Le Grand Prix du Canada de 1976, disputé après les jeux Olympiques d’été à Montréal, a vu James Hunt décrocher la victoire tandis que son grand rival Niki Lauda vivait une course désastreuse.
Beaucoup d’événements s’étaient produits en prélude à l'épreuve canadienne. Tout juste un mois auparavant, Hunt avait été battu par Gilles Villeneuve lors de la course de Formule Atlantique présentée au Grand Prix de Trois-Rivières. À son retour en Grande-Bretagne, Hunt avait parlé favorablement de Villeneuve à Teddy Mayer, le directeur de l’écurie McLaren de Formule 1, et à John Hogan, grand patron des commandites de Marlboro chez Philip Morris.
Autre événement : Niki Lauda avait effectué son retour en Grand Prix à Monza en Italie seulement 37 jours après son terrible accident survenu sur le Nürburgring. Cependant, ce retour à la compétition n’avait vraiment pas plu à Enzo Ferrari qui aurait grandement préféré que l’Autrichien fasse l’impasse sur les derniers Grands Prix de la saison. Ainsi, son rival, James Hunt, aurait été sacré Champion du monde dans la facilité, ce qui, aux yeux d’Enzo Ferrari, aurait aussi diminué la valeur de son titre, acquis en l’absence de Lauda.
Et que dire de James Hunt qui arriva à Toronto en furie pour ce Grand Prix canadien. Le tribunal d’appel de la FIA venait tout juste de confirmer sa victoire en Espagne, mais aussi sa disqualification de l’épreuve en Grande-Bretagne, ce qui procurait la victoire à Lauda. L’Autrichien, encore convalescent, possédait alors 17 points d’avance sur Hunt au classement des pilotes.
Dernier point : le Grand Prix du Canada réintégrait le calendrier du championnat du monde en 1976, après une année d'absence. L’édition de 1975 avait été annulée à cause de frictions entre l'Association de Formule 1 et les organisateurs canadiens à propos de la facture exigée pour tenir l’événement. L’implication financière de la brasserie Labatt a finalement résolu le problème. Toutefois, une fois arrivés au circuit de Mosport Park en Ontario, les pilotes déclarent ouvertement ne pas être enchantés de revenir courir sur ce tracé qu’ils jugent dangereux et en mauvais état.
Hunt impose sa McLaren
Hunt et sa McLaren M23-Ford survolent les qualifications, signant un chrono de 1’12”389 sur le tracé long de 3,957 km. Ronnie Peterson est deuxième à bord de sa March 761-Ford en 1’12”783. L’étonnant Vittorio Brambilla est troisième, lui aussi sur une March, devant Patrick Depailler au volant d’une Tyrrell P34-Ford. Suivent ensuite Mario Andretti (Lotus 77-Ford) et Lauda (Ferrari 312 T2).
Fait rare qu’il faut souligner : il fait beau le dimanche 3 octobre pour le départ de la course prévue sur 80 tours. Hunt effectue un bon démarrage, mais Peterson se glisse devant lui dans le virage 1 en descente vers la droite. Peterson mène la course, mais au fil des tours, la tenue de route de sa March se détériore. Hunt le double au huitième tour.
Hunt espère que Peterson va ralentir le reste du peloton et qu’il pourra ainsi se sauver en avant. Depailler passe devant le Suédois au 13e tour, puis Andretti l’imite trois boucles plus tard. Pendant ce temps, Lauda, affaibli, roule en cinquième position et n’arrive pas à progresser.
Depailler balance vaillamment sa Tyrrell à six roues dans les virages et comble progressivement son retard sur la McLaren de Hunt. Le Britannique se sert habilement de la présence des retardataires pour bloquer la route à Depailler et ainsi lui conserver quelques mètres d’avance.
Au 58e tour, Lauda ralenti soudainement, car sa Ferrari zigzague. En fait, l’attache d’une pièce de la suspension arrière s’est desserrée, ce qui a modifié le carrossage de la roue. Craignant d’avoir un accident comme ce fut le cas sur le Nürburgring, Lauda lève le pied et perd plusieurs places.
Depailler met une pression terrible sur Hunt, mais au 62e tour, la Tyrrell perd du terrain et son pilote commence à conduire de façon erratique. En fait, le Français est indisposé par des vapeurs d’essence. Derrière le casque de Depailler se trouve un diaphragme qui transmet la pression du carburant à un tube capillaire rempli d'alcool qui va jusqu'au manomètre du tableau de bord de la Tyrrell. Ce diaphragme s'est rompu et laisse échapper du carburant dans le cockpit. Il reste moins d’une dizaine de tours à couvrir et Depailler n’arrive plus à ouvrir son œil gauche. Les derniers tours sont un calvaire, car il est au bord de l'évanouissement.
James Hunt franchit la ligne d’arrivée en première place et récolte ainsi son cinquième triomphe de la saison. Depailler se classe deuxième (à seulement six secondes de Hunt !) et immobilise immédiatement sa Tyrrell sur le côté de la piste. Il s’extrait du bolide et s’évanoui. Il est évacué sur une civière au centre médical du circuit où il retrouve ses esprits. Andretti termine au troisième rang. Lauda est huitième et dernier coureur sur le même tour que le vainqueur. Il ne marque pas de point.
Il ne reste que les Grands Prix des États-Unis à Watkins Glen et celui du Japon à disputer. On sait ce qu'il en adviendra : Hunt sera sacré Champion du monde à Fuji dans des conditions rocambolesques !