La traditionnelle Classique d’été, épreuve estivale phare du circuit du Mont-Tremblant, représentait un événement majeur il y a de cela 35 ans grâce à l’immense popularité du sport automobile au pays.
Tenue les 24, 25 et 26 juillet 1987, la Classique d’été avait été l’un des événements incontournables de la saison. Nous vivions alors des belles années; l’âge d’or du sport automobile au Canada. Mais ça, c’était bien avant les protestations de résidents au sujet du bruit généré par tous ces moteurs rugissants et pétaradants… D’ailleurs, la Classique d’été 2022 n’a pas eu lieu le week-end dernier, faute à un règlement municipal interdisant désormais aux engins trop bruyants de rouler sur le circuit. Seule la Coupe Nissan Sentra fut autorisée à courir.
Nous disons "âge d’or", car tout d’abord, plusieurs constructeurs automobiles étaient directement et grandement impliqués dans les courses nationales à cette époque : il y avait GM, Porsche et Honda. Ford mettait aussi un orteil en Formule 1600 grâce à l’Association des concessionnaires de la marque. Cette implication des constructeurs allait de pair avec la présence de plusieurs compagnies de produits du tabac qui ne pouvaient faire de la publicité ailleurs que dans le sport automobile.
Ainsi, Rothmans était associé à la Formule 2000 ainsi qu’à la Coupe Porsche 944, Player’s commanditait la série GM pour Firebird et Camaro tandis que la marque Motomaster de Canadian Tire était le commanditaire-titre de la F2000. Question pneus, Yokohama courait en F2000, Pirelli fournissait les pneus de la Coupe Porsche, Goodyear faisait la promotion de ses produits en série GM tandis que Michelin chaussait toutes les Civic de la série Honda.
Il y avait beaucoup de participants et les grilles de départ d’une quarantaine de voitures n’étaient pas rares. Grâce à cet afflux de commanditaires et de fournisseurs, les bourses en argent (et pas en produits) était très généreuses. De plus, les séries canadiennes bénéficiaient d’une excellente visibilité médiatique grâce à la présence d’équipes de télévision, de journalistes, photographes, magazines et journaux, ainsi qu’un public nombreux. Puisque les réseaux sociaux n’existaient pas, la seule façon de savoir ce qui se déroulait en piste était d’être sur place !
Les courses étaient fort disputées, vraiment intenses. Ces séries, souvent monotypes, ont mis en vedette plusieurs excellents pilotes canadiens comme Richard Spénard, Scott Goodyear, Bill Adam, Paul Tracy, Claude Bourbonnais, Uli Bieri, Alan Labrosse, Jacques Bienvenue, Stéphane Proulx, Bob Roy, Scott Maxwell, Rick Bye, Richard Laporte, et plusieurs autres. Il s’agissait aussi d’une nouvelle génération de pilotes, formée après la mort de Gilles Villeneuve en 1982.
Un circuit alors désuet
La Classique d’été du Mont-Tremblant de 1987 fut présentée sur la piste qui n’avait pas été rénovée; donc avant les importants travaux de réaménagement réalisés par Lawrence Stroll, le patron de l’écurie de Formule 1 Aston Martin et père du pilote Lance Stroll.
Il s’agissait en fait du même tracé, mais en (très) mauvais état. La surface était bosselée, craquelée, révélant des nids de poule, et était entourée de vieux rails de sécurité rouillés, de clôtures chambranlantes, de piles de pneus amassés pêle-mêle à l’extérieur des virages et en l’absence de véritables bacs à graviers.
Le regretté Stéphane Proulx, qui avait inscrit la pole position, s’était imposé en Formule 2000, récoltant sa troisième victoire de la saison à bord de sa Reynard 87SF. Paul Tracy lui avait donné du fil à retordre, mais la Reynard de l’Ontarien était sortie très large du virage 2, endommageant sérieusement son côté gauche. Claude Bourbonnais avait pris le deuxième rang devant Scott Maxwell et l’Américain David Berkey.
Il faut noter ici l’absence des protagonistes de la série Player’s/GM. Ceux-ci avaient disputé la quatrième manche de la saison 1987 dans les rues de Toronto à l’occasion du Molson Indy le 19 juillet. La raison de leur absence au Mont-Tremblant ? Simplement une "guéguerre" entre cigarettiers; Player’s ne voulant pas courir aux mêmes événements que Rothmans…
La course de la Coupe Porsche fut entachée par le comportement anti-sportif de certains pilotes. Plusieurs pénalités pour conduite dangereuse, accompagnées de fortes amendes, furent imposées durant le week-end. Plusieurs contacts ont eu lieu durant les premiers tours de la course. Chris Gleason a percuté la 944 de Paul Tracy. Ce dernier est rentré dans les puits à haute vitesse et a quitté sa voiture en vociférant, « Je ne désire pas être en piste avec cette bande de sauvages ! ». Puis, Daniel Veilleux est entré en contact avec Gerry Buy. La Porsche de ce dernier est partie en tonneaux, devenant une épave de 35 000$... La fin de la course fut un affrontement entre Richard Spénard et Bill Adam. Ce dernier a récolté la victoire avec une mince avance de 0”272 sur Spénard; puis sont arrivés Scott Goodyear, Rick Bye et Brian Malcolm.
Le vétéran Normand Boyer, qui effectue un retour en piste cette saison en Coupe Nissan Sentra à 68 ans, a remporté sa quatrième victoire de la saison en série Honda/Michelin au Mont-Tremblant en 1987. Boyer et Geoff Chandler s’étaient livrés une lutte époustouflante durant toute la course, pourchassés par Terry DiFrancesco et Bill Clubine. Boyer a attendu le dernier tour de la course pour doubler Chandler sur la longue ligne droite en profitant du phénomène d’aspiration.
Le pilote de Mont-Joli Jacques Lelièvre a gagné la course de 12 tours de Formule 1600 à bord de sa Swift, devant Jeff Girard sur une Van Diemen (Girard avait pris le départ en pole position), Gervais Tapp (Van Diemen), Stéphane Grisé (Van Diemen) et Patrick Lacasse (Swift).
Pour terminer, les karts Kali de Formule 125 à boîtes de vitesses étaient aussi en action, mais sur la petite piste du circuit Mont-Tremblant, communément appelée "Tic-Tac-Toe". Riccardo Almeida, qualifié premier, avait récolté la victoire devant Mario Bianco et Johnny L’Honoré.
La photo ci-dessus monte le peloton de Porsche 944 arrivant au virage Namerow avant le départ. Notez sur la gauche, le garage blanc de l'école de pilotage Jim Russell de l'époque.