Si la Ferrari 312 T4 ne se prêtait pas bien à l’exploitation de l’effet de sol de ses pontons latéraux, elle a néanmoins permis à ses pilotes, Jody Scheckter et Gilles Villeneuve, de rafler les deux premières places au championnat du monde des pilotes en 1979.
Cette T4, produite par l’équipe d’ingénieurs dirigée par le fantasque Mauro Forghieri, possédait un moteur 12 cylindres ouvert à 180 degrés beaucoup trop large pour profiter de flux d’air balayant la pleine largeur des pontons et ainsi créer un effet de sol puissant. C’est pour cette raison que la coque de la T4 est extrêmement étroite ; ce qui augmentait un peu le volume des pontons.
Toutefois, cette T4 permettait aux flux d’air de circuler librement dans d’autres sections de la voiture et ses jupes coulissantes généraient quand même un effet de succion intéressant.
Les essais de développement de la T4 ont été essentiellement réalisés par un jeune ingénieur nommé Gian Franco Poncini. Cependant, ce dernier jugeait que la soufflerie Pininfarina n’était pas aussi efficace que celles utilisées par les écuries britanniques. Pire que cela, il décide de se rendre évaluer la performance de la maquette de la T4 à l’échelle 20% (c’est petit) dans cinq souffleries différentes.
Poncini et Forghieri n’en croient pas leurs yeux quand ils découvrent que les cinq souffleries génèrent des résultats différents ! Finalement, il semble que la soufflerie Pininfarina génère les résultats les plus constants et toutes les analyses subséquentes y seront effectuées.
Poncini dote la T4 d’un aileron avant monoplan en aluminium très avancé et perché au bout d’un mat. À l’arrière, il conçoit un aileron monoplan en aluminium doté d’une pointe à l’avant.
La T4 gagne son premier Grand Prix
La T4 est utilisée pour la première fois lors du Grand Prix d’Afrique du Sud le 3 mars 1979. Gilles Villeneuve y remporte la victoire devant son coéquipier, Jody Scheckter, avec une avance de 3”4.
En ce début de saison, Forghieri a une idée. Les circuits urbains de Long Beach et de Monaco, lents et sinueux, réclament de gros appuis aérodynamiques, car les voitures ne font que freiner et accélérer. La vitesse maximale y étant relativement basse, la traînée aérodynamique joue un rôle négligeable.
En 1979, la largeur hors-tout de l’aileron arrière est de 110 centimètres et sa hauteur et sa position par rapport à l’axe des roues arrière est strictement régie. Après une lecture studieuse du livre de règlements techniques, Forghieri se rend compte que s’il avance l’aileron, ce dernier tombe alors sous la juridiction des règlements de la carrosserie. Le nouvel aileron ainsi positionné peut alors être de la même largeur que la carrosserie soit 200 cm, un gain de 90 cm. Cet aileron extra large - offrant une surface de presque le double de l’aileron conventionnel - génère beaucoup plus d’appui.
Autre avantage : puisque cet aileron XXL est avancé, il se situe presque au-dessus des arbres de transmission, ce qui permet d’appuyer fermement sur les énormes pneus arrière et ainsi augmenter leur adhérence. En comparaison, l’aileron traditionnel est fixé en porte-à-faux derrière la boîte de vitesses, ce qui génère un effet de levier et provoque parfois un peu de sous-virage.
Cet artifice devant être fixé à la carrosserie, donc plus bas que normalement, il était toutefois mal alimenté en flux d’air propres et devait probablement générer un peu moins d’appui que prévu par les études.
Cet aileron est amené par l’équipe au Grand Prix de Long Beach. Si Villeneuve en fait l’expérience durant les essais, il dispute la course avec l’aileron arrière standard, et gagne la course. Quant à Scheckter, il l’adopte immédiatement et prend le départ avec l’aileron pleine largeur.
Dans les rues de Monaco quelques semaines plus tard, les deux Ferrari sont munies de l’aileron large. Scheckter décroche la pole position devant Villeneuve dont le moteur a connu quelques ennuis durant les qualifications. En course, Scheckter mène devant le Québécois, mais ce dernier connaît un soudain bris de différentiel et doit abandonner.
Jusqu’à la fin de la saison 1979, les T4 ont été munies de l’aileron arrière conventionnel.