Il est assez ironique de constater que deux écuries de Formule 1 américaines ont porté le même nom : Haas.
L’écurie actuelle est dirigée par le millionnaire Gene Haas, le grand patron de l’entreprise Haas Automation qui produit des machines numériques d’usinage de haute précision. L’autre écurie américaine Haas fut celle de Carl Haas et fut active de fin 1985 à fin 1986.
De descendance juive des Pays-Bas, Carl A. Haas est né le 26 février 1930 en Allemagne, puis a émigré aux États-Unis. Bon pilote amateur, il est plutôt attiré par le côté commercial du sport automobile. En 1967, il devient l’importateur exclusif des voitures Lola pour l’Amérique du Nord.
Il importe des Lola T333 et inscrit une équipe en série Can-Am, faisant courir avec succès des pilotes de Formule 1 comme Alan Jones, Jacky Ickx et Patrick Tambay. En 1983, il s’associe à Paul Newman et fonde une écurie de série CART/IndyCar qui remporte le titre l’année suivante avec Mario Andretti.
En 1985, Haas signe un contrat de commandite d’une durée de cinq ans et valant 80$ millions par année avec le géant américain de l’industrie alimentaire Beatrice Food qui est en pleine expansion et qui se diversifie dans plusieurs domaines (trop de domaines disent certains). Le logo de Beatrice apparaît donc sur les flancs des Lola de série CART, et le contrat touche aussi une future écurie de F1.
Haas parvient à convaincre Ford de financer le développement par Cosworth d’un moteur V6 turbo pour ses voitures de F1 et ainsi remplacer le vieux DFV atmosphérique apparu en 1967. Cependant, Keith Duckworth de Cosworth accepte à reculons de concevoir le moteur turbo, car il est farouchement opposé à cette technologie.
Haas place Teddy Mayer et Tyler Alexander, des anciens directeurs de l’écurie de F1 McLaren, à la tête de son projet. Ces derniers recrutent des ingénieurs de talent : Neil Oatley, John Baldwin, Ross Brawn et, plus tard, Adrian Newey. L’écurie est baptisée FORCE (Formula One Race Car Engineering), est basée au Royaume-Uni et donne le nom de Lola à ses voitures même si cette entreprise n’est pas du tout impliquée.
La première voiture produite est la Lola THL1 qui n’est pas propulsée par le moteur V6 Ford (qui n’est qu’en phase de développement), mais par un anémique quatre cylindres turbo Hart. Alan Jones, Champion du monde en 1980, dispute trois courses fin 1985 et abandonne chaque fois.
Une budget soudainement en forte baisse
Les ambitions de Haas grimpent d’un cran pour 1986 et il engage deux voitures pour Jones et le pilote français Patrick Tambay qui a remporté pour lui deux championnats en série Can-Am. La saison commence avec deux anciennes THL1-Hart. La nouvelle monoplace à moteur Ford turbo, la Lola THL2, arrive enfin à la troisième manche de la saison et c’est Jones qui en bénéficie en premier, ce qui cause la colère de Tambay qui domine pourtant l’Australien depuis le début de la saison.
Un événement majeur survient le 17 avril et qui va tout faire détraquer. Le contrat avec Beatrice Food avait été conclu avec un certain Jim Dutt. Toutefois, l’entreprise l’agro-alimentaire vient d'être rachetée par le fonds d'investissements américain Kohlberg-Kravis-Roberts et le nouveau conseil d’administration juge que le sport automobile n’est qu’un gouffre financier. Beatrice coupe progressivement les vivres à l’écurie Haas et déchire le contrat.
En piste, les choses se compliquent sérieusement, car si le châssis THL2 est bien conçu et efficace, il est en tout autre du moteur Ford turbo qui manque nettement de punch. Les pannes se succèdent à un rythme effarant : surchauffe moteur, panne d’essence, écrou de roue, différentiel, bris d'accélérateur, etc. Les THL2 abandonnent à 21 reprises en 31 départs. Tambay obtient la meilleure qualification d’une Lola-Haas avec une sixième place en Autriche, et Jones décroche le meilleur résultat en course avec une quatrième place lors de cette même épreuve.
À cause du manque de financement, la THL2 n’est plus développée et les trois derniers Grands Prix de la saison se soldent par des abandons. Armé de son contrat avec Ford valide pour encore deux années, Carl Haas tente de trouver de nouveaux partenaires financiers, mais il échoue.
Après 19 Grands Prix, il n’a d’autre choix que de fermer les portes de son écurie de F1 et de vendre l’usine de Colnbrook à Bernie Ecclestone.