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La Ferrari 640 à transmission semi-automatique - La deuxième plus belle ?

La Ferrari 640 à transmission semi-automatique - La deuxième plus belle ?

Jeudi 14 mars 2024 par René Fagnan
Crédit photo: Facebook / Goodwood Festival of Speed

Crédit photo: Facebook / Goodwood Festival of Speed

Début mai 2022, j’ai rédigé un article technique sur la Brabham BT32-BMW turbo que je considérais être la plus belle monoplace de Formule 1 jamais produite. Voici cette fois un texte sur la Ferrari 640 de 1989 que je pourrais qualifier de deuxième plus belle de toutes…

Cette Ferrari a marqué l’Histoire de la F1 - et du sport automobile en général - car elle a été la première voiture de compétition à avoir gagné une course majeure munie d’une boîte de vitesses robotisée, ou semi-automatique. Le traditionnel levier de vitesses avait été remplacé par deux palettes situées derrière le volant et qui servaient à changer les rapports d’un simple mouvement des doigts sans même avoir à lever le pied de l’accélérateur, ni de devoir appuyer sur l’embrayage.

Cette transmission avait été conçue à l’origine par Mauro Forghieri. Les fourchettes qui déplacent les pignons étaient actionnés par la pression d’un circuit hydraulique. En janvier 1979, une Ferrari 312 T3 munie de cette première transmission roule sur le circuit de Fiorano pilotée par Giorgio Enrico. L’arrière du volant est muni d’un long balancier en acier fixé en son milieu. Le pilote tire à droite avec ses doigts pour monter un rapport et tire à gauche pour rétrograder.

Pour Forghieri, cette boîte permet aux pilotes de conserver en permanence leurs deux mains sur le volant, accélère les changements de vitesses et évite les surrégimes causés par de mauvaises sélections de rapports.

Cette transmission est toutefois trop lourde de 20 à 30 kilos. Forghieri la modifie, ajoute un sixième rapport et remplace le balancier par deux boutons. Gilles Villeneuve et Jody Scheckter pilotent une 312 T5 munie de cette transmission. Les essais sont arrêtés, car Ferrari doit placer tous ses efforts dans la production du nouveau moteur V6 turbo et la nouvelle monoplace.

Quelques années plus tard, quand John Barnard est recruté par Ferrari, il découvre cette boîte de vitesses cachée à Maranello. L’ingénieur est convaincu que les développements majeurs effectués sur les électrovannes, les circuits hydrauliques à très haute pression et l’électronique lui permettront de modifier, d’alléger et de fiabiliser cette transmission novatrice.

Des débuts très compliqués

Pour créer la Ferrari F1-89, Barnard est entouré d’une équipe de rêve : Enrique Scalabroni, Henri Durand, Gordon Kimball et Claudio Lombardi. Le châssis en fibre de carbone et nid d’abeille en Kevlar est très étroit, ultra rigide et enferme un réservoir d’essence d’une capacité de 203 litres. Le châssis n’est pas produit en Italie, mais chez GTO au Royaume-Uni, la compagnie de Barnard. Le moteur est le nouveau moteur V12 atmosphérique Tipo 035/5 de 3,5 litres, ouvert à 65°, à cinq soupapes par cylindre, et qui produit la puissance de 660 chevaux 13 000 tours/minute.

La carrosserie de cette F1-89, qui sera rebaptisée 640 en début de saison 1989, est incroyablement enveloppante, d’une très grande élégance, avec une forme de bouteille de coca à l’arrière et un plancher très large. Barnard tenait à concevoir une monoplace étroite, offrant une surface frontale réduite afin de diminuer la traînée. L’adoption de la transmission robotisée a permis de réduire la largeur de la carrosserie arrière et d’y installer un énorme diffuseur.

Les suspensions sont à barres de torsion reliées à des amortisseurs de marque Koni. Les étriers de freins sont des Brembo, et les disques en carbone sont fournis par Brembo et parfois par SEP.

Le gros du travail de développement de la nouvelle transmission à sept rapports est confié au nouveau pilote d’essais de Ferrari, Roberto Moreno, engagé depuis le Grand Prix de Monaco 1988. C’est une catastrophe, car la 640 ne parvient pas à parcourir plus de 15 tours consécutifs sans connaître d’ennuis.

Dans un podcast mis en ligne par formula1.com, Moreno explique où se situait le problème. « L’alternateur surchauffait rapidement, ce qui en retour mettait la batterie à plat. Et la boîte cessait de fonctionner. Cette région de la voiture était mal refroidie et John Barnard refusait de créer des écopes ou des échancrures pour amener de l’air frais vers l’alternateur. Finalement, nous avons réussi à lui faire comprendre qu’il devait apporter cette modification. Et en 55 jours nous avons résolu tous les problèmes techniques ». 

Le premier Grand Prix de la saison 1989 est celui du Brésil tenu sur le circuit de Jacarepagua à Rio de Janeiro. Au terme d’essais rendus compliqués par de nouveaux soucis techniques, les pilotes Gerhard Berger et Nigel Mansell se qualifient en troisième et sixième places, respectivement. Et un miracle survient durant la course. La 640 pilotée par Mansell roule comme une horloge suisse et remporte la victoire !

La suite de la saison sera moins glorieuse, même si les améliorations apportées au V12 lui permettent de cracher 715 chevaux à 14 000 tr/min en fin de saison. Si Mansell récolte une autre victoire en Hongrie et inscrit cinq podiums consécutifs, Gerhard Berger récolte aussi une victoire, au Portugal, mais abandonne 12 fois en 16 courses.

Inutile de préciser que toutes les autres écuries de F1 se sont alors immédiatement mises à concevoir leurs propres transmissions semi-automatiques.