Au cours de la saison 1993, l’écurie britannique de Formule 1 Williams a procédé à l'essai d’une FW15C munie d’une transmission à variation continue, une CVT. Aujourd’hui, on trouve sur le marché de plus en plus d’automobiles de série équipées d’une transmission CVT. Il s’agit d'une transmission automatique qui ne compte pas un nombre prédéfini de rapports d’engrenage. Contrairement à la boîte de vitesses automatique à plusieurs rapports, la CVT n’en compte qu’un seul qui varie en fonction de la demande.
Très (très) simplement expliqué, une CVT comprend deux poulies qui sont reliées par une courroie. La première poulie est connectée au moteur alors que la deuxième est reliée aux roues motrices. Chacune des poulies comprend deux cônes et l'un d'eux est responsable de faire fonctionner la courroie.
Lorsqu’on démarre dans une voiture à CVT, le moteur monte en régime et la transmission transmet la puissance aux roues de façon progressive et continue, et la voiture accélère. Il n’y a donc plus de "trous" lors des accélérations causés par les changements de rapports fixes. La CVT optimise les performances de la voiture en permettant au moteur de tourner au régime auquel il produit sa puissance maximale.
La transmission CVT a été brevetée en 1886 par Daimler et Benz. Malgré ses avantages, elle peine alors à être utilisée dans les voitures de séries et les camions. Elle effectue une percé dans le monde du sport automobile en 1966 grâce à l’entreprise néerlandais DAF. Une Brabham BT18 est munie d’une transmission Variomatic améliorée par DAF. À son volant, Jack Brabham n’est pas super impressionné, clamant qu’il a de la difficulté à conserver le bon régime moteur lors des freinages et dans les virages.
Un an plus tard, une Gemini à transmission CVT roule en Formule 3 et remporte une victoire sur le circuit de Brands Hatch. En 1968, quelques monoplaces Tecno sont équipées de CVT, sans grands succès. Il faut préciser que la CVT occupe beaucoup d’espace à l’arrière des monoplaces, altérant la répartition des masses.
Courant 1979, la Scuderia Ferrari songe à développer une transmission CVT et une boîte de vitesses semi-automatique, mais le budget de recherches est plutôt consacré à la création du moteur V6 turbo.
En même temps, l’écurie Williams est tentée par l’expérience d’une CVT pour sa monoplace à moteur Ford Cosworth DFV. « C’est Patrick [Head] qui en a eu l’idée » explique Frank Dernie à Pole-Position. « J’ai démarré le projet et essentiellement travaillé sur le variateur Perbury [un variateur toroïdal complet à rouleau unique]. J’ai toutefois quitté l’écurie avant qu’elle réussisse à faire fonctionner le système de courroie à poulie variable » ajoute-t-il.
Un essai pluvieux
En 1993, l’équipe Williams modifie une FW15 à moteur atmosphérique V10 Renault en retirant la boîte de vitesses semi-automatique à six rapports fixes pour une transmission CVT. Évidemment, afin d’encaisser convenablement la puissance d’environ 850 chevaux du moteur Renault, l’équipe a dû produire des courroies et des disques coniques renforcis.
C’est l’Écossais David Coulthard, pilote d’essais de Williams à cette époque, qui procède à l’essai de cette monoplace par une journée pluvieuse de juillet sur le tracé de Pembrey, au Pays de Galles. Un autre pilote d’essais de l’écurie britannique, le Suisse Alain Menu, prend aussi brièvement le volant de cette FW15C.
Cette Williams émettait un son révolutionnaire, différent des autres voitures de F1 de son époque. Au lieu que le régime monte et descende à chaque changement de rapports, il restait constant, le moteur tournant presque à plein régime.
Certains textes affirment que cette FW15C a immédiatement été plus rapide que la voiture en version normale dotée d’une transmission robotisée avec des palettes au volant, mais rien de cela n’a été confirmé par l’écurie. « L'analyse technique montre qu’une CVT est plus efficace qu’une transmission à rapports fixes » ajoute Dernie, qui précise toutefois « qu’elle donne l'impression au pilote d'un embrayage qui glisse, de sorte qu’il ne se rend pas vraiment compte à quel point elle est meilleure !»
La FIA a vite entendu parler de cette transmission CVT et quelques semaines plus tard, elle modifiait le règlement technique de la F1, spécifiant que les voitures 1994 devaient posséder une transmission entre deux et sept rapports fixes tout en interdisant spécifiquement les CVT. La FIA craignait une explosion des coûts pour les écuries et un désintéressement du public face à une vingtaine de voitures de F1 roulant avec des moteurs hurlants à un régime fixe.
Il faut aussi ajouter que greffer une transmission CVT avait ajouté six kilos à l’arrière de la Williams, et ce dispositif occupait désormais beaucoup d’espace. De plus, Renault aurait aussi dû concevoir un tout nouveau moteur V10, capable de tourner à un régime fixe durant près de deux heures tout en étant fiable et en ne consommant pas trop de carburant… La FW15C n'a donc jamais couru et est maintenant exposée au musée du quartier-général de DAF aux Pays-Bas. On peut la voir sur la photo ci-dessus.