Cette saison de Formule 1, chaque voiture ne peut utiliser plus qu'un certain nombre d'unités de puissance sous peine de pénalités. Comment une écurie cliente gère-t-elle l'allocation des unités de puissance au cours des 24 Grands Prix d'une saison ?
Si les écuries Red Bull, Racing Bulls, Ferrari, Mercedes et Alpine comptent sur leurs propres moteurs, les autres sont des clientes et négocient des contrats de fourniture avec les motoristes. Mercedes fournit donc (chèrement) des unités de puissance à McLaren, Aston Martin et Williams, tandis que les équipes Haas et Kick Sauber se fournissent chez Ferrari.
La règlementation technique actuelle de la F1 autorise l'utilisation par voiture d'un parc de ces composantes :
4 moteurs thermiques V6 d'une cylindrée de 1,6 litre
4 turbos
4 MGU-H (dispositif de récupération d'énergie qui relance le turbo à bas régime)
4 MGU-K (dispositif de récupération d'énergie des freinages et qui aide le moteur thermique)
2 batteries
2 centrales de gestion électronique
8 tubulures d'échappement (4 à droite, 4 à gauche)
4 caissons et cassettes de rapports de boîte
4 arbres de transmission, sélecteurs de pinions et autres composantes
Alors comment toutes ces composantes sont utilisées ? Nous en avons discuté avec Ayao Komatsu, ingénieur et patron de l'écurie de F1 Haas qui engage deux Haas VF-24 à unités de puissance Ferrari.
« Nous sommes des clients de Ferrari. C'est donc Ferrari qui planifie l'utilisation des unités de puissance pour la saison. Évidemment, les ingénieurs Ferrari nous consultent à propos de certaines décisions à prendre afin que nous soyons tous d'accord, mais c'est vraiment Ferrari qui a la responsabilité de la planification des composantes, qu'il s'agisse du moteur V6, du turbo, des dispositifs de récupération d'énergie et même de la boîte de vitesses » nous explique Komatsu à l’occasion du Grand Prix du Canada.
« Chaque composante possède un numéro d'identification apposé par la FIA. Et cela ne concerne pas seulement l'unité de puissance, mais d'autres composantes comme les éléments de suspension, car nous sommes soumis au plafond budgétaire. Il est de notre responsabilité de nous assurer que toutes les pièces de nos voitures sont bien celles auxquelles la FIA s'attend à constater lors des inspections. Cela fait partie des défis auxquels nous sommes désormais confrontés » ajoute-t-il.
C'est donc la FIA appose des sceaux sur les différentes composantes afin de de s'assurer qu'elles ne soient pas trafiquées, réparées ou modifiées. « Les officiels de la FIA ne vérifient pas toutes les composantes de la voiture et de l'unité de puissance. Les vérifications sont effectuées de façon aléatoire, mais nous devons être sûrs que les deux voitures sont assemblées avec les bonnes pièces ».
Komatsu continue : « Nous disposons de quatre moteurs thermiques pour disputer 24 Grands Prix. Il est facile de calculer que chaque moteur doit effectuer six courses » poursuit-il. « Donc, en début de saison, nous disputons les cinq ou six premières courses avec l'unité de puissance 1, sauf si nous rencontrons un problème. Selon les informations recueillies, Ferrari nous dit à un certain moment qu'il faut passer à l'unité de puissance 2 et ce, habituellement pour les essais libres du vendredi, les qualifications et la course. Et lors de la course suivante, il est possible qu'on revienne à l'unité de puissance 1 pour les essais du vendredi et qu'on le change pour le numéro 2 le vendredi soir pour les qualifications et la course. Et ainsi de suite. Et tout cela est décidé par Ferrari ».
La transmission est aussi contrôlée. « L'allocation du parc de boîtes de vitesses est liée à configuration de la suspension arrière. Il arrive qu'entre les essais libres 1 et 2 nous désirons changer les écopes de freins. Il peut alors être plus simple de changer toute la transmission. On demande alors à Ferrari si on peut changer la boîte de vitesses et c'est eux qui décident » explique Komatsu.
Ce dernier ajoute que Ferrari met à la disposition de l'écurie Haas un ingénieur en chef, un ingénieur moteur pour chaque voiture et un ingénieur pour les boîtes de vitesses.
« Ferrari prend les décisions concernant un éventuel changement de moteur V6, son kilométrage ainsi que les paramètres d'utilisation. Ce n'est pas juste une affaire de kilométrage, car on doit aussi tenir compte de la façon dont l'unité de puissance est utilisée, si on la pousse un peu plus fort à certains moments, etc. Les ingénieurs de Ferrari contrôlent tous ces paramètres et savent le degré d'usure des différentes composantes de l'unité de puissance ».
Un motoriste cherche-t-il à pousser ses unités de puissance au maximum de ses possibilités jusqu'à ce qu'elles explosent ? « Non ! Pas du tout. Un motoriste ne va pas prendre le risque de pousser une unité de puissance jusqu'à ce qu'elle casse ou explose. Si cela survient, c'est terriblement embarrassant. C'est de la très mauvaise publicité. Il faut savoir l'exploiter jusqu'à ce que le niveau de sécurité soit atteint, et pas plus » termine Komatsu.
Photo ci-dessous : Ayao Komatsu répond à nos questions.