Un jeune Ayrton Senna, arrogant et présomptueux, s’est attiré l’ire de son patron avant même de disputer son premier Grand Prix en carrière chez lui au Brésil au volant d’une Toleman à moteur Hart turbo.

Avant d’accéder à la Formule 1, Ayrton Senna a tout balayé sur son passage et a été couronné champion dans chaque catégorie où il y a couru. Démoralisant et ridiculisant ses coéquipiers comme ses adversaires, Senna était, disons, un peu trop sûr de lui quand il a trouvé un terrain d’entente avec la petite écurie Toleman après avoir testé une Williams-Ford, une McLaren-Ford et une Brabham-BMW turbo.

Le 9 décembre 1983, Senna se rend aux ateliers de l’écurie Toleman pour y signer son contrat d’une durée de trois ans. Le jeune Brésilien l’épluche durant des heures et fait vérifier tous les termes inscrits par un avocat situé au Brésil (ce qui résulte en une belle facture d’appel outre-mer pour Toleman !).

En fait, Senna ne veut absolument pas être prisonnier de ce contrat avec une si petite écurie sans avenir selon lui. Il désire à tout prix disposer d’une clause lui permettant de reprendre sa liberté en contrepartie d’une somme d’argent. Ce premier contact houleux crée des tensions entre Senna et le patron de l’écurie Toleman, Alex Hawkridge.

Un autre incident survient juste avant qu’il participe à son premier Grand Prix disputé chez lui au Brésil sur le circuit de Jacarepagua le 25 mars 1984. Puisqu’il désire inviter ses parents et amis, Senna demande à l’équipe de lui fournir une trentaine de passes d’accès au circuit. Ce à quoi Hawkridge, irrité, répond que la F1 n’est pas la F3 et que tout est strictement contrôlé par Bernie Ecclestone. Ayrton doit se satisfaire de quelques passes et doit dire merci face à une telle générosité.

Une bonne discussion est nécessaire

Un troisième incident survient dans le paddock du circuit. L’écurie a permis à Senna d’apposer des écussons de ses commanditaires personnels sur sa combinaison à condition de l’en informer d’abord. Hawkridge découvre que la combinaison blanche de Senna arbore des écussons de Marlboro et des amortisseurs Monroe. Le jeune Brésilien n’en a pas informé l’écurie… Hawkridge comprend qu’il doit dégonfler l’égo démesuré de ce pilote recrue, si doué soit-il. Senna se fait donc passer un savon en privé. Et les premiers essais commencent enfin.

Senna s’installe au volant de la Toleman TG183B, le modèle de l’année précédente. Cette voiture ressemble plutôt à un camion qu’à une monoplace de F1 et son moteur quatre cylindres Hart est probablement le moins puissant, le plus brutal et le plus fragile du plateau.

Malgré un problème de vibrations provenant du train avant de sa voiture, le Brésilien se qualifie au 16e rang avec un chrono de 1’33”525, à 5”1 de la pole position, mais 1”8 plus vite que son coéquipier, l’ancien champion de moto Johnny Cecotto ! Cependant, Senna provoque une autre vague en clamant haut et fort son insatisfaction des pneus Pirelli…

Avant le tour de chauffe, les mécaniciens, craignant la panne sèche, auraient, semble-t-il, transvasé beaucoup trop d’essence dans le réservoir de la Toleman. En roulant, le trop plein s’est répandu dans le cockpit. Sur la grille, les mécanos s’affairent à éponger le carburant avant que Senna s’installe à nouveau pour le départ.

Au feu vert, Senna démarre bien et parvient à grimper de trois rangs avant de compléter le premier tour. Stefan Bellof, sur une Tyrrell-Ford, le double toutefois dès le second tour. Puis, Jacques Laffite, sur une Williams-Honda turbo, lui fait perdre une autre place. Et au septième tour, c’est au tour de Nelson Piquet, au volant d’une Brabham-BMW turbo et qui a calé au moment du départ, de le doubler.

Senna boucle le tour suivant en 24e place sur 26. Il est évident que quelque chose ne fonctionne pas. Il rentre aux puits. L’équipe découvre rapidement que le turbo a cassé et de ce fait, la Toleman était propulsé par un vulgaire 1500cc atmosphérique. C’est l’abandon.

Senna n’a pas vraiment fait d’étincelles lors de son premier Grand Prix et a reçu une dure, mais nécessaire, leçon d’humilité à cette occasion.