Les rebondissements ont été nombreux depuis dimanche dernier et la victoire d’Austin Dillon (Chevrolet/Richard Childress Racing) à Richmond dans des conditions plus que discutables. Rappelons que Dillon a mené le dernier quart de l’épreuve et roulait vers la victoire avant une neutralisation en fin de course. À la relance avec deux tours à compléter, Joey Logano (Ford/Team Penske) passe devant Dillon et Denny Hamlin (Toyota/Joe Gibbs Racing).

Dillon poussa alors Logano volontairement vers le mur extérieur au tout dernier virage de la course. Dans la foulée, alors que Hamlin doublait un Dillon ralenti par le contact avec Logano, Dillon le frappa et remporta ainsi la victoire, le plaçant 31ème dans la course au titre, avec 319 points (460 points derrière le meneur, Kyle Larson), mais éligible pour les séries de fin de saison puisqu’une victoire qualifie le détenteur d’une place parmi les 16 qualifiés.

Cette victoire en série Cup, après près de deux saisons sans gain, devait aussi assurer à Dillon et l’équipe Richard Childress Racing (RCR) plus de 1 million US en bourses et contributions de partenaires. Un fait capital pour RCR qui vivote depuis la disparition de Dale Earnhardt en 1992, bien que la venue de Kyle Busch dans l’équipe l’an dernier lui ait redonné un peu de panache. Mais Kyle court lui aussi après une première victoire cette saison !

Chez RCR, on se dit déçu de cette punition qualifiée d’injuste et on planifie aller en appel. La manœuvre a pourtant causé un tollé chez les amateurs, chez les pilotes et les équipes, et au sein même de l’organisation NASCAR. Assez pour annoncer trois jours plus tard l’exclusion de l’éligibilité de cette victoire au championnat, une amende de 25 000$ US, et des pertes de points et suspensions du chef d’équipe et de l’observateur (qui a crié à la radio de Dillon de sortir Hamlin !) de la voiture No. 3. L’équipe pourra cependant participer aux dernières courses de la saison et décrocher points et bourses normalement, mais sans pouvoir gagner le championnat de 2024. À moins bien sûr que Dillon ne remporte, à la régulière cette fois, l’une des trois courses à venir qui complètent la saison régulière.

Comme il en est d’usage chez NASCAR, Dillon garde tout de même sa victoire de Richmond, mais on parle d’un coup dur pour le pilote et l’équipe dont l’exclusion enlève de grosses chances d’un bon résultat au championnat, et la perte possible de partenaires indignés par l’acte. On peut aussi noter la destruction de deux voitures de pilotes rivaux, sans parler des chocs physiques subis par Logano et Hamlin.

La victoire de la No.3 était capitale pour le pilote et l’équipe RCR, alors que Logano et Hamlin étaient d’ores et déjà assurés d’une place dans les séries éliminatoires de fin de saison grâce à des victoires plus tôt dans l’année.

Personne ne semble avoir apprécié le geste d’Austin Dillon à Richmond. La presse spécialisée trouve cela inacceptable, les dirigeants de NASCAR aussi, mais ils attendent le résultat de leur analyse approfondie pour envisager d’autres sanctions, voire des changements à la réglementation sportive. Notons que la décision de NASCAR à ce sujet sera basée purement sur les apparences, l’image, les ventes accrues à la piste pendant les neutralisations, l’impact financier de toutes autres actions et leur rentabilité. On ne parle donc pas que de sport !

Depuis leur dictat de 2010 "Have At It Boys" (Allez-y les gars, que l’on peut aussi traduire par "Laissons les s’affronter en piste" dans ce cas précis), tout est permis, ou presque, en piste. Dans les courses NASCAR. L’esprit sportif n’entre pas en jeu, les dirigeants de NASCAR étant convaincus que la foule aime cette violence. Un peu comme les batailles au hockey et les blessures apparentes et guérisons miraculeuses en 10 secondes au soccer !

L’ironie est totale : NASCAR n’applique aucun principe de déontologie à son sport, ce qui est le plus dangereux ! Et ses étoiles admettent publiquement jouer le jeu cochon pour gagner (souvenons-nous des déclarations de Kevin Harvick et Joey Logano autrefois). Au Canada, NASCAR applique les mêmes principes et les résultats sont identiques : des manœuvres intentionnelles de la part d’un petit noyau de pilotes, sans que les officiels ne fassent quoi que ce soit pour punir les méfaits. Comme si on était craintif de les voir laisser le sport par frustration.

Alors que faire ? Résoudre ce nœud gordien est compliqué par la promesse de NASCAR de mettre en place, pour la saison 2025, un nouvel accord de franchises en Cup qui promet selon l’organisme de satisfaire les propriétaires et autres parties prenantes. La réglementation technique est complexe, la réglementation sportive l’est tout autant. Faut-il punir plus souvent les pilotes comme NASCAR vient de la faire avec Dillon ou laisser faire, jusqu’à risquer un accident vraiment grave ? La réponse n’est pas simple et les intérêts en jeu sont colossaux.