C’est un véritable miracle si personne n’a été blessé ou tué quand la monoplace de Jacques Villeneuve a percuté plusieurs voitures immobilisées sur le petit ovale de Phoenix en Arizona en 1994.
Ce 10 avril 1994, Jacques Villeneuve s’apprête à participer à sa deuxième course en série CART/IndyCar ; le Slick 50 200 sur l’ovale d’un mille de Phoenix Raceway. Il est aux commandes de la Reynard 94I à moteur turbo Ford XB de l’écurie Player’s Forsythe/Green.
Au départ, Villeneuve est assis dans une monoplace que ses mécanos ont dû reconstruire durant la soirée de samedi. Lors des essais, Nigel Mansell a perdu le contrôle de sa Lola qui, en allant percuter le mur, a frappé la Reynard de Villeneuve. Plusieurs des pièces de la Reynard, spécifiques à ce petit ovale, sont irrécupérables et ont été remplacées par d’autres moins performantes.
La première ligne de départ est toute canadienne. Paul Tracy a décroché la pole position à bord de sa Penske PC-23 à moteur Ilmor D et Villeneuve, qui vient tout juste de célébrer ses 23 ans, prend le départ à ses côtés. Vingt-huit voitures prennent le départ et après seulement quelques tours, les meneurs doivent déjà naviguer dans le trafic ; un exercice périlleux sur cette petite piste aux virages presqu’à plat.
Villeneuve parvient à suivre Tracy et son coéquipier, Emerson Fittipaldi, puis surviennent les premiers arrêts aux puits. Le fils de Gilles revient en piste et se retrouve un peu distancé, mais toujours sur le tour des meneurs.
Au 63e tour, le Japonais Hiro Matsushita, qui accuse 18 tours de retard à cause d’un long arrêt aux puits, et Teo Fabi, deux tours de retard, se touchent dans le virage 3 et encastrent leurs bolides dans le mur. Tracy, qui mène la course, voit ce qui survient juste devant lui. Il lève le pied de l’accélérateur et sa Penske monte en haut de la piste sur la partie glissante. Et la Penske percute les deux bolides immobilisés de Matsushita et Fabi.
Un impact d’une grande violence
Au même moment, Villeneuve s’apprête à doubler deux retardataires, Arie Luyendyk et Mario Andretti, qui roulent côte-à-côte. Villeneuve se décale sur sa droite pour les doubler et n'aperçoit rien du virage qui approche ni les feux jaunes, car sa vue est obstruée.
Soudain, il voit que la piste est bloquée devant lui. Il freine violemment, mais percute le plein fouet le flanc de la voiture de Mastushita qui reposait en travers de la piste. La force de l’impact coupe la monoplace en deux, heureusement juste entre le réservoir d’essence et le moteur.
Tracy, qui s’apprêtait à s’extirper du cockpit de sa Penske, est légèrement touché au casque par un objet. En fait, il s’agit du moteur et de la transmission de la voiture de Mastushita qui l’oont frôlé… Ouf !! La Reynard accidentée de Villeneuve est ensuite frappée par la Lola de Dominic Dobson. Par une chance absolument incroyable, personne n’a été blessé. Seul Mastushita se plaint de douleurs à une épaule.
L’acquisition de données de la Reynard de Villeneuve indique que le bolide filait à 306 km/h, parcourant donc 85 mètres par seconde, quand le Québécois a commencé à freiner et que l’impact avec la voiture de Mastushita s’est produit à 225 km/h.
« Je roulais déjà un peu en haut de la piste pour doubler deux voitures quand on m’a averti du jaune par radio. J’ai vu les voitures immobilisées durant une faction de seconde. J’ai freiné “à mort”, mais j’étais déjà sur la partie sale de la piste » m’avait raconté Villeneuve quelques mois après son accident.
« Après l’impact, j’ai eu plein d’huile sur la visière de mon casque. Je ne voyais plus rien, mais la voiture roulait encore. J’ai soulevé ma visière pour voir quelque chose, mais j’ai reçu des fines gouttes d’huile dans les yeux, ça m’a brûlé un peu et j’ai vite abaissé ma visière. Et là, j’ai aperçu des ombres qui bougeaient. J’ai freiné tant que j'ai pu et la voiture s’est enfin arrêtée. J’ai soulevé à nouveau ma visière et j’ai constaté que j’étais rendu dans la ligne des puits et que les ombres étaient en fait des mécanos des autres équipes et des membres des équipes d’urgence qui s’apprêtaient à intervenir. »
Villeneuve, qui participait seulement à sa cinquième course sur ovale (quatre en Formule Atlantique), a été critiqué après l'épreuve pour sa lenteur à réagir à l'illumination des feux jaunes. Cependant, sa vue partiellement obstruée et il est très difficile de freiner très fort sur un ovale sans perdre le contrôle de sa voiture.
Quelques semaines plus tard, Jacques se faisait remarquer de belle façon en récoltant une magnifique deuxième place aux 500 Milles d’Indianapolis derrière Al Unser Jr et son intouchable Penske PC-23 à moteur Mercedes 500I.