Quel moteur a changé l’Histoire de la Formule 1 ? Voici quelques indices : il n’a coûté que 100 000£ à concevoir (soit 300 000$ canadiens à l’époque), a remporté la victoire dès ses débuts, a décroché 155 victoires au courant de sa carrière qui s’est étendue de 1967 à 1983 et ne coûtait que 33 000$ à l’achat en 1977.
Il s’agit du fameux V8 Ford Cosworth DFV (Double Four Valve), créé par la compagnie britannique Cosworth, fondée par Mike Costin et Keith Duckworth. Colin Chapman du Team Lotus était très proche de ce duo d’ingénieurs talentueux qui préparait les moteurs Ford quatre cylindres destinés aux Lotus Ford Cortina et aux monoplaces Lotus de Formule 2 et de F3.
En 1966, la FIA change la règlementation technique qui touche les moteurs de F1. C’est l’abandon des petits blocs de 1,5 litre en faveur de moteurs atmosphériques de trois litres ou de 1500cc turbocompressés.
Chapman désire obtenir un moteur moderne de trois litres qui serait, si possible, gratuit et qui serait conçu spécifiquement pour propulser sa nouvelle monoplace, la Lotus 49. Chapman veut un moteur très compact et extrêmement rigide, car il sera une composante structurelle de la voiture. Il espère aussi un poids de moins de 400 livres (196 kilos) et une puissance d’au moins 400 chevaux.
Après avoir effectué des calculs, Duckworth et Costin acceptent de produire un tel moteur, à condition de disposer d’un budget de 100 000£ pour le produire. Chapman rencontre Walter Hayes, le grand patron des relations publiques chez Ford, et lui expose son idée de faire concevoir le moteur par Cosworth et de la faire courir sous le nom de Ford qui aura payé la facture.
De retour aux États-Unis, Hayes présente le projet à Henry Ford II qui accepte de payer le montant. Après vouloir battre Ferrari aux 24 heures du Mans dans quelques semaines, Ford vise à faire mordre la poussière à Enzo Ferrari en Formule 1 ! Le contrat est signé le 1er mars 1966.
Cosworth donne naissance au Ford DFV : un V8 très compact de 2993cc, ouvert à 90 degrés, à double arbres à cames en tête, avec quatre soupapes par cylindre et qui développe 405 chevaux à 9 500 tours/minute.
Grâce à l’adoption de matériaux légers, il ne pèse que 168 kilos et les systèmes d’allumage et d’injection sont positionnés au centre du V. À sa base, le moteur possède une largeur de neuf pouces (23 cm), soit celle des fesses du pilote Lotus Jim Clark. Ce qui étonne à ce moment, c’est que Cosworth a choisi de créer un moteur d’une grande simplicité tandis que les autres motoristes planchent sur des moteurs très complexes.
« Bon, mais sans plus »
Les deux premiers exemplaires de la nouvelle Lotus 49 sont terminés et les premiers DFV sont greffés à l’arrière. Mike Costin, qui est aussi un excellent pilote, effectue les premiers essais sur l’aérodrome de Hethel. Puis, Graham Hill prend le volant, effectue quelques tours et déclare que le moteur est bon, mais sans plus.
Deux Lotus 49-Ford Cosworth sont expédiées à Zandvoort pour y disputer le Grand Pris des Pays-Bas. Hill signe la pole position en 1’24”60, soit quatre secondes plus vite que la pole de l’an dernier, pourtant réalisée par un moteur atmosphérique de trois litres. Jim Clark a connu quelques ennuis lors des qualifications et se retrouve en huitième place sur la grille de départ, à 2”2 du temps de son coéquipier.
Hill mène la course durant les 10 premiers tours, mais un ennui de distribution survient durant le 11e et il doit abandonner. Pendant ce temps, Clark vole en piste ! Parti huitième, il double successivement la BRM de Pedro Rodriquez, la Ferrari de Chris Amon, la Eagle de Dan Gurney, la Cooper de Jochen Rindt et enfin la Brabham de Jack Brabham pour prendre la commande de la course au 16e tour.
Clark n’est pas inquiété et croise l’arrivée en tête après 90 tours de compétition. Il termine avec une avance de 23”6 sur Brabham et 25”7 sur l’autre Brabham, pilotée par Denny Hulme.
Une fois démonté, le DFV de la Lotus de Clark montre des signes de faiblesses. La distribution doit être revue, car les vibrations en torsion ont fait casser une dent d’un pignon. De plus, le système de lubrification doit être aussi revu afin d’éviter qu’il aspire parfois de l’air.
Si le DFV fut réservé au Team Lotus en 1967, il fut offert aux autres écuries dès la saison suivante. Il fit les beaux jours de la F1 avec ses 155 victoires et ses nombreux championnats du monde. Ce fut un moteur compact, bon, assez fiable et pas cher du tout.