En fin d’année 2008 et après une autre saison compliquée, Honda décide de stopper ses efforts avec son équipe en F1 et de se limiter au rôle de motoriste. Le secret de la décision est bien gardé et les membres clés de l’équipe espèrent la voir survivre en 2009. Honda avait en effet investi lourdement dans son équipe les saisons précédentes, en outillage, équipement lourd, composantes et logiciels d’ingénierie.

La grande annonce est faite en novembre : Ross Brawn, entre dans le dossier en devenant le directeur technique de la nouvelle équipe, appelée Brawn GP, et rachète la totalité de l’équipe Honda à titre personnel pour un dollar symbolique. Brawn reçoit de plus 100 millions US de Honda pour maintenir la présence de l’équipe au Championnat en 2009, et les nouvelles voitures 2009.

Honda a peut-être manqué une occasion en or de dominer la F1 mais le manufacturier a tout de même bien choisi car quatre spécialistes techniques déjà en place chez Honda, dont Brawn lui-même, créent un quatuor technique et administratif imbattable qui remportera les titres constructeurs et pilotes (avec Jenson Button) dès leur première saison, 2009.

Mais l’histoire de Brawn GP en F1 demeure unique puisqu’elle n’a officiellement vécu qu’une saison… tout en décrochant les titres mondiaux ! Car l’histoire se répète en fin de saison 2009, alors que Mercedes rachète la petite équipe avec son quatuor technique considéré essentiel à son succès, qui passe chez les Allemands pour 2010. Ce groupe devient rapidement le noyau technique de l’écurie officielle Mercedes et mène à sa domination des années 2015 à 2020 avec pour pilote vedette Lewis Hamilton.

En plus de Ross Brawn, qui aurait selon certaines sources vendu l’équipe à Mercedes pour 100 millions US (notez au passage le beau profit qu’il a fait en un an !), qui demeure à la barre comme directeur technique et stratège corporatif, l’équipe compte alors sur Ron Meadows, directeur sportif issu de Tyrrell, de BAR, Honda puis Brawn. Andrew Shovlin agit comme ingénieur de course de Jenson Button en 2009 et les saisons suivantes. Il est aujourd’hui l’ingénieur en chef chez Mercedes F1. Le stratège course en chef, James Vowles, aujourd’hui directeur général chez Williams, et l'ingénieur de piste en chef Simon Cole sont arrivés en F1 en 2001. Le second pilote Brawn GP en 2009, Rubens Barrichello, arrivait quant à lui de chez Ferrari mais Mercedes le remplaça par Michael Schumacher qui effectuait alors son retour à la compétition après ses années de gloire chez Ferrari.

La saison 2009 de l’écurie Brawn GP a connu des aventures peu communes. Avant les premiers essais en piste, Ross Brawn découvre dans le nouveau règlement aérodynamique de la F1 une coquille qui permet d’augmenter l’appui à arrière des monoplaces sans augmenter la traînée aérodynamique. Beau joueur, Brawn essaie de passer le message à la FIA, qui prend mal son erreur et refuse, avec l’accord des autres équipes, de corriger le texte. Les autres équipes et la FIA prennent le tout de "Très-Haut" et intiment à Brawn de retourner jouer avec sa petite équipe.

L’attitude de la FIA et des autres équipes tourne rapidement en panique lors des premiers essais officiels présaison à Barcelone. La Brawn est lente lors des premières journées d’essais et les autres équipes ne se préoccupent pas de ses chronos outre mesure. Pour sa part, Brawn attend jusqu’aux derniers tours de la dernière séance des essais pour libérer Jenson Button (avec une monoplace dotée de peu d’essence, de pneus neufs et des réglages de qualification) qui établit in-extremis le meilleur chrono des essais, 2,5 secondes plus rapide que le meilleur chrono établi jusque-là ! La presse se rue alors vers l’équipe Brawn GP mais la voiture est maintenant cachée dans le camion et les techniciens sont introuvables !

Le niveau de panique chez les autres équipes monte d’un cran avant le premier Grand Prix. McLaren admet avoir calculé et simulé qu’ils devraient retirer 90 kilos de leur voiture pour arriver à retrancher les 2,5 secondes en question.

Le début de saison sera conforme aux craintes des grandes écuries : Brawn GP remporte six des sept premières courses de la saison 2009. 6 victoires signées Button pendant que Barrichello assure le doublé à trois reprises. Les autres équipes reprennent du poil de la bête à mi-saison pendant que Brawn GP se concentre à l’usine sur la voiture de la saison suivante, puis revient terminer la saison en force avec une 7ème victoire du pilote anglais et les titres constructeurs et pilotes en poche. Au classement final de la saison, Button totalise 95 points, Sebastian Vettel (Red Bull) 84 et Barrichello 77. Chez les équipes, Brawn GP bat dans l’ordre Red Bull, McLaren, Ferrari, Toyota, BMW Sauber, Williams et Renault. Rien de moins !

Mais l’équipe était vulnérable tout au long de la saison. Faute de ressources, le troisième châssis n’est arrivé qu’à Monaco, la 5ème course de la saison. Avant cela, interdit aux pilotes de casser du matériel ! Heureusement, Brawn découvre au printemps un trésor dans ses ateliers : des composantes neuves (freins et embrayages, suspensions, ailerons et autres fournitures) oubliées dans la confusion de la vente de Honda fin 2008 !

L’aspect politique a aussi coûté temps et argent à l’écurie car, sans surprise en F1, Brawn GP fait l’objet de protêts des autres équipes auprès de la FIA après le premier GP de la saison. Mais l’équipe bénéficie de la mauvaise décision de la FIA et des autres équipes à propos du règlement erroné. Quelques autres écuries vont aussi chercher à copier la Brawn BGP01 à moteur Mercedes V8, sans trop de succès. Soulignons aussi qu’avec seulement 50 personnes employées en début de saison, l’équipe manque de personnel qualifié. Mais qu’importe, l’objectif a été atteint.

En fin de saison, Mercedes avise Brawn qu’ils veulent racheter toute l’équipe pour la saison 2010, et aussi garder le secret le plus longtemps possible. L’horizon, qui de l’extérieur semble sombre pour Brawn vu l’absence de partenaire financier, s’éclaircit alors. Mercedes annonce enfin la transaction à la mi-novembre 2009 et Brawn, qui prévoyait licencier une partie de son personnel sans cet accord, respire enfin. Il lance l‘ère Mercedes qui se traduira par une domination presque sans partage de 2014 à 2020 : sept titres pilotes, huit comme constructeurs. « Jenson a terminé toutes les courses de la saison 2009, sauf Spa. Heureusement, car nous n’avions pas de budget pour réparer les voitures » confiera par la suite Ross Brawn. « Nous étions Brawn GP, et j’étais toujours avec l’ensemble de l’équipe, sur le podium comme à la taverne. Aujourd’hui, Toto Wolff perpétue cette attitude de gestion chez Mercedes » conclut-il.

Après sa contribution au succès de Mercedes, Ross Brawn travailla comme consultant et directeur de la F1 pour Liberty Media, avant de prendre sa retraite en 2022.