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Curiosité technique : Le moteur BRM 16 cylindres en H de Formule 1

Curiosité technique : Le moteur BRM 16 cylindres en H de Formule 1

Jeudi 21 décembre 2023 par René Fagnan
Crédit photo: Wikimedia Commons

Crédit photo: Wikimedia Commons

Il fut un temps, béni pour certains, où les ingénieurs les plus, disons, créatifs, pouvaient matérialiser leurs idées les plus folles et les appliquer aux voitures de compétition, et surtout en Formule 1. Pourquoi faire simple quand on peut faire très compliqué ?

Courant 1965, la FIA annonce que la règlementation F1 qui impose des petits moteurs de 1,5 litre sera changée pour faire grimper cette cylindrée à trois litres en 1966.

L’équipe technique de British Racing Motors, BRM, dirigée par Tony Rudd, analyse différentes configurations pour créer un nouveau moteur suffisamment rigide pour être un élément porteur directement boulonné au châssis.

BRM avait jusqu’alors utilisé son moteur V8 de 1,5 litre. Une des options était de le réaléser et d’y ajouter quatre cylindres pour le porter à trois litres. Mais l’imagination fébrile des ingénieurs donna naissance à un autre projet plus extravagant, celui d’un moteur 16 cylindres disposés en H à plat.

Ce H16, au centre de gravité extrêmement bas et pas plus long qu’une quatre cylindres en ligne, serait constitué de deux moteurs huit cylindres à plat de 1,5 litre montés l’un sur l’autre. Chaque demi-moteur de huit cylindres posséderait son propre vilebrequin, et ces deux vilebrequins entrainaient un seul arbre primaire de transmission.

Trop complexe pour être efficace

La décision est prise de donner le feu vert au projet du moteur H16 au détriment de celui d’un V12. Les essais effectués avec un monocylindre donnent des résultats prometteurs. Cependant, avec ses huit arbres à cames, ses quatre systèmes d'allumage, son gros radiateur, son circuit de refroidissement complexe, ses deux vilebrequins et sa pompe à eau distincte pour chaque unité de huit cylindres en ligne, la conception du monstre exige énormément de travail. Rudd et son équipe s’exténuent au travail pour résoudre les soucis de conception du H16.

Un des gros soucis concerne la circulation de l’eau de refroidissement entre les deux moteurs à plat et la conception du moulage des deux blocs. Cela nécessite une révision du design original. Cependant, lors des premiers essais au banc, il est évident que le H16 est mis à mal par les vibrations destructrices des vilebrequins. Rudd décide de faire usiner et souder des plombs d’équilibrage sur les vilebrequins, mais il arrive que ces masses se détachent et détruisent tout à l’intérieur des moteurs.

Il y a aussi un problème de poids. Le moteur H16 pèse 555 livres (252 kilos) et la boîte de vitesses à six rapports, boulonnée à l’arrière, pèse 118 livres (54 kilos). C’est beaucoup trop de poids à l’arrière des voitures…

Les premiers exemplaires sont installés dans les châssis BRM P261 de Jackie Stewart et Graham Hill. Mais le H16, qui développe la puissance de 400 chevaux à 10 000 tours/minute, est si fragile que l’écurie britannique remet en service les anciens moteurs V8 pour les sept premiers Grands Prix de la saison qui n’en compte que neuf.

Les deux P83 à moteurs H16 disputent les deux dernières courses de la saison 1966, sans résultat. Ce qui n’est pas le cas chez Lotus, car la voiture de Jim Clark est justement propulsée par ce H16 lors des trois dernières épreuves de la saison et l’Écossais remporte la victoire lors du Grand Prix des États-Unis à Watkins Glen le 2 octobre. Ce sera la seule et unique victoire du H16 en F1.

Le gros H16 est quand même amélioré pour la saison 1967 et se retrouve désormais dans les BRM P83 de Stewart et Mike Spence, ainsi que dans les Lotus 43 de Jim Clark et de Graham Hill. Toutefois, le H16, qui casse sans cesse, est trop large, trop lourd et trop gourmand en carburant. Il est vite évincé par le Team Lotus en faveur du tout nouveau Cosworth V8 DFV qui gagne dès ses débuts aux Pays-Bas.

Le H16 BRM était un véritable cauchemar pour les mécaniciens. On affirme d’ailleurs qu’il fallait trois semaines de travail à deux mécanos pour en effectuer la révision !

Courant 1967, les dirigeants de BRM comprennent que le projet H16 est un échec total. L’équipe technique prend alors la responsabilité de développer le moteur V12 conçu pour l’endurance pour en faire un bon moteur de F1. C’est ce V12, dans ses versions P111, P101, P142, P200 et P202, qui a propulsé les monoplaces BRM jusqu’en 1977, année du retrait de l’écurie britannique de la F1.