Honda, oh pardon, Red Bull Powertrains a récolté le titre de champion du monde des constructeurs de Formule 1 cette année grâce aux performances de l’écurie Red Bull Racing.
Pourtant, les débuts du moteur V6 turbo hybride de Honda avaient été compliqués et passablement désastreux avec McLaren 2015.
Honda avait aussi connu des temps assez difficiles en 1983 quand la firme japonaise avait effectué un retour en F1 avec un moteur 1,5 litre turbo. Renault, Ferrari et BMW démontraient alors qu’un moteur suralimenté de petite cylindrée pouvait battre les moteurs atmosphériques de trois litres, gagner des Grands Prix et, pourquoi pas, récolter le titre mondial.
La haute direction de Honda à Tokyo approuve le projet de F1, débloque les fonds nécessaires, mais spécifie que Honda ne sera qu’un motoriste ; il est hors de question de concevoir et de fabriquer un châssis. Honda a donc l’intention de s’associer avec une écurie majeure de F1 et de former un partenariat technique et financier. Mais avant de séduire une grosse écurie de F1, Honda doit concevoir le moteur et le faire développer par une petite écurie.
Les ingénieurs de Honda choisissent de suivre le chemin tracé par Renault, c’est-à-dire de créer d’abord un moteur de Formule 2 qui sera ensuite réalésé à 1500cc et muni de deux turbos.
En 1980, Nigel Mansell dispute quatre courses à bord d’une Ralt RH6-Honda à moteur V6 et récolte un podium à Hockenheim. Un an plus tard, Geoff Lees devient champion de la série aux commandes d’une Ralt RH6/81-Honda. En 1982, Honda motoriste deux écuries de F2 : Ralt et Spirit, une structure britannique dirigée par John Wickham et Gordon Coppuck.
Pilote de l’écurie Spirit, Thierry Boutsen récolte trois victoires et est sacré vice-champion de F2. Son coéquipier, Stefan Johansson ne se classe que huitième, sans victoire. Simultanément, des moteurs de F2 sont modifiés au Japon, gavés par deux turbos et testés au banc d’essais.
Gordon Coppuck modifie un châssis Spirit de F2 afin d’y accommoder le moteur de F1 et tous ses accessoires, notamment l’échangeur de température et les énormes radiateurs. Le moteur est un V6 d’une cylindrée de 1477cc, ouvert à 80 degrés et suralimenté par deux turbos IHI. Il produit, avec brutalité, un peu plus de 600 chevaux à 11 500 tours/minute.
Des ennuis et des soucis
La Spirit F1 est déverminée sur le circuit de Silverstone en novembre 1982. Puis, la petite écurie d’à peine 25 personnes s’installe sur la côte ouest américaine et roule sur les circuits de Willow Springs et de Riverside avec Boutsen et Johansson au volant. Puis, l’équipe revient en Europe et poursuit encore ses essais, parcourant ainsi la distance de 9000 km.
Et c’est la bombe. Spirit et Honda choisissent de n’inscrire qu’une seule voiture en Grand Prix et qu’elle sera pilotée par… Johansson ! C’est une énorme déception à encaisser pour Boutsen.
La Spirit-Honda 201B participe à la Course des champions à Brand Hatch en avril 1983. Johansson se qualifie 12e sur 13 et abandonne à cause d’un radiateur percé. L’équipe procède à quelques modifications, renforcissant les suspensions entre autres.
La monoplace britanico-japonaise dispute son premier Grand Prix en Grande-Bretagne. Aux prises avec des ennuis de moteur, Johansson se qualifie 14e et abandonne sur bris de pompe à essence.
La Spirit casse à nouveau en Allemagne, puis Johansson termine 12e en Autriche et septième aux Pays-Bas. Le Suédois a énormément de mal à contrôler la puissance brutale du V6 nippon qui n’a aucune souplesse, zéro progressivité. De plus, ses systèmes électriques et électroniques manquent cruellement de fiabilité. Le châssis modifié est très lourd, trop souple, et se tord dans les virages.
L’équipe entreprend de fabriquer un nouveau châssis, le 101, mais sa production prend du retard. La Spirit 101 apparaît enfin à Monza en Italie, mais elle ne roule pas. À bord de la 201, Johansson se qualifie en milieu de peloton et abandonne sur bris de distributeur après n’avoir parcouru que quatre tours.
Au Grand Prix d’Europe à Brands Hatch fin septembre, Johansson doit encore se contenter de l’ancienne 201. Il prend le départ en queue de peloton et se classe 14e, à deux tours du gagnant. La Spirit 101 n’a donc jamais roulé en Grand Prix.
Quelques mois plus tôt, Frank Williams s’était rendu au Japon et avait convaincu l’état-major de Honda de lui confier le moteur V6 turbo. Les Japonais récolteront ainsi deux titres des constructeurs F1, en 1986 et 1987, avec l'écurie Williams.