À la fin de l’année 1981, le pilote québécois Gilles Villeneuve, déjà excessivement populaire en Italie, s’est mesuré à un avion de chasse à réaction de l’armée italienne sur la base militaire d’Istrana située près de la ville de Vistreno en Italie.
Il faut préciser qu’Enzo Ferrari possédait des liens avec l’armée de l’air d’Italie. L’un de ses héros était Francesco Baracca, un as de la 91e escadron de l’armée royale italienne lors de la Première Guerre mondiale.
Ce pilote avait effectué 63 missions durant le conflit, mais son aéroplane fut abattu le 19 juin 1918. Baracca était un grand amateur de chevaux et avait fait peindre un cheval cabré de couleur noire sur le fuselage de son avion. En signe de respect, Enzo Ferrari avait repris ce dessin de cheval cabré dans le logo de son entreprise d’automobiles.
Fin novembre 1981, un événement est organisé sous le patronage du ministère de la défense pour célébrer la fin de la saison de Formule 1. Il s’agit d’une série de courses d’accélération, départ arrêté, sur une distance d’un kilomètre mettant aux prises des monoplaces de Formule 1 et des avions de chasse F-104S Starfighter de l’armée italienne, capables de voler à mach 2,2.
Représentant la F1, il y avait Gilles Villeneuve et sa Ferrari 126 CK, Bruno Giacomelli à bord d’une Alfa Romeo 179C ainsi que Nelson Piquet et Riccardo Patrese dans une Brabham BT49-Ford.
Les organisateurs de l’événement ne voulaient pas que les avions de chasses soient trop rapides. Alors, il fut décidé de les pénaliser en leur interdisant de mettre plein gaz et de décoller une fois le kilomètre franchi, de transporter plus de kérosène que nécessaire et d’incliner les volets. Ainsi, F-104 du major Santacroce pesait 10 400 kilos sur la ligne de départ…
La météo n’est pas très clémente en ce samedi 21 novembre et un brouillard nuit un peu à la visibilité (et à la sécurité), car limitée à 1500 mètres. Cent mille personnes, peut-être plus, affluent à Istrana, bloquant les routes d'accès à la base pendant des heures. La première confrontation met aux prises Giacomelli et le major Santacroce dont l’avion est chargé de quatre réservoirs de kérosène aux bouts des ailes. Giacomelli remporte la manche avec un temps de 18”05 contre 19”26 pour Santacroce. Il est évident que les avions de chasses sont pénalisés par leur poids excessif au moment du départ.
Pour la seconde manche, Villeneuve décide de faire retirer les ailerons avant et arrière de sa Ferrari, car ils génèrent trop de traînée, ce qui permettra une meilleure vitesse maximale. Gilles, un spécialiste du drag et des départs arrêtés, abat le kilomètre en 16”55 contre 20”05 pour le major De Vincentiis.
La troisième manche oppose Piquet dans sa Brabham au major Van Pos. La Brabham réalise un chrono de 17”45 contre 18”26 pour le pilote de chasse dont le F-104 est allégé de deux réservoirs d’ailes. Patrese, dont c’est la première expérience au volant de la Brabham, réalise un temps de 19”98.
Les organisateurs font alors effectuer deux nouvelles confrontations. Cette fois, Giacomelli est confronté au F104 du major Bono. L’Alfa Romeo franchit la distance en 17”75 en comparaison à 18”25 pour l’avion de chasse.
La grande finale met en vedette Gilles Villeneuve, évidemment, au major De Vincentiis. Le Québécois signe un temps de 17”80 et termine premier devant De Vincentiis qui ne peut faire mieux qu’un chrono de 19”00.
En 2020, le très respecté journaliste italien Nestore Morosini, qui était présent, a raconté ce qui s’était passé après. À un certain moment une fois les démonstrations terminées, la nouvelle s'est répandue que Gilles Villeneuve se trouvait dans un hangar en compagnie du major De Vincentiis. Des milliers de fans ont commencé à taper férocement sur le hangar, scandant le nom de Gilles. Les portes en métal tremblaient ! Ils voulaient absolument voir, toucher et vénérer le pilote Ferrari !
Le commandement de la base militaire a décidé de déguiser Villeneuve en aviateur. Et le petit groupe fut exfiltré du hangar à bord d’une jeep conduite par De Vincentiis. Les policiers ont ouvert une brèche dans la foule compacte et la jeep et ses occupants ont pu quitter l'aérodrome militaire à toute vitesse !