Avec son look futuriste et son moteur V8, la Bricklin aurait pu faire une belle voiture de course. Belle, oui, mais pas performante. Mal conçue et trop lourde, elle était l’œuvre d’un homme d’affaires américain dont le passé est truffé d'opérations financières douteuses.
Né en 1939, Malcolm Bricklin est le fils d’un plombier. À seulement 19 ans, il démarre une chaîne de magasins franchisés de fournitures de plomberie qui fait faillite quelques années plus tard. Il fonde aussi FasTrack, une autre entreprise qui ferme elle aussi rapidement ses portes.
En revanche, Bricklin voit en la minuscule Subaru 360 la solution aux problèmes que vit l’Amérique au moment où commence la grave crise pétrolière. Pour en faciliter l’importation, Bricklin fonde Subaru of America et l’affaire devient très lucrative. Plus tard, il commence à importer les petites voitures yougoslaves Yugo en Amérique du Nord.
Ambitieux, Bricklin voit grand et songe à produire une voiture sport abordable qui porterait son propre nom et ainsi intégrer le clan de Ferrari, Lamborghini, Porsche et autres. Il désire que ce soit une voiture au look futuriste munie de portières en ailes de mouettes. La première motorisation choisie est un quatre cylindres Opel, mais le premier prototype, achevé en décembre 1972, est propulsé par un six cylindres en ligne Chrysler Slant-6. Afin de réduire les coûts, certaines pièces, comme les éléments de suspension, de direction et de freinage proviennent de voitures des marques Opel, Datsun, Toyota et Chevrolet.
Bricklin désire offrir une voiture moderne, sécuritaire, à moteur avant et à propulsion. La Bricklin est donc munie d’une cage de sécurité soudée et de pare-chocs en caoutchouc pas esthétiques, mais efficaces semble-t-il. La liste des équipements de série s’allonge vite : direction et freinage assistés, ouverture automatique des portières, radio AM-FM, pneus radiaux, vitres teintées et autres. Prix de base prévu : 4000$.
Il exige que la carrosserie ne soit pas en acier, mais en composite de fibre de verre. La méthode choisie est complexe : la résine acrylique imprégnée de couleur est collée à la fibre de verre. Des ennuis d’adhérence apparaissent rapidement et la seule solution est d’ajouter des couches de fibre de verre. Et le poids de chacun des 22 panneaux de carrosserie grimpe en flèche… La SV-1 (pour Safety Vehicle One) reçoit finalement un des deux moteurs V8 offerts, soit le 360 pouces-cubes d’AMC en 1974 ou le 351 Ford Windsor en 1975 et 1976. Le moteur est boulonné à une transmission automatique à trois rapports.
La voiture est finalement dévoilée au restaurant de l’hôtel Four Seasons de New York le 25 juin 1974.
Où trouver du financement et des subventions ?
Pour la produire en grande quantité, Bricklin a besoin d’une usine et de financement. Un de ses employés qui est Canada lui parle des avantages financiers à s’établir au Nouveau-Brunswick, car le taux de chômage est élevé et des subventions sont disponibles. Bricklin n’a aucune idée où est située cette province des Maritimes, mais il rencontre son Premier ministre, Richard Hatfield, qui lui offre une subvention de 4,5$ millions. Le gouvernement fédéral ajoute trois autres millions de dollars. L’usine d’assemblage est située à St. John tandis que les morceaux de carrosserie sont fabriqués à Minto.
La SV-1 est vite affligée d’une multitude de problèmes. Les panneaux de carrosserie s’emboîtent mal, les portières qui pèsent 41 kilos chacune ne sont pas étanches, les pombes hydrauliques et les vérins qui commandent leur ouverture et fermeture flanchent au bout de quelques utilisations, et plus encore. La résolution (partielle) de tous ces ennuis font grimper le prix de la voiture à 7490$. En 1975, le prix de vente atteint 9980$ ! En comparaison, une Corvette de base se vendait 6000$ à l’époque.
Très vite, les coffres de l’entreprise sont vides et à cause de leurs problèmes de conception, les voitures se vendent mal. Plusieurs facteurs ont nui au projet comme les problèmes permanents de contrôle de la qualité, le patronage, les pénuries de fournisseurs, l'absentéisme des travailleurs et l’augmentation du prix de la voiture.
À l’automne 1975, la compagnie est mise en faillite (un peu plus d'un an après le début de ses opérations !), mais ce n’est pas Malcom Bricklin qui hérite des dettes, mais la province du Nouveau Brunwick ! En effet, le rusé Bricklin avait vendu 67% de sa société à la province lors de sa création. C’est donc au gouvernement d’assumer les frais. Puisqu’il y a des pièces en entrepôt, l’usine continue à produire des voitures jusqu’à ce que tout soit épuisé.
La production totale de SV-1, qui s’étale de 1974 à 1976, a été d’un peu moins de 3000 voitures.