S’il existe un tour de piste phénoménal, un tour de piste ultra spectaculaire dans l’Histoire de la Formule 1, on affirmer sans crainte de se tromper qu’il s’agit de celui effectué par le Brésilien Ayrton Senna au début du Grand Prix d’Europe en 1993.

En 1993, Senna était vraiment peu enthousiasmé à piloter une McLaren qu’il jugeait être nettement inférieure aux bolides de ses rivaux. Il a d’ailleurs fallu que Ron Dennis se montre très insistant et incroyablement convainquant pour faire asseoir le Brésilien dans cette McLaren MP4-8 à moteur Ford client alors qu’Alain Prost et Damon Hill étaient aux commandes de redoutable Williams FW15C Renault.

Senna se savait nettement et clairement désavantagé avec cette McLaren, mais savait aussi qu’il parviendrait à tirer son épingle du jeu si certaines courses étaient disputées sur des circuits très sinueux ou dans des conditions climatiques difficiles.

Le Grand Prix d’Europe de 1993 est présenté sur le circuit de Donington au Royaume Uni. Un tracé court, sinueux et sans véritables lignes droites. Ce fut le seul Grand Prix de F1 moderne à avoir été disputé sur ce tracé.

Lors des qualifications, Prost signe la pole position tandis que Senna réalise le quatrième meilleur chrono, toutefois relégué à 1”649 de son rival Français. Le jour de la course, le 11 avril, il règne un climat typiquement britannique sur Donington avec de la pluie, du temps frais et un peu de brouillard.

Très à l’aise sous la pluie, Senna sait qu’il peut effectuer une belle course. Il l’avait déjà clairement démontré en karting, en Formule Ford, en Formule 2000 et en F3 au Royaume-Uni. Il faut aussi se souvenir de sa course spectaculaire à bord de sa Toleman-Hart sous le déluge dans les rues de Monaco en 1984 et de sa première victoire en F1 décrochée sous la pluie à Estoril au Portugal en 1985 aux commandes d’une Lotus-Renault.

Le circuit de Donington a aussi une place spéciale dans son cœur, car c’est à cet endroit qu’il a effectué son premier essai d’une monoplace de Formule 1 à bord d’une Williams-Ford en 1983.

Un premier tour ahurissant

Au feu vert, Prost prend la tête de la course tandis que Senna se fait tasser par la Benetton-Ford de Michael Schumacher et se retrouve cinquième à l’amorce du premier virage nommé Redgate. Senna conserve l’intérieur du virage et passe devant l’Allemand.

Puis, il emprunte encore la trajectoire extérieure dans le redoutablement rapide virage de Craner et contourne ainsi la Sauber de l’Autrichien Karl Wendlinger.

Deux virages plus tard, il fait fi du nuage d’eau projeté par la Williams de Damon Hill et double le Britannique au freinage au virage McLean's. À peine deux virages plus tard, Senna est nettement en avance sur Hill ! Il rattrape Prost à la vitesse grand “V” et au freinage de l’épingle de Melbourne, la McLaren plonge à l’intérieur et Senna en ressort en tête ! Le premier tour de la course n’est même pas encore complété !

Non seulement est en tête, mais il se sauve du reste du peloton. Après quatre boucles, Senna possède sept secondes d’avance sur Prost. Le Brésilien cherche constamment de l’adhérence et il utilise des trajectoires peu orthodoxes. La piste s’assèche progressivement et Senna s’arrête pour faire installer des pneus slicks. Prost l’imite. Et quand ils reviennent en piste, la pluie recommence à tomber !

À la mi-course, sur une piste qui s’assèche encore une fois, Prost mène avec six secondes de priorité sur Senna. Il recommence à pleuvoir, mais cette fois Senna reste en piste. Prost s’arrête au 48e tour et cale son moteur, car la transmission s’est bloquée. Prost revient en piste en quatrième place et s’arrête de nouveau à cause de ce qu’il croit être une crevaison.

Au 57e tour, Senna veut changer ses slicks pour des pneus pluie, mais sa radio ne fonctionne pas à ce moment-là. Il entre dans la ligne des puits, mais les mécanos de l’écurie McLaren ne sont pas prêts. Puisqu’il n’y avait pas de limitation de vitesse dans les puits à cette époque, Senna roule à fond. Ce passage dans la ligne de puits raccourcit la distance parcourue et il signe le tour le plus rapide en couse, 2”4 plus vite que ses rivaux !

Senna reste en piste, car il ne tombe qu’une bruine fine. Il change de pneus une dernière fois avec 10 tours à faire et croise l’arrivée en première place. Senna a effectué quatre arrêts aux puits contre sept pour Prost.

Après la course, Senna a révélé qu’il avait été très inquiet. En effet, juste avant le départ, l’équipe a découvert que l’outre du réservoir d’essence était percée. À ce moment, il était impossible de faire le plein sur la grille de départ. Même si la fuite était minimale, personne ne savait si Senna avait assez d’essence pour se rendre à l’arrivée. Il a donc changé son style de pilotage, tirant moins de tours sur le moteur, en levant le pied de l’accélérateur bien avant d’arriver dans les virages et en freinant progressivement.

Ayrton Senna a réalisé à cette occasion une course digne des plus grands champions.