Né en 1939 d’une famille de fermiers bien nantis, Yarborough démontre très tôt ses capacités à réussir dans tout ce qu’il entreprend, à l’école comme dans tous les sports qu’il touche : boxe, football au niveau semi- professionnel, et surtout le pilotage en course sur terre battue dès ses débuts.
Il fit aussi de la politique. En 1972, Yarborough devient le premier politicien républicain à gagner une élection dans le Florence County Council depuis la Reconstruction (l'orientation du Président Abraham Lincoln qui visait à assurer rapidement le rétablissement de l'unité du pays après la guerre civile, en favorisant une politique d'amnistie à l’élite du Sud; le projet est encore en cours du temps du Président Lyndon Johnson et de ceux d’aujourd’hui). Lors de l’élection présidentielle de 1976, Yarborough supporte son vieil ami, Jimmy Carter. Il est aussi réélu cette même année au Conseil de Comté, cette fois au sein du parti démocrate, celui de Carter.
Cale débute sa carrière en NASCAR au sommet de la pyramide, en série Grand National en 1957, à l’âge de 18 ans, et ce sans avoir fait son apprentissage dans les catégories plus basses. Au cours de 31 années au plus haut niveau de NASCAR, il accumule 85 victoires en 650 courses, 255 Top 5 et 319 Top 10, trois titres de champion pilote (1977-78-79) et 69 poles, dont 14 en 1980. Ajoutez à cela 4 victoires au Daytona 550 et on comprend bien qu’il s’agissait d’une combinaison de talent inné, de combativité et d’une force irrésistible.
Cale fit aussi partie du trio de pilotes qui lancent la couverture des courses NASCAR en direct au réseau CBS, produisant une fin de course trépidante au Daytona 500 en 1979. Alors que lui et Bobby Allison amorcent le dernier tour, ils s’accrochent et s’arrêtent avant de finir ce dernier tour. Alors que Cale et Bobby se bataillent au bord de la piste dans le virage 4, Richard Petty complète ce dernier tour et gagne la course devant Donnie Allison, le frère de Bobby. Tout cela se déroule à la télé en direct au réseau CBS lors de cette toute première retransmission d’une course NASCAR complète en direct. Le public adore le spectacle : des vitesses de fou, des incidents intentionnels, des explications à deux puis à trois – tout est là pour créer la légende et évoluer vers la couverture complète d’aujourd’hui.
Cale participa aussi de 1966 et 1972 à quatre courses en série United States Auto Club (USAC), des monoplaces approchant les 800 chevaux à l’époque et dont le fleuron est encore les 500 milles d’Indianapolis, où on se qualifiait lors de sa participation à des vitesses moyennes de l’ordre de 195 milles/h. Les NASCAR se qualifiaient quant à elles à 160 milles/h de moyenne sur l’ovale de Daytona.
Participer aux 24 Heures du Mans, qui à l’époque comptaient encore la ligne droite des Hunaudières, longue de 6,2 km, sans les chicanes que l’on voit aujourd’hui était donc un défi qui avait tout pour plaire à Cale Yarborough… mais avec quelle voiture ?
La Camaro No.35, un air menaçant !
La Camaro a l'air d'avoir été trouvée sur le bord d'une piste ovale américaine et déposée dans le paddock du Mans, au milieu des élégantes Lola, des Ferrari étincelantes et de quelques prototypes Porsche, larges favoris et qui ressemblent à des gouttes d'eau horizontales en comparaison de la Camaro GTO ! Hurley Haywood, le pilote hautain de Jacksonville, en Floride, a un mot à la bouche : « C’est de la camelote » dit-il en entrevue dans le paddock du Mans. En apparence, Haywood a tout à fait raison, mais le jugement est trop facile. Plusieurs Européens ne voient pas la différence entre une camelote et une voiture non conventionnelle, axée sur la performance comme cette Camaro, descendante directe d'une longue lignée de voitures de course : trapue et large d'épaules, nez bas et queue haute.
La Camaro de Cale Yarborough pèse 1067 kilos et utilise un moteur Chevrolet 350 alésé à 393 pouces cubes qui développe 600 chevaux. C’est conservateur et fiable. La carrosserie repose sur un châssis multitubulaire acheté de fabricants spécialisés qui comprennent l'adéquation rigidité - flexibilité de façon intuitive, alors que les fabricants courant des voitures Cup y travaillent encore avec leurs outils de conception et de simulation. Les voitures sont créées à la main, on ne retrouve aucune pièce de série sur cette machine.
Au début des années 1980, des centaines de voitures similaires roulent chaque weekend sur des dizaines de pistes ovales en bitume ou en terre battue. La préparation varie selon la classe et les budgets, de quelques modifications pour les pilotes amateurs à des voitures professionnelles avec cage protectrice, réservoir d’essence qui résiste aux gros chocs, freins, suspensions et pneus spécialisés.
La No.35 est inscrite en catégorie Grand Touring Over (GTO) avec des moteurs limités à 2,5 litres en série IMSA, une filiale de NASCAR qui s’occupe des activités sur circuit routier. Les voitures de ce type jouissent souvent d’une préparation professionnelle et ses pilotes savent donner un spectacle intéressant, ponctué de sonorité, de poussettes et de travers impressionnants. Mais au Mans, là où les Porsche 908 ou 936 dominent encore pour un an avant l’avènement du fameux Groupe C et ses prototypes à effet de sol, la Camaro du trio Cale Yarborough, Billy Hagan et Bill Cooper semble bien esseulée. Au sein de la catégorie GTO, on retrouve aussi deux Mazda RX7 officielles et une Porsche 924 Carrera GTR qui apparaît comme la large favorite de la catégorie, étant préparée par l’équipe officielle de Stuttgart.
Cette Porsche 924, pilotée par Manfred Schurti et Andy Rouse terminera d’ailleurs 11ème au général d’une course remportée par Jacky Ickx et Derek Bell (Porsche 936 Turbo). On est bien loin des ambitions de l’équipe Stratagraph, nom choisi par Billy Hagan, dont les pilotes s’apprêtent maintenant à découvrir le circuit au milieu de 54 autres concurrents…
Demain sur poleposition.ca : Partie 3 - Ce si long circuit à apprendre en quelques tours !
Pour la partie 1 (publiée hier) de cet article, cliquez ici.