Vice-champion canadien de Formule Ford 1600, second en classe SRPII (prototypes de style LMP2) en Grand-Am et concurrent sporadique en Formule Atlantique, le pilote québécois Bruno St-Jacques a effectué un essai en Formule 3000 fin octobre 2002, en vue d’une participation au championnat de la saison suivante.

Quelques pilotes canadiens ont couru en F3000, l’antichambre de la Formule 1 : Stéphane Proulx, Claude Bourbonnais, Bertrand Godin, oncle Jacques Villeneuve, John Jones, Robbie Stirling et Danny Campeau. Une monoplace de F3000 était assez semblable à celle d’une F1 avec une coque en carbone, des ailerons, des pneus lisses et propulsée par un moteur V8 de trois litres dont le régime était limité à 9000 tours/minute.

En 2001, St-Jacques s’était classé au deuxième rang de la série Grand-Am aux commandes d’une Lola B2K/40 à moteur Nissan qu’il partageait avec Robert Julien. Cette performance a peut-être attiré l’attention de responsables de la firme Lola en Angleterre. « J’ai eu l’invitation à participer à l’essai en F3000 un peu par personnes interposées » nous raconte Bruno St-Jacques, qui a quitté le monde du sport automobile et est aujourd’hui âgé de 45 ans.

« C’est un peu sorti d’une boîte à surprises. Après ma bonne saison en Grand-Am, je pense que mon nom a circulé. J’ai été invité à essayer une monoplace de F3000 de l’écurie Coloni qui était alors l’équipe junior de Minardi [écurie de F1 qui venait d’être rachetée par l’homme d’affaires australien Paul Stoddart, propriétaire d'European Aviation]. L’essai fut organisé très rapidement et je remercie encore mes commanditaires de l’époque, l'équipe Player's et les Cinémas Guzzo, de m’avoir permis d’y participer ».

Le test s’est déroulé sur le circuit de Misano en Italie, le 31 octobre 2002. Il s’agissait d’une confrontation organisée par Enzo et Paolo Coloni et qui mettait aux prises quatre pilotes afin d'en choisir deux pilotes pour la saison suivante. Il y avait Patrick Friesacher et Zolt Baumgartner qui avaient déjà disputé une saison en F3000, Vitantonio Liuzzi, issu de la Formule 3, et St-Jacques.

L’argent, toujours l’argent…

« Ça s’est très bien passé. Contrairement aux trois autres pilotes, je ne connaissais pas le circuit et encore moins l’auto. La F3000 est beaucoup plus rapide qu’une Formule Atlantique. Pour moi, ce n’était pas un grand bond en avant en termes de performances, mais la F3000 possédait une aérodynamique complexe. Il a fallu que je m’adapte vraiment vite, car le kilométrage de la voiture était limité par la FIA. Nous faisions des séries de trois ou quatre tours. J’ai parcouru environ une cinquantaine de tours au total durant la journée » précise St-Jacques.

« Je dirais que l’équipe a été impressionnée. Dans les virages difficiles, j’étais aussi rapide que les autres et mes temps au tour étaient très bons. Avec l’aide de l’acquisition de données, je pouvais voir où je devais gagner des dixièmes de seconde. En général, mes temps étaient comparables à ceux des autres pilotes ».

À la fin de la journée, Bruno a reçu une offre pour disputer la saison 2003 en F3000 avec Coloni. « Le budget demandé était une bonne affaire » souligne-t-il. « Beaucoup moins que le million d’euros qui était habituellement exigé. Mais c’était quand même une somme énorme à trouver, d’autant qu’il me fallait en plus un budget pour m’installer en Italie. C’était déjà difficile de trouver du financement pour courir en Amérique du Nord, alors imaginez chercher des dollars pour rouler en Europe. J’aurais toutefois été dans une bonne écurie et au volant d’une bonne voiture. Courir en Europe m’aurait évidemment demandé une période d’adaptation, mais je n’étais pas inquiet pour ça ». Finalement, St-Jacques a décliné l’offre des Coloni et a préféré tenter à nouveau sa chance en Formule Atlantique.

Le père de Bruno était sur place lors de cet essai. Jean-Pierre St-Jacques est celui qui a conçu, dessiné et construit la Magnum de Formule Ford avec laquelle Gilles Villeneuve a remporté le titre de champion en 1973. Puis, les deux sont demeurés amis et Jean-Pierre St-Jacques a côtoyé Gilles Villeneuve pour la dernière fois à Imola en 1980. « Mon père était avec moi le jour de l’essai en F3000. Ce fut une super belle expérience de partager ces moments avec lui. Il m’a tellement soutenu en karting et en Formule Ford. Après l’essai, nous sommes allés à Imola, car l’écurie Minardi y organisait une journée de remerciements. Mon père était heureux d’y assister et de revoir des gens qu’il avait côtoyé avec Gilles en 1980. Ce fut une autre journée vraiment mémorable » de conclure Bruno St-Jacques.