Avant 2016, les équipes NASCAR investissaient chaque saison selon les nouveaux règlements et afin d’améliorer leurs performances. Ils répétaient le processus année après année. Ces investissements n'ajoutaient rien à la valeur financière de l'équipe, l’équipement étant usé et périmé et les salaires envolés après une dure saison de plus de 36 courses dans le cas de la série Cup. Mais il restait le prestige et la valeur commerciale d’un titre ou de victoires dans les courses les plus importantes… Pour les propriétaires moins nantis, les résultats souvent maigres, l’absence de revenus assurés et les coûts de réparation des incidents de course semblaient plutôt faire de l’équipe une occasion de dépenser sans compter plutôt qu’une occasion de créer une entreprise gérable et surtout rentable.
Le principe des chartes mis alors en place à cette époque avait surtout comme avantage de garantir une place sur la grille de départ aux équipes munies du précieux sésame. Peu importe ce qui arrive en qualification, le ou les pilotes de l’équipe sont ainsi assurés de disputer la course tandis que les moins nantis sans charte doivent passer par la qualification au chronomètre, ce qui peut représenter un risque de manquer des événements comme le Daytona 500.
En série NASCAR Cup, 35 des meilleures équipes ont reçu de NASCAR en 2016 une ou deux chartes gratuites qui assuraient aux voitures désignées de participer à toutes les courses, contre des bourses réduites. Les plus grosses équipes (Stewart-Haas, Joe Gibbs, Hendrick Motorsports, Roush, Penske) ont alors créé une seconde structure avec deux voitures additionnelles afin de rouler quatre voitures "garanties" par les chartes.
Les chartes ont rapidement pris de la valeur, surtout en assurant aux détenteurs de participer à toutes les courses, un avantage important dans l’acquisition de partenaires financiers puisque garantissant leur présence en piste et dans tous les médias à chaque course. Cela est venu accentuer le déséquilibre entre grandes et petites équipes…
De plus, la charte est passée d’un don de NASCAR en 2016, à une valeur nominale de 4 millions US pour faciliter leur vente, échange, location ou retour à NASCAR lors de l’abandon de leurs activités. Mais on ne contrôle pas des gens hyper riches si facilement et la valeur des chartes a tout simplement explosé ces dernières années ! Tellement que Front Row Motorsports a annoncé récemment ajouter une troisième charte à sa flotte de voitures engagées en Cup en 2025 en payant 40 millions US à Stewart-Haas Racing, qui va se retirer, tout au moins dans sa configuration actuelle (avec Tony Stewart comme copropriétaire) de la série à la fin de cette saison.
Aux dires de propriétaires moins nantis (par exemple Dale Earnhardt Jr avec son écurie de série Xfinity, JR Motorsports), ce chiffre est complètement démesuré et NASCAR doit rectifier cette aberration afin de rétablir l’attrait de posséder une équipe et réduire les frais de participation.
Car Dale Jr affirme que NASCAR bloque la grosse transaction jusqu’à la mise en place de la nouvelle charte acceptée par les équipes. Avec ces 40 millions de la charte, par voiture rappelons-le, et les coûts d’opération réguliers, cela vient porter le budget d’une saison de série NASCAR Cup au-delà de ce que coûte une année de Formule 1 !
Le nouveau système de charte NASCAR est promis pour la saison 2025, après l’acceptation plus ou moins volontaire par les grosses équipes. Comme d'habitude, les menus fretins devront vivre avec une structure favorable aux plus riches. Dans la réalité financière courante, la saison 2025 est déjà en marche et les équipes doivent vendre leurs commandites sans connaître les détails financiers imposés par NASCAR alors que les grandes entreprises ont déjà établi leurs budgets de communication et marketing pour 2025. Chez les grands partenaires et équipes, on travaille même déjà sur les budgets 2026.
Ce déséquilibre entre grandes et petites équipes pourrait à terme réduire la liste des inscrits en série Cup. NASCAR se retrouve ainsi pris avec une situation de type F1 : des propriétaires d’équipe qui veulent sans cesse augmenter leurs revenus en faisant exploser le coût d’entrée à la série, au risque de couper toute possibilité aux plus petits de survivre et aux nouveaux arrivants d’atteindre la série.
Alors que NASCAR travaille sur ce dossier en vase clos, une nouvelle charte est aussi attendue en série IndyCar, désormais propriété de Penske Entertainment et en plein essor sous la gouverne de Roger Penske et ses troupes. Prévue elle aussi pour la saison 2025, cette charte se veut moins restrictive et ouvre même la porte à de nouvelles équipes… si elles sont chapeautées par de grands concurrents toutefois ! Car la nouvelle charte prévoit qu’une équipe ne pourra plus engager plus de trois voitures, sauf au Indy 500. Cela signifie par exemple que Chip Ganassi devrait confier l’exploitation de sa 4ème voiture au Meyer-Shank Racing, qui engage deux monoplaces cette saison.
On s’attend toutefois à ce que les propriétaires et la direction de l’IndyCar, conscients que la valeur de leur série est inférieure commercialement à la F1 et à la NASCAR Cup, adoptent une solution moins restrictive envers les nouveaux arrivants. Sous la direction de Roger Penske et son équipe de gestion habituée à créer des approches gagnant-gagnant pour tous les intervenants, l’IndyCar semble aujourd’hui offrir un ensemble visibilité/coûts plus prometteur que jamais.