Si Renault a implanté la technologie du moteur turbocompressé en Formule 1 en 1977, c’est toutefois le constructeur automobile allemand BMW qui a récolté le premier titre mondial d’un moteur turbo, en 1983.
Ce titre, remporté par le Brésilien Nelson Piquet aux commandes d’une Brabham BT-52 à moteur BMW, demeure cependant entaché d’une controverse concernant l’essence utilisée. En effet, BMW avait fait fabriquer par Wintershall, une division du géant de la pétrochimie BASF, un super carburant synthétique à forte teneur en toluène, un hydrocarbure aromatique, qui permettait ainsi de respecter l’indice d’octane de 101 RON imposé par le règlement de la FIA.
C’est seulement en fin de saison, alors qu’elle le savait depuis le milieu de l’été, que la FIA a révélé que des échantillons de carburant des Brabham-BMW possédaient un indice de 102,5 RON.
Renault, qui venait de se faire battre dans la course au titre mondial par BMW, a refusé de porter réclamation à l’encontre de BMW pour lui retirer la couronne. Renault voulait à tout prix éviter d’étaler sur la place publique une querelle avec un autre constructeur automobile majeur.
Nelson Piquet avait bien commencé la saison avec une victoire lors de la première course disputée chez lui au Brésil. Puis, Alain Prost, le pilote vedette de Renault, a gagné en France et en Belgique tandis que Piquet accumulait les deuxièmes places.
Après le Grand Prix de Grande-Bretagne à Silverstone, gagné par Prost devant Piquet, le Français mène au classement général avec 39 points devant Piquet qui en a marqué 33 (à cette époque, les points étaient attribués aux six premiers, 9-6-4-3-2-1).
Si BMW progresse, Renault régresse
Il ne reste que six courses à disputer et l’écurie Renault, fiertée de l’industrie automobile française, semble voguer vers le premier titre mondial d’une voiture à moteur turbo. Prost remporte une autre victoire, cette fois sur l’Österreichring en Autriche tandis que Piquet se classe troisième. Prost augmente son avance au championnat avec 51 points contre 37 à Piquet.
En revanche, des tensions naissent entre Prost et Renault. Le pilote reproche à son employeur de ne pas consacrer plus d’énergie (et d’argent) dans le développement du turbo. Gérard Larrousse, le patron de l’écurie de F1 Renault, suspecte Prost de flirter avec Ferrari, ce qui ne lui plaît pas du tout.
Aux Pays-Bas à Zandvoort, Prost et Piquet s’accrochent et abandonnent sur place. C’est à ce moment que la mécanique de la Renault RE40 s’enraye. À Monza, Piquet gagne tandis que Prost abandonne sur bris de turbo. À Brands Hatch pour le Grand Prix d’Europe, on assiste à une autre victoire de Piquet qui termine devant Prost qui a démarré depuis une lointaine huitième place. Au classement mondial Prost, avec ses 57 points, est désormais talonné par Piquet avec 55.
Tout ce beau monde se retrouve à Kyalami en Afrique du Sud pour la grande finale. Prost, Piquet et René Arnoux, le coéquipier de Prost chez Renault, peuvent encore rêver au titre. Prost abandonne une nouvelle fois sur bris de turbo tandis que Piquet, qui mène la course, apprend la nouvelle, ralentit et se laisse chuter en troisième place, suffisant pour devenir Champion du monde avec une avance de deux points sur Prost.
Deux jours plus tard, Prost accuse l'équipe technique de l’écurie Renault de ne pas avoir fourni suffisamment d'efforts durant la saison afin de faire progresser et fiabiliser le V6. C’est le divorce. Son contrat 1984 est déchiré et Prost trouve refuge chez McLaren qui vient d’obtenir les fabuleux moteurs turbo TAG développés par Porsche.
En décembre, le monde de la F1 découvre avec stupeur que le carburant utilisé par Brabham et BMW dépassait régulièrement l’indice d’octane limite. BMW assure que ses mesures étaient conformes et jure n’avoir commis qu’une simple erreur. Renault ne porte pas l’affaire devant la justice et BMW peut alors fêter sa couronne mondiale.