Si trois pilotes de nationalité allemande ont dominé la Formule 1 depuis les trois dernières décennies, ce ne fut pas le cas avant leur arrivée en Grand Prix.
Car entre 1992 et 2023, les Allemands ont brillé en F1. Michael Schumacher a récolté 91 victoires durant cette période, son frère Ralf en a obtenu six, Nico Rosberg a gagné 23 fois et Sebastian Vettel a gagné à 53 reprises. Cela nous donne un total de 173 victoires germaniques.
Cependant, avant cette période faste, les Allemands s’étaient très peu illustrés en Championnat du monde moderne. Rolf Stommelen, Hans Joachim Stück, Christian Danner parmi les plus connus n’ont jamais gagné. Seul Jochen Mass qui a réalisé l’exploit en signant une seule victoire en 1975 en Espagne.
Pourtant, au début des années 1980, deux pilotes allemands commençaient à vraiment faire parler d’eux. Les deux avaient accédé à la Formule 1 tout en poursuivant leur carrière en Endurance en courant pour Porsche. Il s’agit de Manfred Winkelhock et de Stefan Bellof. Étrange similitude.
Malheureusement, les deux ont perdu la vie à seulement quelques semaines d’intervalle au cours de ce sombre été 1985. Winkelhock s'est tué ici au Canada le 12 août tandis que Bellof nous a quitté en Belgique le 1er septembre. Les deux, et spécialement Bellof, représentaient un bel espoir de réussite en F1 pour l’Allemagne. Quoi que de talents forts différents, les deux étaient hyper courageux et semblaient être insensibles aux dangers.
Sortie de piste fatale dans le virage 2
En 1985, Winkelhock pilotait en F1 pour l’écurie Skoal Bandit à bord d’une pataude, fragile et inefficace RAM à moteur Hart. Son meilleur résultat était une 12e place acquise au Grand Prix de France. Milieu août, Manfred arrive à l’aéroport de Toronto en direction du circuit de Mosport pour participer à une manche du Championnat du monde des voitures de sport, les 1000 km de Mosport. Il est inscrit sur une Porsche 962C des frères Kremer aux côtés d’un autre pilote de F1, le Suisse Marc Surer. Le duo s’était déjà imposé à Monza en Italie le 28 avril.
Peu après la mi-course, Winkelhock prend le relais de Surer. Au 69e passage, à l’approche du redoutable virage 2 hypoer rapide et en descente, la Porsche n’est plus sur la bonne trajectoire, file tout droit vers le muret en béton qu’elle percute à haute vitesse. Ce muret, retenu par un talus de terre, n’absorbe aucune énergie en cas d’impact. L’accident aurait été provoqué par une soudaine perte de pression d’air dans le pneu avant droit de la Porsche juste avant de négocier ce virage..
La course est stoppée au drapeau rouge. Manfred Kermer et un de ses mécaniciens sautent dans une voiture de rue et prennent la piste en direction du lieu de l’accident. L’avant de la Porsche est plié vers le haut et il est impossible d’ouvrir les portières. Il faut 56 minutes aux équipes d’intervention pour extraire Winkelhock, très mal en point. De toute évidence, sa tête a cogné le haut de la cage de sécurité et son casque n’a pu le protéger. Évacué à l’hôpital, Winkelhock est décédé le lendemain d’une grave hémorragie intracérébrale.
Deux semaines plus tard, un autre pilote allemand, fort prometteur, a lui aussi perdu la vie à bord d’une Porsche au cours d’une autre manche du Championnat du monde des voitures de sport. Un fait tristement ironique.
Sortie de piste mortelle dans Eau Rouge
Cet autre Allemand est Stefan Beloff. Pilote de l’écurie officielle Rothmans Porsche en Endurance, Beloff a remporté trois victoires en 1983. Son incroyable talent éclate au grand jour quand il réalise le tour le plus rapide de l’histoire du terrifiant Nordschleife du Nürburgring à bord d’une Porsche 956 en 6’11”130, record qui ne sera battu que 35 ans plus tard !
En 1984, il effectue ses débuts en F1 avec l’écurie Tyrrell. Il continue de courir en Endurance. Il récolte six victoires et est sacré champion.
Beloff a impressionné en F1 en 1984 et terminant troisième au Grand Prix de Monaco sous le déluge au volant d’une petite Tyrrell-Ford derrière Alain Prost et Ayrton Senna. Il était clairement le plus rapide en piste quand la course fut stoppée.
En 1985, Bellof se concentre sur la F1, d’autant qu’il va enfin piloter une Tyrrell à moteur Renault turbo. Fin août, il est associé à un autre pilote de F1, le Belge Thierry Boutsen, à bord d’une Porsche 956B de l’écurie suisse Brun pour disputer les 1000 km de Spa-Francorchamps.
Bousten prend le départ de la course, puis cède le volant à Bellof. Un peu plus loin dans les puits, Jochen Mass laisse le volant de la seconde Porsche Rothmans 962C à Jacky Ickx.
Si Ickx mène avec une petite avance, Bellof le rattrape rapidement. Toutefois, le Belge rend sa Porsche très large et rend toute tentative de dépassement du jeune Allemand assez ardue.
Au début du 75e tour, Bellof tente de doubler Ickx par la gauche avant de négocier la cuvette d’Eau Rouge. Ickx prend sa tractoire normale et touche à la Porsche de Bellof. Les deux voitures sortent de la piste.
Le bolide d’Ickx tape les rails sans trop de dommages tandis que celui de Bellof percute directement un coin en béton formé par l’endroit où se rejoignent deux tribunes de spectateurs. L’avant de la Porsche Brun est complètement écrasé et la coque doit être découpée afin d’en extraire le pauvre Bellof, tué sur le coup.
En seulement 18 jours, l’Allemagne venait de perdre deux de ses meilleurs pilotes.