Le premier Grand Prix de la saison 1978 fut marqué par la victoire de l’Américain Mario Andretti aux commandes de la Lotus 78 à effet de sol dans des conditions militaires strictes. La saison commence le 15 janvier avec la tenue du Grand Prix d’Argentine présenté sur l’Autodromo Juan y Oscar Gálvez de Buenos Aires. Planifier le déplacement des écuries de F1 dans ce pays n’est vraiment pas facile.

Le pays est alors sous une dictature militaire. Le gouvernement d'Isabel Perón fut renversé le 24 mars 1976 par le général Jorge Rafael Videla, dirigeant de la junte militaire. Entre 1976 et 1983, sa dictature a fait plus de 30 000 morts et de disparus, et un million et demi d’exilés.

Devant une telle instabilité, Bernie Ecclestone, le grand patron de la Formule 1, exige alors un chèque certifié de 850 000$ américains pour amener le plateau de F1 en Argentine. À ce moment, la junte voulait bien paraître aux yeux du monde, car le pays allait aussi tenir la Coupe de monde de football quelques mois plus tard en juin. L’affaire est alors conclue et les voitures arrivent au circuit placé sous haute sécurité. Des militaires armés patrouillent le paddock, la ligne des puits et même les abords de la piste.

Parmi les nouveautés, il faut noter les vrais débuts de Gilles Villeneuve chez Ferrari et le passage de la Scuderia dans le clan Michelin. C’est donc le début de l’affrontement qui oppose Goodyear à Michelin. Goodyear a apporté 1500 pneus contre seulement 400 pour Michelin, mais la compagnie française n’équipe que les deux Ferrari, puisque l’écurie Renault est absente. Goodyear riposte et abandonne sa politique d’égalité entre toutes les équipes. La firme américaine décide donc de ne fournir des pneus spéciaux et gratuits qu’à ses écuries privilégiées, comme Lotus, McLaren et Brabham.

Andretti place sa Lotus 78-Ford à effet de sol en pole (merci Goodyear) et Carlos Reutemann, l’idole de tout un peuple, se qualifie deuxième à bord de sa Ferrari 312 T2. Ronnie Peterson, coéquipier d’Andretti, se qualifie troisième avec la Lotus 78 munie de la boîte de vitesses Lotus-Getrag. Toutefois, les mécanos vont installer un bonne vieille Hewland pour la course, car le Suédois rate trop de changements de rapports avec la Getrag séquentielle et semi-automatique. Puis viennent John Watson et Niki Lauda sur des Brabham BT45C Alfa Romeo et James Hunt sur McLaren M26-Ford. Quant à Gilles Villeneuve, il est septième sur la grille.

Une chaleur étouffante

Il fait terriblement chaud le jour de la course et l’entrée des spectateurs au circuit est fortement ralentie par des mesures de sécurité et les fouilles systématiques effectuées par les militaires, pas toujours amicaux avec leurs fusils d'assault et mitraillettes.

Andretti bondit le premier au feu vert et négocie le premier virage en tête. À la fin du premier tour, il possède déjà deux secondes d’avance sur Reutemann. Puis, son avance grimpe à cinq secondes, puis 10, sans vraiment forcer. Watson est impressionnant à bord de sa Brabham. Il est troisième au cinquième tour, puis double Reutemann au septième pour prendre la deuxième position.

Lauda roule sagement en troisième position derrière Andretti et Watson. Quant à Reutemann et Peterson, ils ont choisi les mauvais pneus et ne cessent de perdre des places. Reutemann, qui court devant son public, s’arrête aux puits au 27ème tour pour faire monter un train de pneus tendres, mais chute en 15ème position. Puis, la course vire à la procession. Il fait terriblement chaud et les moteurs, les freins et les pneus surchauffent dangereusement. Les deux amis, Villeneuve et Patrick Tambay (McLaren), bataillent ferme pour la 10ème place.

Watson, qui roule en deuxième position, baisse soudainement le rythme, car son moteur Alfa connaît une fuite d’eau. Lauda le double au 39ème tour et deux boucles après, le 12 cylindres de la Brabham de Watson rend l’âme. C’est à ce moment que Tambay parvient finalement à doubler Villeneuve au prix d’une manœuvre particulièrement audacieuse.

Si presque tout le monde roule au ralenti, ce n’est pas le cas de Patrick Depailler. Il effectue une course remarquable au volant de sa Tyrrell 008-Ford. Après avoir démarré de la 10ème place, il harcèle maintenant Lauda pour la deuxième position en fin de course !

Andretti récole la victoire avec une avance de 13,2 secondes sur Lauda et 13,6 sur Depailler. Puis viennent Hunt, Peterson, Tambay, Reutemann et Villeneuve. La course était prévue pour 53 tours, mais fut réduite à 52 suite à une erreur du quintuple Champion du monde, Juan Manuel Fangio, qui a abaissé le drapeau à damier un tour top tôt. C’est donc un triplé pour Goodyear. Mieux que cela, ce sont les six premiers qui sont équipés par Goodyear, le premier pilote Michelin étant Reutemann en septième position.