Un excellent pilote conserve tout son talent même s’il se retrouve au volant d’une voiture de compétition qu’il ne connaît même pas. C’est ce que le légendaire champion de rallyes Colin McRae a clairement démontré quand il a effectué plusieurs tours du petit circuit National de Silverstone aux commandes d’une Jordan à moteur Peugeot de Formule 1 en 1996.

En fait, cet essai peu ordinaire était un coup de publicité et de marketing élaboré par les stratèges de British American Tobacco pour les marques 555 (qui commanditait l’Impreza) et Benson & Hedges (commanditaire de l’écurie Jordan).

L’idée fut d’inviter la presse à assister à une sorte de confrontation mettant aux prises McRae, pilote de rallyes avec Subaru, et Martin Brundle, pilote de F1 chez Jordan Grand Prix. Les deux auraient la chance de montrer leur talent avec leurs voitures respectives, puis de laisser la chance à son rival de montrer ce qu’il pouvait réaliser à son volant.

McRae a donc conduit sa Subaru Impreza WRC de l’écurie Prodrive sur le circuit de Silverstone avant de laisser Brundle la piloter sur la spéciale de rallye de Pentimore. Puis, McRae a pu prendre le volant de la Jordan 195 d’un an et effectuer des tours du circuit britannique.

Si Brundle a démontré de réelles habilités à conduire une voiture de rallye de type WRC, il faut avouer que McRae a été hyper impressionnant à bord de la F1 d’une puissance de 700 chevaux, munie d’énormes ailerons qui la plaquent au sol et de pneus lisses très adhérants. D’autant que l’Écossais de 30 ans, Champion du monde des rallye en 1995, ne connaît qu’une seule façon de conduire : à fond et tout en travers !

Après que Brundle ait réchauffé le moteur et les pneus de la Jordan en établissant un chrono de référence, McRae se fait harnacher dans l’étroit cockpit du bolide couleur or. Le moteur V10 Peugeot est démarré et McRae quitte les puits en se souvenant que les changements de vitesses s’effectuent avec des palettes au volant et qu’il n’y a que deux pédales à ses pieds.

McRae impressionne les observateurs

McRae prend ses marques, apprend les virages et roule de plus en plus vite. Et puis, à l’aise, il roule diablement vite ! Pour un pilote de rallye qui se délecte de dérapages, ses trajectoires sont très précises et ses freinages bien effectués et efficaces.

En seulement 20 tours du petit circuit National long de 2,64 km, McRae signe son meilleur temps en 52”30, ce qui se compare très favorablement avec le temps de référence réalisé par Brundle auparavant en 50”43.

« Ce fut une expérience absolument fantastique ! La vitesse ne m'a pas vraiment surpris, mais tout le reste est totalement différent du rallye. En circuit, il faut rouler sur la bonne trajectoire et ne pas rater les points de freinages. Mon chrono est à deux secondes de celui de Martin, mais pour m'en approcher, il me faudrait des années d’entraînement et d'expérience. Et en course, courir roue contre roue avec 20 autres voitures, ça doit être quelque chose de complètement fou ! » avait affirmé McRae après son expérience.

C’était maintenant au tour de Martin Brundle de piloter la Subaru avec McRae à ses côtés. Louise Goodman, la relationniste de l’écurie Jordan, avait déclaré qu’il avait fallu beaucoup de persuasion afin de convaincre Colin de s’installer à bord, car « les pilotes de rallyes ne veulent pas s’asseoir dans le siège du co-pilote ».

Au volant de la Subaru WRC, McRae signe un temps de 52”40 sur la spéciale de Pentimore Wood longue de deux kilomètres. Brundle s’exécute et signe un temps de 53”70.

Il faut préciser que Brundle se dit être « un pilote de rallye frustré » et qu’il adore rouler à haute vitesse sur des routes de terre et de gravier. Quelques temps après, le Britannique a participé au rallye de Grande-Bretagne, le RAC, à bord d’une Ford Escort RS Cosworth.