La mort tragique du pilote brésilien de Formule 1 Ayrton Senna, vue en direct par des millions de téléspectateurs, a été tout un électrochoc pour le monde de la course automobile. Pour la justice, il fallait trouver des coupables.
Son décès est survenu le 1er mai 1994 sur le circuit d’Imola lors du Grand Prix de Saint-Marin. Après un accident survenu sur la ligne de départ, la course reprend au septième tour avec Senna (Williams-Renault) devant Michael Schumacher (Benetton-Ford). Alors que la Williams négocie le rapide virage à gauche de Tamburello, elle fait soudainement un écart à droite et file directement s’encastrer dans le muret en béton, pas de face, mais avec un angle.
Senna a freiné et rétrogradé de deux rapports, mais l’impact a lieu à la vitesse de 211 km/h. La roue avant droite a percuté son casque et une billette en acier l’a perforé, ne laissant aucune chance de survie au triple Champion du monde. La justice a alors cherché à comprendre ce qui s’était passé, car le fait d’avoir trouvé le volant et une partie de la colonne de direction détachés du châssis a rapidement incité plusieurs à suspecter une rupture de la direction.
Le patron de l'équipe Williams, Sir Frank Williams, son directeur technique, Patrick Head, et le concepteur en chef, Adrian Newey, sont tous inculpés d'homicide involontaire. (La photo ci-dessus montre Adrian Newey, Patrick Head et Damon Hill en 1995).
Les trois membres de l’écurie Williams, des experts et des anciens pilotes viennent répondre aux questions des avocats. Les pilotes soutiennent que Senna n’a pas pu commettre une bête erreur de pilotage. Des experts affirment que la sortie de de piste a peut-être été causée par le passage de la Williams sur une bosse (dont tous les pilotes connaissaient la présence) alors que les pneus étaient encore sous-gonflés à cause des six tours passés derrière la Voiture de sécurité.
D’autres certifient, images à l’appui, qu’il y avait encore des débris sur la ligne droite (conséquences de l’accident survenu au départ et qui impliquait plusieurs voitures) et que la Williams a fort probablement roulé sur l’ont d’eux, ce qui aurait causé une crevaison.
Beaucoup de suppositions, mais peu d’explications
Toutefois, plusieurs reconnaissent que la colonne de direction a cassé, mais a-t-elle cassé avant l’accident ou lors de l’impact avec le muret ? La justice accuse donc l’écurie d’avoir effectué une soudure de mauvaise qualité sur la colonne de direction de la Williams de Senna. Cette modification avait été rendue nécessaire, car le Brésilien se plaignait d’être très mal installé dans le cockpit.
Si l’accident a eu lieu en mai 1994, les auditions et des analyses durent des mois, et même des années. Finalement, après un procès qui a duré dix mois à Monza, le magistrat chargé des poursuites, Maurizio Passarini, demande l'abandon des poursuites pour homicide involontaire à l'encontre de Williams et des trois responsables de la piste « parce qu'ils n'ont pas commis d'infraction ». Le 16 décembre 1997, le juge italien rejette les accusations d'homicide involontaire à l'encontre des trois membres de l’équipe Williams.
En 2003, la Cour suprême italienne a rouvert l'affaire et l'a clôturée en mai 2005, Newey étant cette fois totalement innocenté. Interrogé par le quotidien britannique Guardian, Newey avoue alors que la modification apportée à la colonne de direction a été en effet mal conçue et mal réalisée. Il ajoute que tout suggère que la colonne de direction n’a pas cassé avant l’accident, car cela avait été le cas, la Williams aurait sous-viré. Il précise qu’au contraire, la Williams a surviré. Senna a alors soulagé l’accélérateur de 50% pour contrôler le dérapage, puis il a freiné très fort avant de quitter la piste... Quoi qu’il en soit, la F1 avait perdu un pilote de légende.