Le monde de la Formule 1 bien l’intention de bannir l’utilisation de couvertures chauffantes pour les pneus dès la saison prochaine. Si les couvertures chauffantes électriques sont jugées essentielles et employées dans plusieurs catégories de sport automobile aujourd’hui, c’est en Formule 1 qu’elles ont fait leur apparition au milieu des années 1980.
La première tentative destinée à chauffer à l’avance des pneus de compétition en F1 est survenue ici au pays lors du Grand Prix du Canada de 1974, présenté sur le circuit de Mosport Park en Ontario le 22 septembre.
Ce week-end-là, la météo n’est pas très favorable et le mercure atteint à peine la quinzaine de degrés. Les équipes craignent que les pneus ne montent pas assez vite en température et qu’ils risquent de déjanter.
L’écurie McLaren décide de chauffer artificiellement ses pneus en les entreposant dans un box fermé et surchauffé. Toutefois, une fois installés sur une voiture, ils refroidissent très vite et perdent leur efficacité. Les mécanos songent alors à “emprunter” des couvertures de l’hôtel où ils logent et s’en servir pour envelopper les pneus chauds et les transporter sur la grille de départ de la course au dernier moment.
Dimanche, le mercure flirte avec les 10 degrés… Profitant de cet avantage, Emerson Fittipaldi, au volant d’une McLaren-Ford, remporte le Grand Prix du Canada…
Huit ans plus tard, en 1982, Gordon Murray de l’écurie Brabham songe à réintroduire les arrêts aux puits en F1 afin de faire ajouter du carburant dans la voiture et faire monter un train de pneus neufs vers la mi-course. Mais pour que cet arrêt procure un réel avantage, il faut que les pneus neufs soient déjà chauds.
Un BBQ à pneus
Murray et son équipe mettent alors au point un four à pneus, constitué d’un grand coffre en contreplaqué pouvant accueillir deux pneus arrière et deux pneus avant glissés sur un poteau central. Un chauffage au gaz est fixé au plancher du coffre avec une cheminée d’évacuation au sommet. Une porte permet d’empiler les pneus et les retirer. Des orifices sont percés à l'opposé de chaque pneu pour permettre l’introduction d’une sonde afin de vérifier la température de la gomme. Murray avoue candidement que l’équipe a souvent trop fait “cuire” les pneus en effectuant des essais.
Quelques années plus tard, en octobre 1985, un grand amateur de F1 est assis dans les gradins du circuit de Brands Hatch pour assister au Grand Prix d’Europe. Il fait froid et bien des pilotes se plaignent de ne pas arriver à faire chauffer leurs pneus en piste. Lorsqu’il fait chaud, certaines écuries futées enveloppent les pneus dans des sacs de poubelle en plastique noir et les laissent au soleil. Mais à Brands Hatch, il fait froid et d’épais nuages gris bouchent le ciel.
Ce spectateur attentif est Mike Drury, patron de l’entreprise de vêtements MA Home au Royaume-Uni. Il constate que plusieurs écuries enveloppent les pneus dans des couvertures comme McLaren l’a fait au Canada en 1974. Puisque sa compagnie de textile travaille avec du duvet et des isolants pour fabriquer des anoraks et des vestes imperméables, il a l’idée de proposer ses services aux écuries de F1.
Cependant, il a une idée géniale pour faire monter les pneus à la bonne température de fonctionnement. Ses couvertures auront la dimension exacte des pneus et seront chauffés par une alimentation électrique de 240 volts et dotées d’un contrôle de la température. Ceci permettra aux couvertures de préchauffer les pneus et de conserver la gomme à une température située entre 80 et 100 degrés jusqu’au moment où les pneus seront installés sur les voitures.
C’est l’écurie Williams qui en profite la première au Grand Prix d’Espagne en 1986. Nigel Mansell, qui mène la course, a du mal à maîtriser sa Williams qui a complètement usé ses pneus. Il rentre aux puits avec 10 tours à parcourir et l’écurie lui fait monter des pneus préchauffés avec les couvertures électriques de Drury. De retour en piste avec des pneus très adhérents, Mansell remonte de la cinquième à la seconde place derrière Ayrton Senna et sa Lotus-Renault. Mansell harcèle le Brésilien qui ne commet aucune erreur. À l’arrivée, l’écart qui sépare les deux bolides n’est que de 0”014 !
Quelques jours plus tard, le Team Lotus devient le second client de Drury. Rapidement, toutes les écuries se munissent de ces couvertures chauffantes et la mode s’étend ensuite aux autres catégories qui permettent ce genre d’équipement.