Cinquante ans après sa dernière présence aux 24 Heures du Mans comme équipe officielle, 58 après sa dernière victoire au général sur le fameux Circuit de la Sarthe, Ferrari repart avec les grands honneurs au terme de l'édition 2023 disputée ce week-end. Alessandro Pier Guidi a signé le 342ème tour, au terme de 24 heures 0 minute et 18,199 secondes de lutte acharnée au volant de la Ferrari 499P No.51 qu’il partageait avec James Calado et Antonio Giovinazzi. Il s’agit tout de même des 24 Heures du Mans les moins longues en distance depuis 2001 et de six tours (17 km) de moins que ce qu’avait accompli Jochen Rindt et Masten Gregory lorsqu’ils ont imposé une Ferrari lors de l’édition 1965 !
Invaincu depuis 2018, le Toyota Gazoo Racing a dû se contenter de la deuxième place avec la GR010 No.8 de Buémi-Hartley-Hirakawa, à 1’21,793 tandis que la Cadillac V-Series.R de Bamber-Lynn-Westbrook complète le podium général et de la catégorie Hypercar, un tour derrière.
Fait à noter, c’est la première fois que deux voitures de manufacturiers rivaux terminent sur le tour des vainqueurs depuis le début de l’ère WEC des 24 Heures, en 2012. En fait, c’est peut-être ce que tentaient les officiels de l’Automobile Club de l’Ouest et du Championnat du monde d’endurance de la FIA (WEC) en choisissant d’utiliser la procédure de la neutralisation généralisée sur tour complet (full course yellow) plutôt que d’utiliser trois voitures de sécurité installées par secteur le long du circuit.
Voulant profiter de son édition du centenaire (l’épreuve a été créée en 1923 mais il s’agissait cette année de la 91ème édition) pour innover, les officiels au Mans ont voulu tenter un rapprochement avec les procédures de gestion de course en vigueur en Amérique comme les neutralisations généralisées - et les départs regroupés qu’elle permettent - afin d’améliorer les chances et offrir des fins de course enlevantes et serrées. Mais celles-ci jurent avec la tradition en endurance, qui plus est sur un circuit de 13,626km.
Cette procédure annule les écarts souvent durement gagnés par les meneurs et ralentit énormément le déroulement de la course, tant pour les participants que les spectateurs. C’est ainsi que malgré une météo somme toute favorable et seulement quelques averses avant le départ puis durant la nuit, ce qui a permis aux Peugeot 9X8 de prendre la tête et bien paraître avant de voir les soucis mécaniques les rattraper au lever du jour, l’édition 2023 des 24 Heures du Mans sera celle où les gagnants auront couvert le moins de tours depuis les 321 tours, presque tous disputés dans l’intense pluie, de l’édition 2001.
62 équipages étaient au départ d’une course qui n’a pas manqué de rebondissements mais aussi d’incidents. Le ton était donné dès le premier tour quand Jack Aitken encastrait la Cadillac No.311 du Action Express Racing dans le rail de sécurité à la première chicane des Hunaudières, déclenchant une longue séquence de neutralisation complète qui allait dépasser les 35 minutes, le temps de réparer la glissière endommagée. Les neutralisations tant complètes que partielles (slow zones devant être négociées à 80 km/h) allaient s'enfiler pendant le premier tour d’horloge, causant ralentissement et de nombreux accidents. C’est justement lors d’un enchaînement de deux zones lentes qu’après à peine 90 minutes de course, Sébastien Bourdais se faisait emboutir à haute vitesse par un pilote amateur comprenant mal les procédures de ces zones, nuisant ainsi aux chances de triomphe de la Cadillac No.3 au volant de laquelle Bourdais avait pourtant signé le temps le plus rapide et qui allait tenir près de 20 heures !
Toyota a aussi perdu la GR010 Hybrid No.7 dans les mêmes conditions, Kamui Kobayashi se faisant heurter violemment par une Ferrari 488 GTE et une LMP2 au moment où il entrait dans une zone lente durant la nuit. Une nuit fertile en sorties de piste, dans toutes les catégories, ainsi qu’à différents bris mécaniques, surtout du côté des Porsche 963.
Cela dit, et malgré les incidents de Aitken puis Bourdais, les Américains de chez GM ont semblé bien profiter des procédures de neutralisation en décrochant également les troisième et quatrième places au général (les Cadillac ont aussi été très fiables, en route vers le premier podium de leur histoire au Mans) et la victoire en GTE pour la Corvette C8.R de Catsburg-Keating-Varrone qui ont accompli 313 tours. Avant cela, c’est la Porsche du trio féminin Iron dames (Sarah Bovy, Rahel Frey, Michelle Gatting) qui semblait filer vers la victoire et qui se contente finalement de la 4ème place des GTE.
Chez les LMP2, c’est l’équipage polonais Inter Europol de Śmiechowski-Costa-Scherer qui l’a emporté au volant de son Oreca-Gibson. Le trio a bouclé 328 tours et fini 10ème au général.
En plus des changements dans les procédures de voiture de sécurité, la main insistante des officiels s’est aussi fait sentir avec la controversée décision d’ajuster la balance de performance de toutes les Hypercar, ce qui a laissé la Toyota avec 16 kilos de plus que la Ferrari. D’ailleurs, le directeur sportif de Toyota Gazoo Racing Pascal Vasselon ne s’est pas fait prier pour faire entendre son mécontentement à l’arrivée au micro de la chaîne L’Équipe 21. Selon les calculs de son équipe, la différence de poids aurait coûté 2’30 aux Toyota sur la durée de la course alors qu’ils n’ont été battus que par 1’21. Un écart favorable aux Ferrari, certes bon pour le spectacle mais somme toute un peu artificiel.
Reste que la sortie de piste de Ryo Hirakawa au virage d’Arnage avec un peu plus de 90 minutes à faire a davantage saboté les efforts de l’équipe qui avait remporté les 5 dernières éditions sans grande concurrence. L’écurie a su remplacer l’avant et l’arrière de la carrosserie de la Toyota en un temps record mais l’avantage d’Antonio Giovinazzi au volant de la Ferrari de tête passait quand même de 16 secondes à 3’20” suite à cet incident, ce qui laissait la No.8 tout juste sur le même tour que la voiture gagnante.
Le pari gagnant de Ferrari a cependant bien failli échouer avec 24 minutes à faire, lors du dernier ravitaillement, quand l’Hypercar rouge a refusé de quitter les puits. Mais un redémarrage des systèmes électroniques a finalement permis à Pier Guidi de repartir et rester en tête jusqu’au terme des deux tours d’horloge un peu courts, lents et confus… mais quand même intensément disputés.
Au total, 40 des 62 équipages ont franchi la ligne d’arrivée. La Camaro NASCAR du Hendrick Motorsports pilotée par Jimmie Johnson, Mike Rockenfeller et Jenson Button est classée 39ème. Elle occupait la 2ème place du peloton des GT quand il a fallu effectuer un changement de boîte de vitesses avec un peu moins de 4 heures à parcourir.
Parmi les abandons, on retrouve la Porsche No.16 / Proton Competition du Québécois Zach Robichon. Son coéquipier Ryan Hardwick a été heurté par une autre Porsche, de l’écurie Iron Lynx, dès la 3ème heure de course. L'équipage a dû abandonner suite à cet incident. Pour le classement final, cliquez ici.