Après Rudi Uhlenhaut, Charles Cooper et Colin Chapman dans le premier volet, Mauro Forghieri, John Barnard et Gordon Murray dans le second, nous abordons aujourd’hui le parcours de trois nouveaux grands concepteurs de l’histoire de la F1. Un classement de 12 personnalités, forcément subjectif, que nous avons voulu le reflet de différentes époques et méthodes de travail. Tout en gardant à l’esprit le côté innovateur et le succès des personnes choisies. Aujourd’hui, Patrick Head, Ross Brawn et Adrian Newey…
Actif en F1 de 1977 à 2019, Patrick Head
Patrick Head a co-fondé l'écurie Williams avec Frank Williams (photo ci-dessus) et y a consacré toute sa carrière, dirigeant l'ingénierie pendant 27 ans. Né en 1946 à Farnborough, en Angleterre, Head n’a pas connu les débuts difficiles de Frank Williams, l’époque où l’argent se faisait rare et où le patron devait se cacher des huissiers !
Il a fondé avec Frank la Williams Grand Prix Engineering en 1977 et cette entité a gagné en F1 seulement deux ans plus tard, avec Clay Regazzoni au Grand Prix de Grande-Bretagne 1979. L’année suivante, Williams remportait le titre mondial avec Alan Jones. L’écurie britannique était devenue la meilleure de la F1 et les succès se sont poursuivis jusqu’à la fin des années 1980 avec Nigel Mansell et Nelson Piquet. Ingénieur mais aussi partenaire de Frank Williams dans toutes les décisions de l’équipe, Head a embauché Adrian Newey au début des années 1990. Les choses sont alors passées à un autre niveau.
Leur partenariat dominant de 1991 à 1997 a conduit à de multiples victoires et titres mondiaux avec quatre pilotes différents : Nigel Mansell (1992), Alain Prost (1993), Damon Hill (1996) et Jacques Villeneuve (1997). Après le départ de Newey, l'équipe n'a pas réussi à atteindre de tels sommets et Head a finalement pris sa retraite en 2012.
Dans la conception des monoplaces Williams, il fut directement le responsable jusqu’en mai 2004, alors qu’il passa le relais à Sam Michael, Patrick Head se contentant alors du titre de responsable de l’ingénierie.
Aujourd’hui âgé de 77 ans, Patrick Head a été vu pour la dernière fois dans le garage Williams en 2019, alors qu’il accepta un rôle de consultant pour une équipe reléguée au dernier rang du championnat des constructeurs en F1. Une mission qui ne dura que quelques mois.
De 1978 à 2022, Ross Brawn
Avec Adrian Newey, Ross Brawn est assurément l’un des concepteurs les plus efficaces et gagnants en F1. De plus, sa gestion infaillible d’une équipe technique évoluée, son interprétation clairvoyante de règlements complexes et son imagination technique l’ont propulsé au sommet en peu de temps.
Né en Angleterre en 1954, Brawn a d’abord travaillé en recherche atomique avant d’arriver en sport automobile en 1976, comme mécanicien chez March en F3. Il travaille alors sur la voiture de Bruno Giacomelli, qui remporte le titre. En 1978, il débute en F1, chez Williams, comme mécanicien puis aérodynamicien. En 1985, il rejoint Carl Haas qui s’attaque à la F1 avec une voiture pour le moins ratée et s’en va ensuite chez Arrows où, dès 1987, il a le mandat de concevoir les monoplaces.
Il quitte ensuite brièvement la F1 pour concevoir les Jaguar XJR d’Endurance, un programme couronné de succès mais qui s’arrête en 1991, année qui voit Brawn débarquer chez Benetton.
Il a ensuite réussi de façon exceptionnelle dans le rôle de directeur technique, menant Benetton puis Ferrari à de multiples titres mondiaux avant de devenir lui-même directeur d'équipe chez Honda. Lorsque le manufacturier japonais lui a revendu (pour 1$ !) son équipe, Ross l’a appelée Brawn Grand Prix et a décroché les titres mondiaux es pilotes (Jenson Button) et des manufacturiers. On était alors en 2009 et, doté d’un sens des affaires très aiguisé, il a revendu (avec un profit de plusieurs millions) l’écurie à Mercedes dès la fin du championnat, tout en restant impliqué jusqu’en 2013.
Après avoir refusé des offres de différentes équipes pour reprendre en main leur direction technique, Ross Brawn réapparaît dans le milieu de la F1 en 2017, cette fois comme directeur-général de la discipline. Il a pris sa retraite fin 2022.
De 1980 à aujourd'hui, Adrian Newey
Fort d’un diplôme avancé en aérodynamique, Adrian Newey a rejoint la F1 sans passer par les séries de soutien du sport automobile. À l’âge de 21 ans (il est né le 26 décembre 1958), il est recruté par la modeste écurie Fittipaldi qui se débat alors en fin de peloton avec pour pilote-patron Emerson Fittipaldi. Newey occupe alors le poste d’aérodynamicien. L’aventure est de courte durée et le jeune ingénieur rejoint dès l’année suivante le constructeur March, qui prépare son retour en F1 mais Newey se voit affecter au programme F2, en plus de participer grandement à la conception de la March GTP, destinée aux épreuves d’Endurance nord-américaines de l’IMSA. Il va ensuite prendre en charge le programme March en IndyCar, qui sera un grand succès.
En 1986, Adrian Newey se voit demander par March de collaborer au redressement de son programme F1 qui, sous les couleurs de Leyton House, n’obtient pas le succès espéré. Il ne quittera plus la discipline reine, alternant successivement des séjours victorieux chez Williams, McLaren puis Red Bull, depuis 2006. Il cumule à ce jour plus de 200 victoires, 11 titres des constructeurs et 12 titres pilotes pour 7 pilotes différents. Parmi eux, Jacques Villeneuve avec Williams en 1997 et Sebastian Vettel puis Max Verstappen chez Red Bull. Il a aussi établi que l’aérodynamique est la partie la plus importante de la conception d’une F1, avec le moteur.
Newey est considéré comme le plus important rouage technique de l’équipe Red Bull, dominante de nos jours et bien placée pour maintenir cette domination encore quelques années, surtout avec leur nouvelle division qui construit ses propres moteurs et en louera à des équipes clientes à partir de 2026.
Pilote agressif à ses heures, en piste et dans des compétitions de voile, Adrian Newey s’amuse aussi à bord de voitures et voiliers de sa collection. À 64 ans, il avoue tout de même qu’il songe à prendre du recul avec le milieu de la F1. Mais les records de Max Verstappen aux commandes d’une monoplace Red Bull 2023 qu’il qualifie lui-même de sa plus belle réussite en carrière pourraient le faire changer d’avis encore quelques années.