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L’imposition par NASCAR de la nouvelle charte aux équipes de série Cup soumise aux tribunaux !

L’imposition par NASCAR de la nouvelle charte aux équipes de série Cup soumise aux tribunaux !

Vendredi 11 octobre 2024 par Marc Cantin
Crédit photo: Nigel Kinrade / LAT Images

Crédit photo: Nigel Kinrade / LAT Images

NASCAR travaille depuis deux ans à créer une nouvelle charte quelle imposera aux 36 équipes de sa série vedette, la Cup, qui sont détentrices d’une charte version 2024. Depuis la première version en 2016, la charte explique comment NASCAR calcule les bourses et autres paiements aux équipes. Essentiellement, tout est devenu caché et plus petit avec la deuxième charte. Avec cette troisième version, la tension est montée d’un cran, pour certains acteurs de la discipline tout au moins, notamment parce que NASCAR force de plus en plus les équipes Cup à acheter des pièces "approuvées" de son organisation, éliminant ainsi la compétition de la part des fournisseurs indépendants.

Données à l’origine en 2016 aux 36 équipes Cup ayant participé à la totalité des trois saisons précédentes, les chartes ont par la suite été vendues ou louées entre les équipes pour une valeur allant généralement jusqu’à 20 millions US$. Une vente récente a même vu une charte achetée par Spire Motorsports auprès de Live Fast Motorsports pour la somme de 40 millions, ce qui a fait sursauter toutes les parties prenantes et contribué à bloquer l’accès à la série. Car aujourd’hui, une équipe de trois voitures en NASCAR Cup représente un budget plus élevé qu’une équipe de Formule 1 à deux voitures !

Des équipes officielles comme Hendrick (Chevrolet), Penske (Ford) et Gibbs (Toyota) possèdent même jusqu’à quatre chartes. Un cheptel prohibitif, mais présumément rentable si les chartes se transigent à une valeur marchande réaliste de 20 millions. Rappelons que ce privilège fut donné gratuitement à 36 équipes choisies par NASCAR en 2016 ! Maintenant, ce système est arrivé à sa limite selon NASCAR et les groupes acheteurs intéressés et bien nantis, mais il a atteint un cap financier bien supérieur à ce que peuvent se permettent les petites équipes, voire même les moyennes structures.

NASCAR communique à outrance le côté sportif de ses activités, mais se transforme en une huître bien refermée quand vient le temps de parler affaires. Auditoires, bourses, revenus et commandites majeures, arrangements avec les promoteurs externes, sont peu médiatisés voire cachés le plus possible. Comme les chartes sont en fait des arrangements relatifs aux revenus de NASCAR et à l’argent payé aux équipes, ces dernières ont été invitées à garder les réunions secrètes. Selon certaines équipes trop bavardes, les réunions ont souvent été frustrantes, les écuries ayant été entendues… mais très peu écoutées !

Les équipes ont reçu une copie de la nouvelle charte le vendredi 6 septembre, soit deux jours avant le début des séries éliminatoires, avec l’ordre de les retourner signées le lundi suivant, sous la menace de perdre leur charte et tous les droits attenants. Et même chose si vous critiquez NASCAR, on peut vous soutirer votre charte courante !

Cette attitude de la part des grands dirigeants de l’organisme de Daytona est particulièrement problématique. Car une bonne moitié des équipes de la grille ont toutes les peines du monde à trouver des commanditaires présents pour l’ensemble de la saison et ainsi mettre des voitures pour créer un spectacle qui bénéficie essentiellement à NASCAR. Pour beaucoup, c’est un manque de respect odieux de la part de la famille France, propriétaire du puissant organisme et manifestant un égoïsme digne d’autres puissantes familles comme les Ford, Kennedy, Rockenfeller, Walton, Bombardier/Beaudoin et d’autres.

Quant à la stratégie financière de NASCAR depuis quelques années, elle ne produit pas les bénéfices espérés. On sait que les restrictions et bouleversements engendrés par la Covid-19 ont coulé plusieurs entreprises, alors que d’autres, profitent aujourd’hui des correctifs appliqués. Pour sa part, NASCAR a dépensé des dizaines de millions pour redorer ses installations (les circuits qu’elle possède), ce qui a causé la flambée du prix des billets et une baisse du nombre de spectateurs sur place. Ajoutons à cela la baisse des auditoires télé et des argents payés aux équipes, notamment par la retraite de légendes du sport tels Jeff Gordon, Jimmie Johnson, Dale Earnhardt Jr ou encore Tony Stewart.

L’argent est la clé de toute solution dans ce type de ce nœud gordien. Rien ne sera facile, car les revenus de NASCAR glanés de leurs commandites annuelles ont baissé de 16% de 2022 à 2023, alors que les revenus totaux opérationnels sont passés de 425 millions US$ à 363 millions de 2022 à 2023. Pire encore, les frais d’opération de NASCAR et des équipes ont pour leur part suivi l’inflation vers le haut. L’auditoire de la télévision lui, a baissé de moitié en 10 ans, de 2013 à 2023 et le nombre de spectateurs à la piste a évolué dans la même direction. Par contre, NASCAR peut maintenant compter sur ses excellents réseaux sociaux pour livrer ses messages.

Pour revenir au parallèle avec la F1, qui roule presque sur l’or de nos jours malgré la Covid-19 et les conflits un peu partout, NASCAR en tant qu’organisation est donc en déclin. Ajoutons que la série IndyCar a retrouvé un peu de son lustre d’antan sous la gouverne de Roger Penske et de son équipe de vrais spécialistes financiers.

Tout n’est pas totalement noir pour autant, car NASCAR jouit d’une nouvelle entente de sept ans (2025 à 2031) qui ajoute des millions de revenus venus des réseaux de télévision FOX, NBC, Amazon et Warner Bros. Discovery. La famille Franc n’est donc pas à plaindre et les courses de NASCAR pas en danger !

Avouons aussi que l’aspect technique se porte bien chez NASCAR avec une équipe de responsables modernes, qui sait corriger les erreurs et les guerres de conception des voitures, selon les générations. On a par exemple corrigé rapidement les faiblesses de la nouvelle voiture (Gen7), plus moderne mais aussi à sa rigidité exagérée, qui blessait les pilotes trop souvent lors de chocs violents contre les murets.

Pour leur part, les équipes ont enfin reçu l’information commerciale pour leur permettre de négocier leurs ententes avec des partenaires pour la saison 2025, alors que les budgets 2025 sont souvent déjà dans le ciment et que les grandes directions pour 2026 prennent forme d’ici à la fin de cette année 2024.

À la lecture du document, au moins 6 équipes ragent devant cette situation, dont 23XI Racing (de Michael Jordan et Denny Hamlin) et Front Row Motorsports (de Bob Jenkins) qui ont cru bon d’intenter une poursuite antitrust contre NASCAR afin de réduire la main de fer de l’organisme sur les courses de stock-car du plus haut niveau aux États-Unis. Quatre autres équipes restent incognito sous la menace de représailles annoncées par NASCAR, qui, rappelons-le, peut reprendre arbitrairement les vieilles ou la nouvelle charte et donc les empêcher d’avoir la garantie de participer à la série Cup. Car toute équipe pourra encore théoriquement participer même sans charte, mais avec des risques énormes pour l’intérêt de leurs commanditaires : pas de place garantie sur la grille de départ (qualification selon les dernières places disponibles) et interdiction de qualifier un pilote aux séries éliminatoires.

Avouons que NASCAR ne laisse guère le choix à ses équipes de signer la nouvelle charte. Le bras de fer des 6 équipes rebelles peut-il aboutir ? A priori non mais le duo de propriétaires de 23XI Racing (Hamlin/Jordan) est, médiatiquement, une sérieuse épine dans le pied de l’organisation. Le bras de fer se poursuivra-t-il au-delà de la saison 2024, qui se termine à Phoenix le 10 novembre ? Il y a fort à parier que oui…