Imaginez une bande de passionnés de sport automobile qui décide, comme ça un jour, de fabriquer leur propre monoplace de Formule 1 et d’aller disputer le Championnat du monde !
C’est pourtant l’histoire du pilote britannique David Purley et de ses amis qui ont eu l’audace de concevoir, de fabriquer et de faire rouler leur propre voiture de F1 avec des moyens techniques extrêmement limités et un budget microscopique.
Tout débute avec l’entreprise LEC (Longford Engineering Company) qui produit les premiers réfrigérateurs brevetés, une grande nouveauté au Royaume-Uni à la fin des années 30.
Charles et Frank Purley, et Leslie Jull sont les propriétaires de LEC qui commencent à faire des affaires d’or une fois la guerre terminée. Charles Purley a un fils, David, qui a été membre des forces britanniques durant le conflit mondial et qui cherche maintenant une façon de canaliser son énergie et de vivre des sensations fortes.
David s’intéresse à la course automobile. Il possède du talent et court en Formule 3, en Formule 2 ainsi qu’en Formule 5000 (à bord d’une Chevron modifiée par Mike Pilbeam) avec l’aide financière de LEC. David dispute même quelques Grands Prix de F1 en 1973 aux commandes d’une March 731 louée.
David Purley est surtout connu pour avoir tout tenté pour sauver Roger Williamson de sa voiture en feu lors du Grand Prix des Pays-Bas. Purley, l’ancien parachutiste militaire, avait démontré son immense courage à cette occasion, ce qui n’avait pas empêché Williamson de périr sous sa voiture retournée sur lui.
Les Purley trouvent que la facture de location de la March et de la Token RJ02 en 1974 est salée et décident qu’il serait grandement préférable que David roule à bord de sa propre voiture. On assiste à la création de LEC Refrigeration Racing qui demande à Mike Pilbeam de concevoir le bolide. Son exploitation sur les circuits sera assurée par Church Farm Racing de Mike Earle.
La voiture est construite dans un atelier vieillot situé sur les terrains de l’entreprise LEC à Bognor Regis. Pilbeam dessine la LEC CRP1 : une monoplace hyper simple composée d’un châssis réalisé en tôles d’aluminium rivetées, d’un moteur V8 Ford Cosworth DFV et d’une boîte de vitesses Hewland FGA 400 à cinq rapports. Les suspensions sont très conventionnelles (avec des tirants à l’avant toutefois) tandis que le freinage est assuré par quatre freins à disques ventilés, la carrosserie est fabriquée en fibre de verre et les pneus sont fournis par Goodyear.
L’assemblage du châssis est réalisé dans l’atelier à l’aide de machines qui servent d’ordinaire à plier les feuilles de métal pour en faire des portes des réfrigérateurs. Les différentes composantes sont ensuite rivetées et forment la monocoque à angles droits
La LEC CRP1 effectue sa première sortie officielle lors de la Course des champions de 1977, une épreuve hors-championnat organisée sur le tracé de Brands Hatch. Purley termine en sixième place. C’est la joie dans le clan de l’écurie LEC, mais la suite sera passablement plus difficile.
Pas facile de se battre contre Ferrari et McLaren
Purley ne parvient pas à qualifier la LEC en Espagne. Ensuite, le Britannique se classe 13ème en Belgique, puis 14ème en Suède et abandonne en France à la suite d’une panne de ses freins arrière.
La carrière de Purley et l’histoire de la LEC F1 prend fin lors de la séance de pré-qualification du Grand Prix de Grande-Bretagne à Silverstone ; séance à laquelle participe Gilles Villeneuve aux commandes d’une McLaren.
Durant cette séance, la LEC subit un début d’incendie quand elle est aux puits, vite éteint avec un extincteur à poudre. Purley reprend la piste, mais la poudre provenant de l’extincteur s’est solidifiée sur le câble d’accélérateur… Au moment où Purley négocie le virage de Becketts, l’accélérateur du V8 reste grand ouvert.
La LEC percute de face et avec une violence inouïe le mur de protection appuyé contre une butte de terre. La voiture est passée de 179 km/h à zéro en seulement 70 centimètres et Purley a encaissé un choc incroyable de 179 g. Le Britannique est conscient, mais très amoché. L’avant de la voiture est complètement écrasé. Il souffre de multiples fractures aux jambes, à la ceinture pelvienne et d’un sérieux traumatisme crânien. Il est vite transporté à l’hôpital pour y subir de nombreuses interventions chirurgicales.
Purley, les jambes remplies de plaques de métal et de vis, souffre pendant plus de six mois. Son père Charles Purley ordonne la fabrication d’une seconde LEC 1, la CRP1-002 afin que son fils ait un objectif précis à atteindre : piloter à nouveau. David Purley reprend finalement le volant de voitures sedan sur les circuits afin de se remettre en confiance. C’est en août 1979, 25 mois après son terrible accident, qu’il remonte dans le cockpit d’une voiture de F1, la LEC toute neuve.
Il participe à l’épreuve de Brands Hatch de la série britannique AFX Aurora de F1, mais abandonne sur bris mécanique. La course suivante, celle de Thruxton, sera la dernière de la LEC. Purley s’y classe 10ème. C’est la fin de l’histoire.
Purley, toujours en quête de sensations fortes, se passionne ensuite pour les avions d’acrobaties aériennes. Il trouve la mort en juillet 1985 quand son appareil s’écrase au sol.