La question se pose dans toutes les disciplines et dans tous les championnats ayant une histoire de quelques décennies : qui est le meilleur pilote, toutes époques confondues ? Bien difficile, voire impossible de répondre objectivement à la question tant les technologies, les véhicules, les épreuves aussi, ont changé au fil du temps.
Récent retraité du Championnat canadien des Rallyes, le Lavallois Yves Barbe a voulu se risquer à apporter sa réponse pour cette série, qui cumule plus de 60 ans d’existence. Yves est aussi l’un des mieux placés pour tenter d’initier le débat, lui qui a débuté en rallye à la fin des années 1980, a connu la victoire dans les années 1990 avant de prendre une pause de 15 ans puis revenir, pour le plaisir, disputer quelques événements dans les trois dernières années.
« Pour répondre à cette question, je dois retourner dans le passé car il y a eu l’avant et l’après en matière de rallyes où les prises de notes sont autorisées. Toute la dynamique du rallye a été transformée avec la venue il y a un peu plus de 20 ans du système européen qui donne aux équipages la chance d’effectuer des reconnaissances sur les routes qui seront utilisées ensuite pour les parcours chronométrés » indique Yves Barbe en préambule.
Le reste de son observation est le commentaire intégral qu’il nous a fait parvenir : « Commençons par le début : le rallye à l’aveugle, comme disaient les anciens. Les équipages avaient un cahier de route de base. C’est-à-dire, des instructions pour t’envoyer sur la bonne route, signaler les dangers, les intersections, etc. Signalisation à base de dessins en tulipes, et les kilométrages cumulatifs et spécifiques entre chaque tulipe. Un équipage pouvait ainsi rouler plusieurs kilomètres sans aucune instruction. Le secret pour performer à cette époque, c’était d’avoir une bonne mémoire des routes. Souvent, les mêmes spéciales se disputaient à plusieurs reprises. Il fallait anticiper la route selon la ligne des arbres, des éclaircies, les ombrages, fallait éviter les pièges, les dévers de la route, les trous souvent traîtres, les surfaces molles. On découvrait la route à chaque kilomètre. Il fallait être téméraire tout en se gardant une porte de sortie, au cas où ! ».
« Dans cette lignée, je dirais que les années 1980 ont vu des pilotes audacieux : Taisto Heinonen, Jean-Paul Pérusse, Paul Bourgeois, Alain Bergeron, Michel Poirier-Defoy. Les années 1990 ont amené de nouveaux visages aux avant-postes : Les frères Sprongl, Jon Nichols (virtuose avec les voitures 2 roues motrices), Tom McGeer, Tim Bendle, Shawn Bishop, Jean-Sébastien Besner, Sylvain Vincent, Sylvain Érickson et moi-même. Chaque pilote avait ses forces. Alain Bergeron par exemple, avait des yeux de chat. Il pouvait voir dans le brouillard comme personne d’autre. Il faisait des temps incroyables lorsque la visibilité était presque nulle. Les Sprongl avaient une voiture super performante, plus puissante que la majorité des autres équipages. Tom McGeer était régulier et ne brisait pas souvent. Sylvain Érickson était super rapide, mais à l’époque il sortait souvent. Sylvain Vincent était rapide, régulier, tandis que Jon Nichols était l’extraterrestre avec sa Golf. On se demandait tous comment il faisait pour rester sur la route ».
« Les années 2000 ont vu l’avènement de Patrick Richard, Antoine L’Estage, Julien Pilon, Simon Dubé (en 2RM) et plus tard les frères Leblanc, Joël Levac, Simon Dubé, Karel Carré (fils de Bruno Carré, un autre excellent pilote). Tom McGeer a encore gagné au début du siècle mais l’arrivée des notes à prendre en reconnaissances a chamboulé peu à peu la hiérarchie. Ceux qui avaient les meilleures notes étaient avantagés tandis que, règlement oblige, les voitures étaient devenues presque toutes de puissance égale ».
Vient l’heure du verdict d’Yves Barbe : « Un nom se démarque : Antoine L’Estage. Pas seulement parce que c’est le détenteur du record de victoires et de titres au pays, mais parce qu’avec son talent et des co-pilotes comme Nathalie Richard puis Alan Ockwell, il a poussé la précision des notes à un niveau de professionnalisme encore jamais vu en Championnat canadien. Presque jamais en catastrophe dans son pilotage, Antoine roulait comme si tout était facile. Pilotage coulé, souple, toujours dans la bonne ligne de course, il enchaînait les spéciales et les rallyes avec une dextérité hors du commun. Comme on dit en langage commun : il a créé la chimie avec ses co-pilotes ».
Yves précise: « Antoine L’Estage avait toutes les capacités pour évoluer en WRC. Mais en l’absence de véritable filière, les pilotes canadiens arrivent beaucoup trop âgés à leur apogée ». Antoine est aujourd’hui l’un des pilotes ouvreurs pour l’équipe M-Sport en Championnat du monde des Rallyes mais il n’a hélas jamais disputé de manche WRC comme concurrent.
« Faut pas se leurrer, la vie est une roue qui tourne. Il y a des noms qui poussent fort et je suis confiant pour l’avenir du rallye canadien. Les Leblanc, champions en titre, Carré, Jérôme Mailloux, Marc-André Brisebois, Nicolas Laverdière et quelques autres vont sûrement se faire la course au championnat pour plusieurs années encore. L’un d’eux deviendra peut-être le plus grand pilote canadien de rallye, devant L’Estage. Qui sait. Ne dit-on pas que les records sont faits pour être battus ? » conclut Yves Barbe.
Nous vous invitons à retrouver les concurrents du Championnat canadien des rallyes, en plus de quelques vedettes de la série nord-américaine FIA NACAM, au Rallye International Baie-des-Chaleurs, ce week-end. Un événement exceptionnel, dans la région de New Richmond (Gaspésie), dont vous pouvez découvrir la présentation spéciale dans les pages de l’édition présentement en kiosque du magazine Pole-Position, à lire en version papier ou numérique.
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