Voici le quatrième volet qui raconte des souvenirs et anecdotes de voyages à des événements de course automobile que j’ai couvert à titre de journaliste. En 2012, je connaissais Bruno Spengler depuis plusieurs années. J’avais suivi sa carrière en karting et j’étais parfois allé en Europe le voir courir en Formule 3 et en DTM avec l’écurie Mercedes.
Né en France en Alsace, mais ayant grandi à Montebello au Québec, Spengler a été double champion de France en karting, champion de la série Fran-Am, deuxième du championnat d’Allemagne de Formule Renault 2.0 avant de se fracturer des vertèbres lors de ses débuts en Formule 3. Après une saison décevante chez Mücke aux côtés de Robert Kubica, son gérant d’affaires, un certain Toto Wolff (oui, le boss de Mercedes en F1 !), le place chez Mercedes pour courir en série DTM.
Spengler dispute sept saisons en DTM avec Mercedes, remporte neuf victoires et récolte deux titres de vice-champion. BMW effectue alors un retour en DTM et recrute Spengler pour la saison 2012. Bruno pilote alors une BMW M3 DTM de l’écurie Schnitzer et amasse trois victoires et deux podiums. Il ne reste qu’une course à disputer, la finale à Hockenheim, le 21 octobre. Gary Paffett de Mercedes, pilote d’essais de McLaren F1, est premier au classement avec 127 points tandis que Spengler est second avec 124. Pour être champion, Bruno doit donc battre Paffett sur la piste. Je dois donc assister à ce duel.
Un vol d'Air Canada m’amène de Montréal à Francfort et je loue une Alfa Romeo Giulietta pour mes déplacements. L’accréditation de la série DTM se fait dans un petit cabanon situé dans le parc adjacent à la caserne des pompiers de Hockenheim. Nous sommes en octobre, il fait frais, même froid la nuit, et le camping est rempli à ras bord. Il faut dire qu’avec la quantité de bière qu’ils boivent, ils ne risquent pas de geler dans leurs tentes !
Les unités d’hospitalité de BMW, Mercedes et Audi sont tout simplement grandioses, sur deux étages, et peuvent facilement accueillir plus d’une centaine de personnes. Tout le fan club européen de Bruno est sur place et plusieurs membres commencent maintenant à me connaître. Ils se sont fait imprimer des t-shirts et arborent les drapeaux canadiens. La salle de presse est fonctionnelle, mais austère, sans offrir de vue sur la piste.
Mon hôtel, Stiftswingert, est situé dans la ville de Mainz. La chambre est bien, mais l’internet est déplorable. J’ai beau dire au responsable de redémarrer le routeur, ça ne marche pas ! Vendredi, je visite le musée du circuit. C’est bien, mais pas spectaculaire. Il y a des motos, des karts, un dragster ainsi que l’ATS F1 de Manfred Winkelhock et Reynard 903 de Formule 3 de Michael Schumacher. Plusieurs amis québécois et français de Bruno sont venus l’encourager, de même que ses parents, Alexis et Corinne.
Spengler réalise le premier puis le 12ème meilleur temps des deux séances d’essais libres de vendredi. Il est très calme, serein et avoue surtout travailler sur les réglages de course. Samedi, ce sont les qualifications qui fonctionnent à éliminations successives comme c’est le cas en Formule 1. Bruno se rend en Super Pole où quatre pilotes s’affrontent. Il se qualifie troisième derrière Augusto Farfus (BMW) et Paffett, son ennemi.
Dimanche matin, je me rends au circuit. Il y a beaucoup de monde et le ça bouchonne à la sortie de l’autoroute 6. Il y a des milliers et des milliers de spectateurs entassés dans le paddock. Pas facile de circuler. Bruno inscrit le 11ème meilleur temps de la séance de réchauffement. Il vient manger et est toujours impassible, mais parfois souriant.
Au fer vert, il démarre beaucoup mieux que Paffett et s’installe en deuxième position. Paffett, dans le peloton, se fait bousculer tandis que Farfus se laisse doubler par Spengler. Plus tard, le Brésilien va un peu compliquer le dépassement que tente d’effectuer Paffett. Le Britannique attaque comme un damné. Son équipe l’encourage par radio, mais il ne parvient pas à refaire son retard.
Spengler remporte la victoire avec une avance de 2”2 sur Paffett. Le Québécois devient donc champion DTM. Je termine mon reportage assez rapidement, je l’avoue. Après une rapide conférence de presse, Spengler nous rejoint chez BMW où il laisse éclater sa joie. Portant encore sa combinaison de course, il serre ses parents dans ses bras et remercie toutes les personnes qui l’ont soutenu depuis ses débuts, incluant son entraîneur physique (photo ci-dessous).
Puis, c’est direction le motorisé qu’il a loué pour le week-end. Nous ne sommes qu’une dizaine de personnes. Il met la musique à fond, sort des sacs de chips et offre à boire. Bruno est heureux et soulagé. Le soleil décline doucement à l’horizon.
BMW organise aussi un party, car le constructeur bavarois est aussi champion du DTM. C’est la fête avec de la musique, des images vidéo de la course et un peu de bière… En début de soirée, c’est le grandiose party de fin de saison avec des spectacles et la remise de prix.
Ça se termine assez tard, mais je retourne vers Mainz durant la nuit, car mon vol de retour vers Montréal est le lendemain. Je dois m’arrêter sur l’autoroute pour faire le plein d’essence. Surprise, ma carte de crédit ne passe pas. Heureusement, j’ai suffisamment d’euros pour régler la note et je reprend la route, fatigué, mais vraiment fortuné d’avoir vécu cette journée de l’intérieur.