L’écurie française de Formule 1 Ligier a créé l’émoi et la stupéfaction en remportant la victoire lors des deux premiers Grands Prix de la saison 1979.
À titre comparatif, c’est un peu comme si une écurie comme Alpine ou Alfa Romeo avait réalisé des doublés lors des deux premiers Grands Prix de cette année !
En ce début de 1979, les grosses équipes à surveiller sont Ferrari, Lotus, Williams et Brabham. Cependant, ces écuries font rouler leurs bolides de la saison précédente, car les nouvelles voitures ne sont pas encore prêtes.
L’équipe de Guy Ligier, basée à Abrest dans la Nièvre, a beaucoup investi pour cette saison 1979. Pour la première fois de son histoire, elle inscrit deux monoplaces et abandonne le moteur V12 Matra en faveur du V8 Cosworth DFV. La JS11 est d’une finition irréprochable. Ses pilotes sont Jacques Laffite et Patrick Depailler, deux Français qu’on avait vu courir en Formule Atlantique au Grand Prix de Trois-Rivières en 1977.
« La voiture JS11 avait été conçue par Gérard Ducarouge, Michel Beaujon et surtout Paul Carillon [un transfuge de Matra Sports] qui était un concepteur de génie. Nous passions d’un V12 à V8. L’empattement était donc plus court, et la voiture était plus violente à conduire à cause de l’effet de sol et du moteur Cosworth qui vibrait beaucoup » nous raconte Éric Lauger, Québécois d’adoption et qui était membre de l’équipe Ligier durant cette période.
« L’équipe complète comptait 85 personnes. C'est peu, car on faisait trois voitures et toutes les pièces, sauf le moteur. Nous avions des machinistes de très grand talent. Il n’y avait pas de machines numériques automatisées comme aujourd’hui. Tout était fabriqué à la main ».
Comme la plupart des autres équipes de F1, Ligier s’est rendue effectuer des essais en Argentine et au Brésil pour préparer le début de la saison, mais la plupart des essais hivernaux ont été réalisés sur le circuit Paul-Ricard dans le sud de la France « parce que c’était proche, sécuritaire et que la météo était habituellement assez clémente » ajoute Lauger.
Durant les essais, les ingénieurs ont une idée brillante. « Les gars se sont procurés des chambres à air de pneus. Ils les ont ouvertes en deux et placées dans le bas des jupes afin de les rendre plus souples et qu’elles procurent une meilleure étanchéité. La voiture est devenue plus performante » précise Lauger.
La grande surprise du début de saison
« Nous sommes donc partis pour la première course en Argentine prévue le 21 janvier. Nous savions qu’on allait être bien, mais pas qu’on serait aussi dominateur… Le premier Grand Prix de la saison, c’était une véritable loterie. Personne ne connaissait le véritable niveau de performance des rivaux » ajoute-t-il.
Et c’est la stupéfaction. Jacques Laffite décroche la pole position devant Patrick Depailler. Les Ligier JS11 monopolisent la première ligne de départ. En course, Depailler mène durant les 10 premiers tours, puis Laffite le double et s’envole avec la victoire. Depailler termine quatrième. « Patrick a un problème d’allumage, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Sans cela, on aurait signé un doublé » raconte Lauger.
Deux semaines plus tard au Brésil, il fait très chaud et les JS11 sont parfaitement à l’aise sur le très long circuit de presque six kilomètre fait de grandes courbes très rapides où leur puissant effet de sol fait mes miracles. Laffite se qualifie devant Depailler, encore une fois, et la course se résume à une balade des JS11 avec un doublé Ligier et une autre victoire pour Laffite.
« Nous étions contents. Nous savions que nous allions connaître une bonne saison. Les autres écuries, surtout britanniques, se posaient des questions. “C’est qui ces Français?” Et si nos rivaux avaient vu où on faisait les autos ! Le garagiste du coin était mieux équipé que nous ! » rigole Lauger.
Guy Ligier était resté en France et avait assisté aux deux victoires de ses voitures dans les studios de TF1. « Guy avait réservé la fanfare du musée des beaux-arts pour nous accueillir à Orly à notre retour du Brésil. Mais puisque le vol avait une heure de retard, Guy a payé l’apéro à tout le monde ! Je ne vous dis pas l’état de la fanfare ! Le soir, on a eu droit à un banquet somptueux au Lido. On en est ressorti à six heures du matin ! » raconte Lauger.
« On y croyait au championnat, mais on a gardé la tête froide. Ce n’étaient que les deux premières courses de la saison. Par la suite, on a connu des ennuis et les autres écuries nous ont rattrapé » termine Lauger.
En effet, par la suite, Laffite a connu huit abandons en 13 courses. Depailler a eu son gros accident de deltaplane après Monaco et a été remplacé, sans succès, par Jacky Ickx qui a connu six abandons en huit courses.