté n’avoir jamais piloté un tel engin et Giacomelli admet qu’il sait à peine nager.

La course est disputée en deux manches qui procure des points aux concurrents. Le pilote qui aura amassé le plus de points en fin de journée sera déclaré le vainqueur.

Première manche : Giacomelli démarre comme une fusée et personne ne peut le rattraper. Il gagne la course en 12’01 devant Surer, Patrese et Villeneuve. Le Québécois réalise le meilleur tour en 1’10”12.

Deuxième manche : Pironi prend la commande de la course, mais est pourchassé par Villeneuve. Le Québécois passe à l’attaque. La proue de son bateau frappe la poupe de celui de Pironi à pleine vitesse. Plus de peur que de mal et Villeneuve est passé devant !

Patrese s’est arrêté pour une réparation rapide et reprend la course devant Villeneuve. Même s’il accuse un tour de retard, Patrese prend un malin plaisir à couper le chemin à Villeneuve. Il ne reste qu’un tour à parcourir et Villeneuve n’en peut plus. Il éperonne le bateau de Patrese et file vers la victoire. Il gagne en 11’37” devant Pironi, Surer, Gabbiani et Jarier. Cette fois, c’est Surer qui réalise le tour le plus rapide en 1’08”06.

Au classement final, Villeneuve remporte la victoire avec 22 points. Surer se classe second ex-aequo avec Giacomelli avec 20 points et Pironi, troisième avec huit points.

Tullio Abbate n’en revient tout simplement pas que ses bateaux ne soient pas tous détruits ! Après une remise à neuf, une vérification mécanique et un coup de peinture, ils sont vendus au public.

La seconde édition fut tenue l’année suivante, quelques mois après le décès tragique de Villeneuve. L’ambiance n’était plus la même. Eddie Cheever a alors remporté la victoire devant Alain Prost et la compétition n’a plus eu lieu. Tullio Abbate explique qu’après le décès de Pironi en mer lors d’une course off-shore, les compagnies d’assurance n’ont plus permis aux pilotes de F1 de participer à de telles épreuves nautiques.