Autre temps, autres mœurs. Il fut une époque où les femmes ne pouvaient pas participer à des activités sportives. C’était évidemment le cas dans le monde très macho de la course automobile.
Loin de nous d’être impliqués dans le débat actuel sur l’identification des genres, sujet fortement controversé ces temps-ci. Mais puisque nous nous intéressons au passé et au début des années 60, nous utiliserons le terme “homme” et “femme” pour bien faire comprendre comment la société était alors profondément différente.
Paula Murphy est née en 1928 dans l’état d’Ohio. Elle avoue être tombée en amour avec l’automobile le jour où elle a secrètement emprunté la voiture de sa mère pour aller se promener… Elle a ensuite étudié à l’université de Bowling Green avant d'obtenir sa licence en éducation physique à l'Université de Cincinnati.
Plus tard, Paula se marie et le couple déménage en Californie où elle accepte un poste de secrétaire chez Marquardt, une société d'ingénierie aérospatiale située à North Hollywood.
Elle assiste à sa première course automobile en 1956 lors du Santa Barbara Memorial Day Race. Cette même année, elle achète sa première voiture de course, une MG-TF de 1954. Puis, elle fait l’acquisition d’une Alfa Romeo Giulietta Spider afin de participer à des épreuves réservées à des pilotes féminins. Cependant, ces courses deviennent progressivement de plus en plus rares, et Paula décide en 1963 de disputer des épreuves jusqu’alors réservées aux hommes. Elle pilote, entre autres, des Porsche 550, 356 et 718 RSK préparées par le grand Vasek Polak.
La jeune femme est très douée et accumule les exploits. En 1963, elle réalise le record de la plus rapide traversée complète des États-Unis, d’est en ouest. Avec deux copilotes, ils réalisent le périple en 49 heures et 37 minutes. La même année, Paula inscrit le record de vitesse terrestre pour une femme avec un moteur à combustion interne, atteignant la vitesse moyenne de 161,29 milles/heure (259,5 km/h).
De plus en plus vite
En novembre 1964, Murphy devient la première femme à piloter une voiture à réaction, “Avenger”, aminée par une turbine à réaction de 10 000 chevaux, atteignant une moyenne de 226,37 milles/heure (364,2 km/h) dans les deux sens et une vitesse maximale de 243 m/h (376,5 km/h). Et en 1966, elle est la première femme à obtenir une licence de pilotage de classe Funny Car de l'UDRA et de la NHRA, alors qu'auparavant elle avait été refusée par ces deux organisations.
Au fil des ans et des records, Paula est de plus en plus commanditée par l’entreprise STP d’Andy Granatelli. C’est lui qui a l’idée (un bon coup de publicité) de faire effectuer un essai à Paula à bord d’une monoplace de la série IndyCar.
L’essai a eu lieu le 7 novembre 1963. Imaginez la scène : à une époque où les femmes n’étaient même pas admises dans les puits, Paula Murphy, revêtue de sa combinaison ignifugée, prend le volant d’une voiture d’IndyCar. Il s’agit d’une Studebaker STP propulsée par un moteur V8 à compresseur Novi. Puisque c’est un essai de pneus, Paula doit respecter les vitesses maximales qu’on lui impose.
La jeune femme de 28 ans complète une dizaine de tours du super ovale à une vitesse d’environ 100 milles/heure, soit 160 km/h, alors que la pole position avait été réalisée à la vitesse moyenne de 151 m/h (243 km/h). Ce n’est pas très vite, certes, mais Paula avoue avoir été profondément impressionnée par l’impression de vitesse ressentie sur cet ovale si particulier.
Murphy n’a pas disputé les 500 Milles d’Indianapolis. La première femme à avoir disputé cette épreuve fut Janet Guthrie en 1977, 14 ans après l’essai de Paula.
Paula Murphy a ensuite frôlé la mort aux commandes de la voiture-fusée de Ky Michaelson, un dragster alimenté au peroxyde d'hydrogène à Sears Point. Une fois le quart de mille franchi, le moteur ne s’est pas éteint, le parachute a été arraché et le bolide a défoncé une barrière à 258 milles/heure, dévalé une colline et effectué une cabriole à plus de 30 mètres dans les airs avant de retomber à l’envers. Paula fut fortement secouée, mais miraculeusement pas blessée.
Après avoir effectué un retour dans les courses de drag, Paula a pris sa retraite sportive et a travaillé durant de nombreuses années chez Rocketdyne, une entreprise spécialisée par la conception et la fabrication de moteurs de fusées.
Aujourd’hui âgée de 95 ans, elle profite pleinement de sa retraite.