Ce n’est pas bien de tricher ! Le géant japonais Toyota a été éclaboussé par un scandale de tricherie en fin de saison du Championnat du monde des rallyes de 1995.
Afin d’abaisser les coûts, de sécuriser les étapes spéciales et de rendre les rallyes mondiaux plus excitants à suivre, la FIA a décidé que pour la saison 1995 du WRC, toutes les voitures munies d’un turbo devaient être équipées d’une bride d’admission. Ainsi, en avalant moins d’air, les moteurs seraient moins puissants, limités aux environs de 300 chevaux.
À ce moment-là, Toyota avait confié son programme WRC au Toyota Team Europe (TTE) basé à Cologne en Allemagne et lui avait imposé de produire la voiture de rallye à partir de la Celica.
TTE conçoit la Toyota Celica GT-Four ST205 qui est pilotée en 1995 par Juha Kankkunen, Didier Auriol et Armin Schwarz sous la bannière du Toyota Castrol Team.
Le début de la saison est dominé par les Subaru Impreza de Colin McRae et Carlos Sainz et par la Mitsubishi Lancer de Kenneth Eriksson qui se partagent cinq victoires au cours des six premières épreuves. Toyota n’a remporté qu’une seule victoire, acquise au Portugal par Didier Auriol.
Lors du Rallye d’Australie, il y a une spéciale en ville où les voitures s’affrontent côte-à-côte sur des tracés parallèles. Certaines personnes remarquent alors que les Celica accélèrent beaucoup mieux que leurs rivales. Pour ces observateurs, il y a quelque chose qui cloche…
Un surprenant gain de performance
Le rallye suivant est disputé en Espagne. La FIA décide d’inspecter à fond toutes les voitures WRC. Gabriele Cadringher, qui était alors le directeur technique de la FIA, avait lui aussi noté une hausse des performances des Celica en Australie et que, mystérieusement, TTE avait modifié toute la tubulure d’admission.
Les ingénieurs de TTE avaient été particulièrement ingénieux et avaient trouvé une façon astucieuse de tricher. L’ensemble du turbo et de la bride d’admission étaient parfaitement légal quand il était démonté de la voiture comme lors de l’inspection technique, mais devenait illégal lorsqu’il était boulonné au moteur sous le capot.
À la fin du Rallye d’Espagne, Cadringher et ses inspecteurs techniques découvrent l’astuce en démontant le moteur en pièces. La turbine et la bride sont reliés par un tube en caoutchouc serré et maintenu en place par trois circlips (des anneaux de retenue), dont une nécessitait l’usage d’un outil spécial pour être montée et démontée. Ça, c'est déjà bizarre.
Le serrage de cette circlip spécifique lors de son installation poussait des petits leviers à ressorts qui déplaçaient la bride d’environ 5mm. Ainsi, une quantité d’air supplémentaire - environ 25% - était aspirée par la turbine, ce qui augmentait la puissance du moteur d’une quarantaine de chevaux.
Lorsque la circlip spéciale était desserrée, le leviers à ressorts cessaient d’exercer une tension et la bride reprenait sa position légale, bien étanche.
Si Kankkunen et Schwarz avaient abandonné durant l’épreuve espagnole, Auriol avait terminé au quatrième rang. Il fut immédiatement disqualifié après l’inspection technique et l’écurie TTE fut bannie de courir en WRC durant une période de 12 mois.
Max Mosley, alors président de la FIA, avait bien spécifié que le constructeur automobile Toyota n’était pas affecté par cette exclusion, mais seulement le Toyota Team Europe. N’empêche que cette très mauvaise publicité ne fut pas appréciée à Tokyo.
Quant à Didier Auriol, il avait déclaré quelques jours plus tard à TF1 qu’il n’était au courant de rien, ce qui est fort possible. Il avait affirmé que l’équipe l’avait autorisé à faire grimper le moteur jusqu’à 7000 tours/minute, ce qu’on lui avait interdit de faire avant l’Australie. Il avait précisé avoir noté de meilleures performances, mais qu’il avait cru à une simple évolution du moteur. “C’était mieux, mais pas phénoménal comme gain de puissance” avait-il déclaré lors de cette interview.
Reste que cette sombre histoire de triche a entaché Toyota, TTE et le monde du rallye. Heureusement, tout cela fut vite oublié.