Richard Spénard a fait équipe avec Scott Goodyear et Bill Adam lors des 24 Heures du Mans en 1987, au volant d’une Porsche 962C de l’écurie championne du monde en titre, Brun Motorsport.

Cette participation à la plus prestigieuse course d’endurance au monde trouve ses racines dans la Coupe Rothmans Porsche 944 canadienne créée l’année précédente. Un groupe de passionnés avait alors eu l’idée de féliciter les trois premiers de la Coupe canadienne en leur offrant de disputer les 24 Heures du Mans à bord d’une Porsche 962C louée.

Ces trois premiers au classement final étaient Kees Nierop (champion), Richard Spénard (vice-champion) et Scott Goodyear (troisième). Le projet était dirigé par un Allemand émigré au Canada et impliqué en sport automobile depuis le début des années 60 nommé Rudy Müller.

Grâce à ses contacts, Müller a trouvé un accord avec l’écurie de Walter Brun pour louer une Porsche 962C de classe C1 propulsée par un moteur 935/79 six cylindres à plat bi-turbo. Coût total de l’opération : 300 000$, financé par le groupement des concessionnaires Porsche du Canada, Rothmans, Magna International, Sun Ice, Shell et Bosch. Louer la voiture coûtait 210 000$, ce à quoi on ajoute 90 000$ pour le déplacement des pilotes et du personnel d’accompagnement, production d’un documentaire vidéo, restauration et hébergement et un salaire de 5000$ pour chaque pilote.

Quelques semaines avant l’événement, on apprend que Nierop est remplacé par Bill Adam, quatrième au classement. « Nierop possédait de bons contacts chez Porsche et il a eu une invitation pour courir au sein de l’écurie Porsche officielle [aux côtés de Price Cobb et Vern Schuppan]. Disons que pour lui, c’était plus prestigieux que de courir pour Brun » nous a récemment raconté Richard Spénard.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, si Adam avait déjà couru au Mans, Spénard et Goodyear se sont rendus dans la Sarthe sans avoir essayé la voiture et sans connaître le long circuit du Mans.

EN TERRAIN INCONNU...

« Nous n’étions pas bien préparés. Quelques semaines avant Le Mans, nous devions essayer une 962 de l’équipe d’Al Holbert à Pocono. Scott [Goodyear] et moi nous y sommes rendus en auto, mais il pleuvait des cordes et l’essai été annulé. De plus, faute de budget, nous n’avons pas participé aux essais préliminaires du Mans avant l’événement » poursuit Spénard.

Les trois pilotes se rendent vite compte que les essais officiels ne durent pas très longtemps. « À trois pilotes, nous n’avions droit qu’à trois ou quatre tours de piste par séance. Au départ de la course, je n’avais effectué que 12 tours du circuit ! » précise Spénard.

La Porsche Brun No.3 canadienne signe le 26ème temps en qualifications et prend le départ depuis la 23ème position. Les choses se déroulent plutôt bien jusqu’à ce que des ennuis mécaniques touchent les bolides allemands. « Nous roulions dans le Top 10. Mais cette année-là, il y a eu un souci avec la qualité de l’essence du fournisseur. Après trois heures de course, les moteurs Porsche ont commencé à briser. L’équipe Brun a effectué quelques réglages aux puits pour qu’on "toffe", mais le moteur a fini par casser » raconte Spénard.

Le "Roi Richard" nous raconte quelques anecdotes croustillantes : « J’ai fait un relais en pneus lisses dans l’obscurité et dans le brouillard avec une moitié du circuit sèche et l’autre mouillée. C’étaient des conditions assez difficiles ! ». Il souligne aussi : « Il n’y avait pas de chicanes sur la ligne droite des Hunaudières à cette époque. On roulait à près de 360 km/h. Lors de mes premiers tours de piste, j’ai eu du mal à conserver mon pied enfoncé sur l’accélérateur [C’est 60 longues secondes à fond] ! Nous n’étions vraiment pas habitués à garder le moteur à fond si longtemps, mon pied droit voulait se soulever tout seul ! Mais après quelques tours, on s’habitue. Cette ligne droite, pas vraiment droite, c’est une route départementale. À cause des ornières, la voiture valsait de gauche à droite, parfois avec cinq ou six pieds d’écart. Impressionnant ! ».

Le moteur a donc lâché après la neuvième heure de course et 120 tours du circuit de 13,6 km complétés. La Porsche No.3 avait occupé la cinquième pace à un moment de la course. « On a sauvé les meubles. Si on n’avait pas cassé le moteur, on aurait fait un Top 10 » ajoute Spénard. « On a vécu les 24 Heures du Mans en grandes pompes avec un château comme pied-à-terre, mais moi qui suis très compétitif, ce n’était pas ma façon d’aller aux courses. J’aurais préféré disputer Le Mans dans de bonnes conditions avec des essais et une meilleure préparation. Toutefois, c’était difficile de critiquer quoi que ce soit, car il s’agissait d’un effort privé, Porsche Canada n’était même pas impliqué. Je lève mon chapeau à tous ces gens. Ce fut néanmoins une belle expérience » conclut-il.

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