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L’histoire des projets de courses automobiles sur l’île Ste-Hélène à Montréal

L’histoire des projets de courses automobiles sur l’île Ste-Hélène à Montréal

Jeudi 27 avril 2023 par René Fagnan
Crédit photo: Google Maps/Expo 67

Crédit photo: Google Maps/Expo 67

Bien avant la construction d’un circuit automobile de Formule 1 sur l’Île Notre-Dame à Montréal, quelques projets de circuits ont été étudiés sur une autre île du Saint-Laurent face au centre-ville de Montréal, l’île Ste-Hélène.

Un peu d’histoire maintenant. À l’origine, il n’y avait qu’une seule île majeure en face du centre-ville de Montréal et qui faisait partie de l'archipel d'Hochelaga. C’était l’île Ste-Hélène. L’autre île, appelée Notre-Dame, est artificielle, et fut construite en 1965 avec du matériau de remblai provenant initialement du dragage du fleuve, de terre provenant de l’excavation du métro et des carrières de la région.

À la fin des années 1950, le seul circuit automobile situé près de Montréal était celui de St. Eugene en Ontario. Le circuit du Mont-Tremblant n’est encore qu’une vague idée.

Le journaliste André Trudel du quotidien La Presse dévoile en novembre 1962 qu’une course automobile sera organisée sur l’Île Ste-Hélène de Montréal en 1963. Puis, dans son édition du 16 mars 1963, le journal Le Devoir ajoute que la piste automobile de 2,1 milles (3,38 km) et qui pourra accommoder 75 000 spectateurs sera construite sur l’Île Ste-Hélène.

Elle sera l’œuvre de Grand Prix de Montréal Inc., un syndicat dirigé par Hubert Aquin, alors réalisateur de films et de documentaires. Les directeurs sont l’avocat Willibrord Gauthier, Norm Namerow et Jacques Duval. Aquin a réalisé un film sur la course automobile à Mosport Park en Ontario et est tombé en amour avec ce sport. On apprend que les travaux débuteront au début de 1964 et que la première course, le Grand Prix de Montréal, sera présenté en septembre 1964.

Aquin avait d’abord songe à un tracé qui aurait serpenté autour du Mont-Royal, mais avait repoussé cette idée à cause de la présence des hôpitaux Royal Victoria et Montreal General.

Lors d’une conférence de presse tenue au restaurant Hélène de Champlain en avril et à laquelle assiste Luigi Chinetti [trois fois vainqueur des 24 Heures du Mans et représentant de la firme Ferrari en Amérique du Nord], on dévoile que le circuit utilisera les voies déjà asphaltées, mais que certaines portions seront élargies et les courbes seront inclinées par mesure de sécurité. Les estrades seront érigées à l’intérieur de la piste. Norm Narmerow prédit une vitesse moyenne de 85 m/h (137 km/h) et une vitesse maximale de 130 m/h (210 km/h). Ce dernier ajoute que les estrades et les puits seront démontables et aux frais des organisateurs.

Deux semaines plus tard, La Presse ajoute que la course est prévue pour le 22 septembre 1963, soit une semaine après la grande course habituelle de Mosport Park, et que sa présentation a été approuvée à l’unanimité par le comité exécutif de la cité de Montréal [sic] et qu’elle sera sanctionnée par le CASC [qui représente la FIA]. "Ce sera l’occasion de voir en action Masten Gregory, Innes Ireland, Jo Bonnier, Graham Hill, Phil Hill et Dan Gurney" peut-on lire.

On apprend aussi que les organisateurs devront obtenir un amendement à la Loi des véhicules automobiles qui ne permet pas de dépasser la vitesse de 15 m/h (24 km/h) sur l’île. Cette requête qui semble être bien anodine va toutefois causer un énorme problème.

Déjà des doutes...

Une semaine plus tard, on apprend qu’André Champagne, directeur du service des parcs à la Ville de Montréal, s’occupe de faire lever la limite de vitesse maximale par la province de Québec. Mais presqu’en même temps, le journal rival de La Presse, le Montréal-Matin, publie un texte le 17 avril (1963) dans lequel on met en doute la faisabilité du projet.

L'article évoque le mutisme des administrateurs municipaux. Le journal affirme que Lucien Saulnier, président du comité exécutif, n’est pas au courant du projet alors que le maire Jean Drapeau est lui, en contact avec les organisateurs depuis deux mois. "Même s’il ne l’a pas affirmé ouvertement, Saulnier ne verrait pas cette course d’un bon œil" peut-on lire.

Quelques semaines plus tard, on apprend que la limitation de vitesse n’a pas pu être relevée et que le projet est abandonné. Il y a fort à parier que des dissensions au sein de l’administration de la ville ont ruiné les efforts des organisateurs.

Un nouveau projet

En octobre 1967, le 23 pour être précis, La Presse parle d’un nouveau projet de course automobile sur l’Île Ste-Hélène, mais qu’il s’agit cette fois d’y présenter le Grand Prix du Canada ! La première course canadienne de Formule 1 vient tout juste d’avoir eu lieu à Mosport Park.

Dans cet article, John Ross, président de Canadian Motoring Consultants et dessinateur de la piste du Mont-Tremblant, déclare : « La FIA a permis au Canada d’avoir son Grand Prix qui a eu lieu cette année à Mosport. Mais le CASC veut une alternance entre deux pistes et Mosport ne peut présenter la course qu’une année sur deux. Cette piste serait Montréal, car celle de St-Jovite n’est pas assez bien située et équipée pour cela ».

Ross ajoute : « L’île représente l’un des emplacements les plus remarquables pour y aménager une piste de course de Formule 1 Grand Prix. L’île demeurerait inchangée puisqu’on suivrait le tracé actuel en y apportant les seules modifications nécessaires et règlementaires ».

On parle cette fois d’un tracé de trois milles (4,8 km) et, c’est très drôle, d’un "projet rentable". Selon les nouveaux organisateurs, le coût du projet serait, dès la première année, compensé par les revenus. Ainsi, une somme de 1 560 000$ serait investie pour la construction de la piste, la publicité et autres alors que les revenus étaient estimés à deux millions de dollars. "Dès la seconde année, on prévoit des profits de 700 000$ et même d’un million de dollars la troisième année" peut-on lire dans cet article. Quelques années plus tard, le même argument sera servi concernant l'organisation des Jeux olympiques de 1976...

Ce second projet de Grand Prix sur l'Île Ste-Hélène est aussi tombé à l’eau et on sait que le circuit du Mont-Tremblant a accueilli le Grand Prix du Canada en 1968 et 1970 en alternance avec Mosport en Ontario. La F1 est revenue au Québec en 1978 sur un circuit construit sur l'île d'en face, site de l’Expo 67, l'Île Notre-Dame.