À une certaine époque, les organisateurs du Grand Prix Molson de Trois-Rivières n’hésitaient pas à investir beaucoup d’argent pour faire venir des pilotes internationaux afin qu’ils participent à la course de Formule Atlantique.
Cette stratégie de marketing avait deux objectifs : donner du prestige à l’événement (et faire vendre plus de billets !) et permettre à nos espoirs de se mesurer aux meilleurs pilotes de monoplaces au monde.
Lors de l’édition de 1975, plusieurs pilotes internationaux sont inscrits à la course de Formule Atlantique. On note les Français Jean-Pierre Jarier (pilote Shadow en F1), José Dolhem (pilote de F2, demi-frère et cousin de Didier Pironi), Patrick Depailler (pilote Tyrrell en F1) et Jean-Pierre Jaussaud, un excellent pilote de F3 et de F2 reconverti dans les courses d’endurance. Il y a aussi Dave Walker, ancien pilote F1 du Team Lotus, l’Irlandais Damien Magee (a disputé un Grand Prix pour Williams) et l’Italien Vittorio Brambilla, pilote March en F1 et qui vient tout juste de remporter la victoire au Grand Prix d’Autriche (et qui a perdu le contrôle de sa monoplace une fois la ligne d’arrivée franchie !)
Tous ces pilotes logent dans des hôtels de Trois-Rivières durant le week-end sauf un, Brambilla, qui est hébergé par un grand ami à lui, Mario Révi, le père de Riccardo Révi, à Pointe-du-Lac.
Durant son séjour au Québec, il était tout à fait normal que le pilote de F1 loge chez son ami Mario. Le jeune Riccardo rêvait lui aussi de faire de la course automobile. « Quand Vittorio est venu courir à Trois-Rivières, il m’a donné sa combinaison ignifugée de pilote. Il demeurait chez nous durant le temps du week-end » m’a déclaré Riccardo qui a, par la suite, couru en série Honda et a participé à la finale du Volant Elf en France.
En cette fin d’août 1975, Brambilla est aux commandes d’une March 75B-Ford commanditée par PAG (P.A. Gouin, un important magasin d’électronique, de télés et de systèmes de son de Trois-Rivières) et Sony. L’Italien, surnommé le “gorille de Monza” et qui a un style de pilotage agressif, incisif et hyper spectaculaire, se qualifie au neuvième rang.
Brambilla profite de la présence d’un retardataire pour gagner
C’est Depailler qui inscrit la pole position en 1’05”3 à bord d’une March 75B de l’écurie de Doug Shierson. Jarier se qualifie en seconde position aux commandes d’une Chevron B-29 de Fred Opert. Un jeune espoir québécois, Gilles Villeneuve, place sa March 75B privée en troisième place sur la grille de départ devant l’Américain Tom Klauser et Dolhem.
Avant la course, Depailler est toutefois victime d’une touchette avec un muret en béton. Il ne peut pas prendre le départ avec cette monoplace endommagée et l’écurie loue celle de Tom Cooper. Ce changement de voiture oblige Depailler à prendre le départ depuis la dernière place sur la grille.
Après le départ donné devant une foule de 30 000 spectateurs, Jarier prend la tête, pourchassé par Brambilla. Les deux ne se lâchent pas. Après avoir parcouru quatre tours, Depailler s’arrête à son puits et abandonne, jugeant la voiture trop délicate à piloter. Un drôle d’incident survient au 12e tour quand un officiel déploie par erreur le drapeau rouge… Après un bref arrêt, la course redémarre.
La lutte entre Jarier et Brambilla reprend. Villeneuve roule en compagnie des meneurs, mais est pourchassé par Jaussaud. Au 46e tour, aux prises avec des ennuis de freins qui ont commencé dès le début de l’épreuve, Villeneuve touche au muret de protection du virage 2. Le choc casse un élément de la suspension, ce qui cause l’abandon du Québécois.
Avec seulement deux tours à parcourir, Jarier tente de doubler un retardataire, le Canadien Peter Ferguson qui, de toute évidence, ne l’a jamais vu derrière lui. Jarier donne un coup de volant pour l’éviter et se retrouve très large dans un virage, ce qui permet à Brambilla de le doubler et de prendre la tête.
Brambilla remporte la victoire après 60 tours de course. Jarier se classe second, déçu. « J’ai eu affaire à un pilote inexpérimenté qui ne s’est pas servi de ses rétroviseurs » déclare Jarier. Jaussaud termine en troisième place devant José Dolhem.
L'Italien empoche la bourse du vainqueur, la somme de 10 000$, puis, est immédiatement escorté par la police trifluvienne vers l’aéroport de Trois-Rivières en compagnie de Jarier et Depailler. Ces trois pilotes doivent filer vers Montréal, prendre un vol vers l’Europe pour participer au Grand Prix d’Italie tenu quelques jours plus tard à Monza.