Véritable artiste du volant, Elio de Angelis a remporté la dernière victoire du Team Lotus sur l’Österrichring à l’occasion du Grand Prix d’Autriche en 1982.

Cette funeste saison 1982 avait été entachée de plusieurs drames : le décès de Gilles Villeneuve en Belgique, celui de Riccardo Paletti à Montréal et le terrible accident survenu à Didier Pironi en Allemagne.

La Formule 1 était désormais dominée par les monoplaces à moteurs turbo. Les écuries coincées avec le moteur atmosphérique Ford Cosworth DFV, essentiellement britanniques, étaient reléguées à faire de la figuration, ou presque.

Donc quand les écuries de F1 arrivent à Spielberg, tout le monde sait que les voitures turbo seront extrêmement difficiles à battre sur le circuit hyper rapide de l’Österrichring, situé en altitude.

Quelques jours auparavant, le 11, une conférence de presse avait été organisée pour dévoiler un accord entre Renault Sport et le Team Lotus. Ainsi, les Lotus de Colin Chapman allaient être propulsées par des moteurs Renault turbo à partir de la saison suivante. Toutefois, les Lotus 91 de Nigel Mansell et d’Elio de Angelis devaient se contenter de moteurs Ford Cosworth jusqu’à la fin de l’année.

Les puissantes voitures turbo dominent les qualifications en Autriche. Nelson Piquet signe la pole position à bord de sa Brabham BT50-BMW avec un chrono de 1’27“612. Son coéquipier, Riccardo Patrese, réalise le deuxième temps devant la Renault R30B d’Alain Prost, la Ferrari 126C2 de Patrick Tambay (seul pilote Ferrari suite à l’accident de Pironi), René Arnoux sur l’autre Renault puis les premières voitures atmosphériques : la Williams FW08-Ford de Keke Rosberg (1’30”300) et la Lotus 91 de Angelis.

Il fait une chaleur étouffante dimanche pour la course de 53 tours. Si les voitures turbo sont très rapides, elles manquent encore de fiabilité. Les Brabham de Piquet et de Patrese s’envolent dès le feu vert, car elles sont très légères puisqu’elles vont ravitailler en cours d’épreuve ; une nouveauté en F1.

Feux d’artifices des moteurs turbo

Arnoux, quatrième, abandonne au 16e tour sur bris de turbo. Patrese stoppe aux puits au 24e passage pour son ravitaillement en essence et quatre pneus neufs, revient en course en tête, mais son moteur quatre cylindres BMW n’a clairement pas apprécié cet arrêt alors qu’il était surchauffé et il explose trois tours plus tard.

Piquet, alors troisième, abandonne lui-aussi à cause d’un bris d’arbre à cames. Prost, qui a pris la tête de l’épreuve après l’abandon de Patrese, roule premier avec une grosse trentaine de secondes d’avance sur la Lotus de Angelis.

Au 48e tour sur 53, l’impensable survient. Le boîtier d’alimentation électronique de la Renault de Prost se dérègle et bousille le fonctionnement du V6 qui prend feu. Prost immobilise sa monoplace, dépité de subir un autre abandon coûteux dans sa course au titre mondial

De Angelis se retrouve en tête avec quatre petites secondes d’avance sur Rosberg, absolument déchaîné. Aucun des deux n’a encore gagné un Grand Prix, et tous deux sont animés d’une terrible rage de vaincre.

Au 51e passage, Rosberg n’est qu’à deux secondes de la Lotus. Un tour plus tard, l’écart n’est plus que de 1”6…

Dernier tour de piste. Rosberg peut presque toucher à la boîte de vitesses de la Lotus avec sa main… Virage après virage, la Williams demeure dans le sillage de la Lotus noire. Dans les dernières courbes, la Lotus devient très large… Dans le virage de Texaco, le DFV de Angelis cafouille un instant. Rosberg profite de l’aspiration de la voiture de son rival. Les deux bolides foncent roues dans roues vers la ligne d’arrivée. C’est incroyablement serré !

La Lotus franchit la ligne d’arrivée avec seulement 0”050 sur la Williams Rosberg. C’est la première victoire d’une Lotus depuis le Grand Prix des Pays-Bas de 1978. Il s’agit d’une 72e victoire pour Lotus et de la 150e du moteur V8 Ford Cosworth DFV. On vient d’assister à la dernière victoire du véritable Team Lotus, fondé et dirigé par Colin Chapman.

Jacques Laffite se classe troisième sur sa Ligier JS19-Matra devant Patrick Tambay qui a effectué une spectaculaire remontée après avoir chuté en dernière place au deuxième tour suite à un arrêt pour faire changer un pneu crevé.