Le décès du pilote britannique de 37 ans John Woolfe survenu peu après le départ des 24 Heures du Mans de 1969 et le geste de protestation posé par Jacky Ickx ont forcé les organisateurs à modifier la procédure de départ de cette mythique course d’Endurance.
Traditionnellement, la procédure de départ au Mans faisait aligner toutes les voitures en épi du côté des garages et les pilotes qui allaient prendre le départ se trouvaient de l’autre côté de la piste. Au signal, ils couraient vers leurs voitures, démarraient et c’était la cohue pour gagner quelques places avant d’attaquer le circuit.
Le problème majeur de cette façon de procéder était que plusieurs pilotes ne bouclaient pas leurs ceintures de sécurité une fois installés au volant afin de gagner quelques secondes, et aussi quelques places. C’est ce qui est survenu à John Woolfe, un bon pilote amateur né le 23 mars 1932 et marié à Jane Burton, une riche héritière, ce qui lui a permis de piloter quelques belles voitures de course.
Après avoir connu une bonne carrière en Grande-Bretagne, il crée avec Arnold Burton son écurie de course, John Woolfe Racing. En compagnie de Digby Martland, il dispute les 24 Heures du Mans en 1968 aux commandes d’une Chevron B12 équipée d’un moteur V8 Repco dérivé de la F1. Le duo jette l’éponge après avoir complété seulement 27 tours après que des ennuis de surchauffe ait fait exploser le moteur.
Un an plus tard, Woolfe achète un bolide d’enfer, une redoutable Porsche 917 qui est capable d’atteindre 350 km/h sur la longue ligne droite du Mans. La Porsche lui est livrée directement au circuit seulement cinq jours avant le début des essais. La 917 est surpuissante et instable aérodynamiquement. Elle a tendance à valser sur la piste. Il est facile de commettre une petite erreur et de sortir de piste.
En essais, Martland effectue une sortie de piste à son second tour à Mulsanne (sans rien toucher) et apeuré, décide de ne plus piloter le monstre. Puis, Woolfe, à son volant, effectue un surrégime et casse le moteur. L’usine expédie un moteur de rechange et place un de ses pilotes, Herbert Linge, comme nouveau coéquipier de Woolfe.
Woolfe tient à prendre le départ de la course
L’usine Porsche avait demandé que Linge prenne le départ de la course, car il connaissait bien les difficultés de la 917. Mais Woolfe a insisté pour le faire, voulant ainsi être vu par toute sa famille assise dans les gradins.
Au signal, tous les pilotes courent vers leurs voitures, sauf un. C’est le Belge Jacky Ickx qui proteste ainsi contre cette façon de faire, la jugeant trop dangereuse. Ickx marche tranquillement vers sa Ford GT40, boucle consciencieusement sa ceinture et démarre bien après tous ses rivaux en dernière position. Il gagnera la course !
Woolfe a fait comme plusieurs autres compétiteurs et ne boucle pas son harnais. Lui qui a effectué très peu de tours de piste à bord de sa 917 jusqu’ici, attaque fort. Avec un moteur en pleine santé, Woolfe apprécie mal les vitesses atteintes et au virage de Mulsanne, il freine un peu trop tard et se retrouve hors trajectoire. Il parvient à maîtriser la glissade et repart à l’attaque.
Le premier tour n’est pas encore complété quand la Porsche 917 No.10 arrive au virage de Maison Blanche et met un pneu dans l’herbe. Woolfe perd instantanément le contrôle du bolide qui se fracasse de face contre un talus. Le pauvre pilote, qui n’a pas bouclé sa ceinture, est éjecté et s’écrase lourdement au sol.
La Porsche, coupée en deux, rebondit au milieu de la piste. Survient alors la Ferrari 312 de Chris Amon qui se fait surprendre et ne peut éviter de percuter les restes de la Porsche. Les réservoirs d’essence des deux voitures sont perforés et les centaines de litres de carburant s’embrasent. Amon parvient à immobiliser sa Ferrari en feu en bordure de piste. Il s’extrait en catastrophe du cockpit et s’en tire avec des brûlures mineures.
Les équipes d’urgence se précipitent auprès de Woolfe qui est rapidement évacué du circuit par hélicoptère vers un hôpital où son décès est confirmé. La mort de Woolfe et le geste de défiance posé par Jacky Ickx forcent les organisateurs de l’Automobile club de l’ouest à bannir ce style de départ dit "Le Mans" et à adopter une procédure beaucoup plus sécuritaire où les pilotes sont sanglés au calme dans les voitures avant le départ, donné après un tour au ralenti derrière la Voiture de sécurité. Cette procédure est encore en usage de nos jours et le sera pour le départ de la 92ème édition des 24 Heures du Mans, demain à 16 heures locales (10h du matin heure du Québec).