Le Britannique Stirling Moss, l’un des meilleurs pilotes automobiles de sa génération, a bien failli perdre la vie dans un accident survenu en 1962 sur le circuit de Goodwood lors de la course "International 100" pour des voitures de Formule 1.
Le circuit de Goodwood est le site des accidents mortels survenus à Bruce McLaren qui testait sa M8D de Can-Am en juin 1970 et du Québécois Bertrand Fabi, tué dans un terrible impact survenu le 21 février 1986 alors qu’il effectuait des essais à bord d’une monoplace de Formule 3 en préparation à sa première saison en Championnat britannique de la spécialité.
En ce début de saison 1962, Moss a déjà participé à 66 Grands Prix, en a gagné 16 et s’est classé quatre fois deuxième et trois fois troisième au championnat du monde des conducteurs. Malgré son immense talent, Stirling Moss n’a toujours pas été sacré Champion du monde. La course "International 100" de 42 tours fait alors partie du Glover Trophy qui ne compte pas au championnat officiel. Parmi les inscrits, on note la présence de Graham Hill, Richie Ginther, Bruce McLaren, Innes Ireland, John Surtees et de Stirling Moss qui est au volant d’une Lotus 18/21 à moteur V8 Climax.
Moss décroche la pole position et mène la course durant quelques tours avant d’être doublé par John Surtees aux commandes d’une Lola. La course de Moss est ruinée quand il perd deux tours dans les puits pour faire ajuster ses carburateurs et sa tringlerie de changements de vitesses.
Un dépassement risqué ?
On approche de la fin de la course et Graham Hill mène l’épreuve au volant de sa BRM V8. Moss roule alors derrière lui et est un peu plus rapide. Il ne reste que quatre tours à parcourir et Moss décide de doubler Hill dans la section la plus rapide de la piste, là où les bolides atteignent plus de 200 km/h. Moss tente de doubler la BRM de Hill par l’extérieur d’un virage. Pour une raison inconnue, la Lotus file droit dans le gazon et percute de plein fouet un talus de protection d’une hauteur de presque 2m50 qui protège les spectateurs.
Le châssis fait de tubes résiste mal à l’impact et se replie sur les jambes du pauvre pilote. Par une chance incroyable, un couple de spécialistes arrive rapidement sur la scène. Il s’agit d’une infirmière, Annie Strudwick, et de son époux, Jim, un pathologiste. Tous deux sont amateurs de sport automobile et se postent en bordure de piste pour prêter main forte aux équipes d’urgence.
Annie Strudwick constate que le visage de Moss bleuit, ce qui signifie qu’il ne respire plus. « Il n’y avait pas de médecins urgentistes. J’étais une infirmière expérimentée et je savais que tous les pilotes mâchaient de la gomme à cette époque. J’ai ouvert sa bouche et retiré la boule de gomme à mâcher qui bloquait sa respiration » a déclaré Strudwick dans un récent article. « Il y avait un début d’incendie et la voiture était incroyablement brûlante. Mes mains portent encore les traces des brûlures que je me suis infligées cette journée-là » ajoute-t-elle.
Il faut près de 45 minutes aux équipes d’intervention pour scier les tubes et libérer le pilote blessé de l’amas de ferraille. Il est transporté en ambulance à l’hôpital Royal West Sussex de Chichester où les médecins découvrent son œil gauche abîmé, sa pommette gauche fracturée, une fracture au bras gauche, sa jambe gauche brisée en deux endroits et de nombreuses lacérations.
Il est ensuite transféré à l’hôpital Atkinson Morley de Wimbledon, car son traumatisme crânien est plus grave qu’on le croyait. Une radiographie révèle que le côté droit de son cerveau s'est détaché de son crâne. Moss plonge dans un coma qui va durer plusieurs jours. À son réveil, le pilote découvre qu’un côté de son corps est paralysé. Cette paralysie va durer six mois. Il poursuit sa rééducation, mais il ne se souvient pas de son accident.
Un an plus tard, Moss retourne sur le circuit de Goodwood et pilote une Lotus. Il pleut et la piste est glissante. Il se rend compte qu’il n’est plus à l’aise et que les gestes qu’il effectuait presque mécaniquement auparavant ont disparus. Après avoir effectué quelques tours de piste, Stirling Moss rentre aux puits. Il comprend ce qui se passe et accepte que sa carrière au plus haut niveau soit terminée.
Stirling Moss va toutefois continuer à disputer des épreuves pour voitures historiques, notamment les courses de soutien des 24 Heures du Mans, jusqu'en 2011. Il est décédé le 12 avril 2020 à l'âge de 90 ans.