Amateurs de motoneiges, ce texte va vous intéresser ! Trois éditions du raid à motoneiges Harricana ont eu lieu ici au Québec au début des années 1990. Ces longues épreuves organisées dans le nord de la province étaient une sorte de Paris-Dakar hivernal à motoneiges où endurance, autonomie et sens de la navigation étaient des facteurs cruciaux.
Normand Prieur, qui était encore récemment éditeur du programme officiel du Formula 1 Grand Prix du Canada, nous a raconté l’histoire de la naissance de Harricana. À cette époque, il était responsable des relations publiques de la division récréative et particulièrement de la promotion des programmes de courses de motoneiges chez Bombardier à Valcourt. En décembre 1987, il reçoit un appel téléphonique qui est le point de départ de cette grande aventure.
« Courant décembre, je reçois un appel d’un Français qui se nomme Nicolas Hulot* et qui me dit être reporter/photographe pour plusieurs magazines, dont Newlook des éditions Filipacchi. Il dit qu’il va venir passer le temps des Fêtes dans les Cantons de l’est et qu’il aimerait faire un reportage sur une excursion en "scooter des neiges" » raconte Prieur. « Je lui donne le numéro de téléphone du concessionnaire Ski-Doo à Valcourt et l’informe qu’il y aura trois motoneiges pour lui et son équipe. Je ne les ai pas rencontrés, mais peu après le concessionnaire me dit qu’ils sont passés et ont emprunté les motoneiges » ajoute-t-il.
Quelques semaines plus tard, Hulot recontacte Prieur. « Il me remercie et me demande s’il serait possible de faire un reportage télé à motoneiges "chez les Indiens". Nous étions fin mars et il n’y avait presque plus de neige ici, sauf très au nord. On avait un technicien dans notre département de course, Yvon Petit, qui était retourné chez lui à Chibougamau. Je le contacte et il me dit être intéressé à être leur guide. Je confirme à Hulot qu’on aurait un guide pour lui ainsi que six motoneiges pour son équipe de tournage » poursuit Prieur. L’accord est conclu.
Un reportage qui mène à l'organisation d'une grande course
L’équipe de reportage vient au Québec, effectue son excursion et Hulot rappelle Prieur. « Il est à l’aéroport de Mirabel et s’apprête à prendre son vol de retour pour Paris. Il me dit qu’ils sont allés à Mistassini, que le reportage sera super et qu’il a grandement apprécié notre aide. Il ajoute : "Deux de mes gars, Hubert de Chevigny et Thierry Reverchon, reviennent par la route demain. Ils vont passer te voir à Valcourt pour te parler d’un projet qu’on a ensemble" » raconte Prieur.
Normand Prieur rencontre les deux Français à son bureau. Thierry Reverchon lui confie qu’il a souvent participé au Paris-Dakar à bord de camions et qu’il a occupé un poste d’administrateur de l’événement aux côtés de René Metge**. « Il me dit : "Avec Nicolas, on a l’idée d’organiser une sorte de Paris-Dakar par équipes en "scooters des neiges" dans le nord du Québec, parmi les Premières Nations. On a le soutien de TF1 [la télé française]". L’idée me plaît, d’autant que Bombardier avait désormais un distributeur pour la France » explique-t-il.
Prieur reçoit un appel de Reverchon quelques semaines plus tard qui lui annonce que Hulot n’est plus impliqué dans le projet et que c’est René Metge qui est désormais aux commandes. Quelques semaines après, une rencontre est organisée au siège social de Bombardier à Montréal. « Le projet est d’organiser un Paris-Dakar à motoneiges en février 1989. Metge explique qu’il a le soutien de Camel Aventures, Bouygues, TF1 et Damar. Et j’apprends que Radio-Canada va diffuser les reportages quotidiens de TF1. Ce raid devient vraiment intéressant » avoue Prieur.
Cependant, l’hiver 1989 sert plutôt à l’équipe de Metge d’effectuer une reconnaissance des lieux afin de tracer l’itinéraire. Bombardier fournit des motoneiges et l’équipe démarre de Lachute, traverse les Laurentides, va au Lac St-Jean, au lac Mistissini et termine à Radisson. Le feu vert est donné pour 1990 et Bombardier accepte de participer en cédant deux techniciens, Yvon Petit et Léon Bombardier, pour fournir une assistance technique aux équipes et aux organisateurs.
Ce raid de 11 jours parcourt la distance de 2500 km. Chaque étape comprend une section chronométrée qui sert à établir le classement. Chaque équipe est composée de trois concurrents qui sont aux guidons de motoneiges de série. L’une d’elle tire un traîneau rempli de nourriture, linge de rechange et la tente du bivouac.
« Quatre-vingts participants formant 20 équipages ont pris le départ du premier Harricana qui s’est tenu du 24 février au 8 mars 1990 » nous explique Prieur, qui ajoute : « Le prologue avait été organisé au circuit Gilles-Villeneuve et sur le bassin olympique gelé. Puis ils sont partis vers le nord. Les conditions étaient extrêmement difficiles pour les machines, car elles roulaient hors sentiers. Le mercure a chuté à -40 degrés Celsius à un moment. Il y avait de gros noms comme Patrick Tambay, Richard Spénard, Henri Pescarolo, Hubert Auriol, Cyril Neveu. Il y avait aussi une équipe de trois Cris de Mistissini formée des frères Swallow et de Philip Neeposch. Ils avaient mené depuis le début de la course, mais ils ont brisé une motoneige en roulant à pleine vitesse sur les éperons de glace qui couvraient la Baie James avant d'arriver à Chisasibi. Ce fut un abandon crève-cœur. La victoire s’est jouée lors de la dernière étape à Radisson. »
L’équipage Saint-Félicien Lac St-Jean formé de Bertrand Dufour, Paul Perron et Claude Marceau a remporté la victoire aux commandes de leurs VK540 Yamaha. Les Américains Stan Hayes, Dan Kingsley et Craig Hansen, sur des Ski-Doo, ont terminé en deuxième position à seulement 27 secondes des vainqueurs !
* Défenseur de l’environnement, Nicolas Hulot a d’abord été reporter/photographe avant de devenir extrêmement populaire en France, en présentant l’émission Ushuaïa sur TF1. En 2017, il est nommé ministre de la transition écologique sous la présidence d'Emmanuel Macron. Il a quitté ses fonctions avec fracas le 4 septembre 2018.
** Pilote automobile et aventurier ayant participé aux 24 Heures du Mans et au Paris-Dakar, René Metge a été le directeur du Dakar en 1987 avant d’être impliqué dans l’organisation de Harricana.