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Rétro 1986 : Un flop de Gordon Murray, la Brabham BT55 à moteur BMW incliné

Rétro 1986 : Un flop de Gordon Murray, la Brabham BT55 à moteur BMW incliné

Mardi 1er novembre 2022 par René Fagnan
Crédit photo: Galeron

Crédit photo: Galeron

Si l'on peut considérer que la Brabham BT52-BMW de 1983 a été l’une des plus belles monoplaces de Formule 1, il faut cette fois avouer que la BT55 ultra plate néée trois ans plus tard, en 1986, fut l’une des plus… inhabituelles. Pour dire vrai, cette BT55 a été un flop monumental pour le génial créateur des Brabham, Gordon Murray. Il faut quand même préciser que les performances des Brabham n'ont cessé de baisser depuis le titre mondial acquis par Nelson Piquet en 1983.

En 1984, la BT53-BMW de Piquet a remporté deux victoires, mais a subi neuf bris mécaniques en 16 courses. L’année suivante, Bernie Ecclestone, le patron de Brabham, fut séduit par la proposition de partenariat avec Pirelli. Si Piquet a décroché une victoire chanceuse en France – parce qu’il faisait effroyablement chaud, ce qui favorisait les gommes Pirelli – la BT54 a abandonné à plus d,un Grand Prix sur deux.

Pour la saison 1986, Murray désire alors redresser la barre et décide de créer une monoplace révolutionnaire. Afin de bien alimenter l’aileron arrière en flux d’air non perturbés, il doit abaisser le capot moteur et la seule façon d’y arriver est d’incliner le moteur quatre cylindres en ligne turbo BMW M12/13. De sa position verticale, il demande aux ingénieurs de BMW de l’incliner à 18 degrés, donc presqu’à plat.

Cette inclinaison cause toutefois un problème, car l’arbre primaire du moteur n’est plus aligné avec la boîte de vitesses. Murray demande donc à Pete Weismann, le spécialiste californien des transmissions, de lui dessiner une transmission en Z où l’arbre moteur et l’arbre de transmission seraient reliés par un engrenage complexe.

Une voiture extra plate

Murray dessine une voiture hyper plate, possédant une surface frontale incroyablement réduite. Il ne peut toutefois pas dissimuler les énormes pneus qui génèrent beaucoup de traînée. Le pilote se retrouve en position allongée, pratiquement couchée, ce qui oblige Murray à allonger l’empattement de la voiture.

Murray conçoit aussi sa première monocoque entièrement fabriquée en fibre de carbone, sans renforts en aluminium.

La production des premières voitures d’Elio de Angelis et de Riccardo Patrese nécessite beaucoup de temps et d’efforts, ce qui réduit les essais hivernaux à presque rien. Et très rapidement, l’équipe se rend bien compte que la voiture est un désastre.

Dans son livre "One Formula", Gordon Murray explique qu’il a vite compris que le très long châssis en carbone de la BT55 manquait nettement de rigidité. Les pilotes ont eu du mal à s’habituer à la position de conduite et à la puissance trop brutale et difficilement contrôlable du moteur BMW. Puis, l'ingénieur raconte que les pilotes se plaignaient que le moteur poussait très fort en sortie des virages à gauche et peinait dans les virages à droite. La température de l’huile ne cessait de grimper. Le turbo et les échappements surchauffaient aussi.

Murray et les mécanos ont travaillé extrêmement fort afin de tenter de résoudre les problèmes de cette voiture qui fut fortement modifiée course après course. Une bonne quarantaine d’accessoires, comme l’extincteur, ont été déplacés vers l’arrière afin d’améliorer l'adhérence du train arrière. Mais peu importe les changements techniques apportés, la BT55 demeurait paresseuse en accélération, ce qui réduisait sa vitesse maximale sur les lignes droites.

Ce n’est que lors d’un test précis, effectué sur le circuit de Mallory Park, que Murray a compris ce qui causait les ennuis. Puisque le moteur BMW était couché sur son flanc, l’huile, sous l’effet de la force d’accélération latérale dans les virages, remontait vers la culasse et ne circulait plus pour être refroidie.

Sa température grimpait en flèche et ce manque d’huile cyclique dans la base du bloc finissait par faire casser des organes internes. Lors de ce test, Murray a noté que dans certains virages, il y avait 4,4 litres d’huile dans le réservoir et plus une goutte dans le carter.

Le 15 mai 1986, juste après le Grand Prix de Monaco, l’écurie Brabham a effectué des essais sur le circuit Paul-Ricard dans le sud de la France et Elio de Angelis s’est tué au volant de sa BT55 après un bris de l’aileron arrière survenu à haute vitesse.

Gordon Murray a été complètement anéanti par la mort d’un de ses pilotes. Le Britannique Derek Warwick a remplacé l’Italien, mais les résultats des BT55 n’ont jamais progressé. Il y a eu beaucoup d’acrimonie entre Brabham et BMW, un blâmant l’autre pour le manque de résultats. Cette BT55, lente et qui qui cassait à répétition, fut envoyée au musée.

Bernie Ecclestone a perdu tout intérêt dans son écurie et a fini par la vendre. Puis, Gordon Murray est allé joindre les rangs de l’empire McLaren. Triste fin pour une voiture qui se voulait être révolutionnaire...